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23/03/2012 | FRANCE | N°331805

France | France, Conseil d'État, Section, 23 mars 2012, 331805


Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX, dont le siège est 70, rue Philippe de Girard à Paris (75018), représentée par son secrétaire général ; la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée l'accord du 20 mai 2009 de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif relatif à la mise à disposition de salariés auprès d'une organisation syndicale ;

Vu les autre

s pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité sur l'Union europ...

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX, dont le siège est 70, rue Philippe de Girard à Paris (75018), représentée par son secrétaire général ; la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée l'accord du 20 mai 2009 de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif relatif à la mise à disposition de salariés auprès d'une organisation syndicale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur ;

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX, de Me Brouchot, avocat de la société Fédération CFTC santé et sociaux et autres et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la société Fédération des services de santé et des services sociaux CFDT et autres ;

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX, à Me Brouchot, avocat de la société Fédération CFTC santé et sociaux et autres et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la société Fédération des services de santé et des services sociaux CFDT et autres ;

Considérant que l'Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED) a conclu le 20 mai 2009 avec les organisations syndicales CFDT santé sociaux, CFTC santé sociaux, CFE-CGC santé médecine et action sociale, CGT santé et action sociale, FO santé et FO action sociale un accord de branche déterminant les conditions de mise à disposition de salariés auprès de ces organisations syndicales ; que cet accord a fait l'objet d'un agrément du ministre chargé de l'action sociale par arrêté du 7 juillet 2009, conformément à l'article L. 314-6 du code l'action sociale et des familles, et a été étendu par arrêté du 18 décembre 2009 ; que la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX demande l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée cet accord ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire " ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2135-7 du code du travail : " Avec son accord exprès et dans les conditions prévues par l'article L. 2135-8, un salarié peut être mis à disposition d'une organisation syndicale ou d'une association d'employeurs mentionnées à l'article L. 2231-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 2135-8 du même code : " Une convention collective ou un accord collectif de branche étendus ou un accord d'entreprise détermine les conditions dans lesquelles il peut être procédé à une mise à disposition de salariés auprès d'organisations syndicales ou d'associations d'employeurs. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 2231-1 de ce code : " La convention ou l'accord est conclu entre : / - d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord ; / - d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs ou toute autre association d'employeurs (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la convention collective ou l'accord de branche étendu déterminant les conditions dans lesquelles il peut être procédé à une mise à disposition de salariés auprès d'organisations syndicales doit être signé par les organisations syndicales représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord et que cette mise à disposition ne peut se faire qu'auprès d'organisations syndicales représentatives ;

Considérant que la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a introduit dans le code du travail de nouveaux critères d'appréciation de la représentativité syndicale et mis fin, à l'issue de la période transitoire prévue à son article 11, à la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficiaient, au niveau national et interprofessionnel, les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives par l'arrêté du 31 mars 1966 du Premier ministre et du ministre chargé du travail et, au niveau de la branche professionnelle, les organisations syndicales de salariés affiliées aux précédentes ; qu'aux termes de l'article 11 de cette même loi : " I - La première mesure de l'audience au niveau des branches professionnelles et au niveau national et interprofessionnel, prévue aux articles L. 2122-5 et L. 2122-9 du code du travail, dans leur rédaction issue de la présente loi, est réalisée au plus tard cinq ans après la publication de la présente loi. / II - Jusqu'à la première détermination des organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel, telle que prévue au I de cet article, sont présumées représentatives à ce niveau les organisations syndicales de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel à la date de publication de la présente loi (...), ainsi que toute organisation syndicale de salariés dont la représentativité est fondée sur les critères mentionnés à l'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi. / III - Jusqu'à la première détermination des organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au niveau de la branche professionnelle, telle que prévue au I du présent article, sont présumés représentatifs à ce niveau les syndicats affiliés aux organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel mentionnées au II et les organisations syndicales de salariés déjà représentatives au niveau de la branche à la date de publication de la présente loi (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que les organisations syndicales signataires de l'accord étaient, à la date de la signature de cet accord, représentatives, en vertu du III de l'article 11 de la loi du 20 août 2008, dans le champ d'application de l'accord en raison de leur affiliation aux organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'accord aurait été signé par des organisations qui n'auraient pas justifié de leur représentativité dans le champ de l'accord doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que le ministre ne justifierait pas avoir vérifié la validité des mandats dont disposaient les signataires de l'accord ne peut qu'être écarté, dès lors qu'il n'est pas même allégué que ces mandats auraient fait défaut ;

Considérant cependant, en troisième lieu, que pour contester l'arrêté attaqué, la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX soutient que l'accord qu'il agrée, qui accorde la mise à disposition de salariés à six organisations syndicales présumées représentatives à la date de sa signature, d'une part, méconnaît la loi du 20 août 2008 en ce qu'il est conclu pour une durée indéterminée et ne prévoit de révision que par la volonté des parties, alors qu'il aurait dû prévoir une vérification périodique du caractère représentatif des bénéficiaires ainsi que de l'éventuelle apparition d'une organisation nouvellement représentative, d'autre part, méconnaît le principe d'égalité ; que si une organisation syndicale devenue représentative peut adhérer à l'accord et soit en demander la révision, soit le dénoncer ou, lorsqu'elle a recueilli la majorité des suffrages exprimés, exercer son droit d'opposition à l'entrée en vigueur d'un éventuel avenant, l'accord agréé ne comporte pas de stipulations permettant de prendre en compte les conséquences de la mise en oeuvre des nouvelles règles de représentativité issues de la loi du 20 août 2008 ; que s'il est soutenu qu'il pourrait, le cas échéant, être procédé à l'abrogation de l'arrêté d'extension de l'accord qui serait devenu illégal à la suite de l'apparition d'une nouvelle organisation syndicale représentative, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui doit être appréciée à la date à laquelle il est intervenu ;

Considérant que, lorsque, à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la validité d'un arrêté prononçant l'extension ou l'agrément d'une convention ou d'un accord collectif de travail, il appartient au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation ;

Considérant toutefois qu'eu égard à l'exigence de bonne administration de la justice et aux principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable, il en va autrement s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; qu'en outre, s'agissant du cas particulier du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu'à cet effet, le juge administratif doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union européenne, sans être tenu de saisir au préalable l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'une convention ou d'un accord collectif au droit de l'Union européenne ;

Considérant, par ailleurs, que dans l'hypothèse où le législateur a prévu que les mesures prises pour l'application de la loi seront définies par un accord collectif conclu entre les partenaires sociaux, dont l'entrée en vigueur est subordonnée à l'intervention d'un arrêté ministériel d'extension ou d'agrément, il appartient au juge administratif, compétemment saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté, de se prononcer lui-même, compte tenu de la nature particulière d'un tel accord, sur les moyens mettant en cause la légalité de ce dernier ;

Considérant qu'en l'espèce le législateur a ouvert aux partenaires sociaux une simple faculté de conclure une convention collective ou un accord, au niveau de la branche ou de l'entreprise, prévoyant les conditions dans lesquelles des salariés peuvent être mis à disposition des organisations syndicales représentatives ou d'associations d'employeurs ; qu'en outre, l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, s'il prévoit que les conventions collectives de travail et les accords de retraite applicables aux salariés des établissements sociaux et services sociaux et médico-sociaux dont des personnes morales de droit public ou des organismes de sécurité sociale assurent en tout ou partie le financement ne prennent effet qu'après leur agrément, n'a pas pour objet de confier aux partenaires sociaux le soin de définir les mesures prises pour l'application de la loi ; que la contestation de l'accord litigieux au regard de la loi du 20 août 2008, en ce qu'il est conclu pour une durée indéterminée et ne prévoit de révision que par la volonté des parties, et au regard du principe d'égalité, qui ne peut être résolue au vu d'une jurisprudence établie et qui ne met pas en cause la conformité de l'accord litigieux au droit de l'Union européenne, soulève une difficulté sérieuse qui justifie que le Conseil d'Etat sursoie à statuer sur la requête de la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée l'accord du 20 mai 2009 jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX dirigée contre l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée l'accord du 20 mai 2009 jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la licéité de cet accord, au regard de la loi du 20 août 2008, en ce qu'il est conclu pour une durée indéterminée et ne prévoit de révision que par la volonté des parties, et au regard du principe d'égalité.

Article 2 : La FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX devra justifier devant le Conseil d'Etat, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de sa diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION SUD SANTE SOCIAUX, à la Fédération française de la santé, de la médecine et de l'action sociale FFASS-CFE-CGC, à la Fédération CGT Santé action sociale, à la Fédération nationale des syndicats des services de la santé et services sociaux CFDT, à la Fédération nationale de l'action sociale Force Ouvrière, à la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force Ouvrière, à la Fédération CFTC Santé sociaux et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 331805
Date de la décision : 23/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCES CONCURRENTES DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CONTENTIEUX DE L'APPRÉCIATION DE LA LÉGALITÉ - CONTESTATION CONCERNANT LA VALIDITÉ D'UN ARRÊTÉ D'EXTENSION OU L'AGRÉMENT D'UNE CONVENTION OU D'UN ACCORD COLLECTIF - 1) PRINCIPE - SURSIS À STATUER ET QUESTION PRÉJUDICIELLE [RJ1] - 2) EXCEPTIONS [RJ2] - A) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE IL APPARAÎT MANIFESTEMENT - AU VU D'UNE JURISPRUDENCE ÉTABLIE - QUE LA CONTESTATION PEUT ÊTRE ACCUEILLIE PAR LE JUGE SAISI AU PRINCIPAL - B) PRINCIPE D'EFFECTIVITÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR APPLIQUER LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE OU RENVOYER UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE - C) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE LE LÉGISLATEUR A PRÉVU QUE LES MESURES PRISES POUR L'APPLICATION DE LA LOI SERONT DÉFINIES PAR UN ACCORD COLLECTIF DONT L'ENTRÉE EN VIGUEUR EST SUBORDONNÉE À SON AGRÉMENT OU EXTENSION.

17-04-02 1) Lorsque, à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la validité d'un arrêté prononçant l'extension ou l'agrément d'une convention ou d'un accord collectif de travail, il appartient en principe au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation.,,2) Ce principe connaît trois exceptions.... ...a) Eu égard à l'exigence de bonne administration de la justice et aux principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable, il en va autrement s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.,,b) En outre, s'agissant du cas particulier du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, le juge administratif doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union européenne, sans être tenu de saisir au préalable l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'une convention ou d'un accord collectif au droit de l'Union européenne.,,c) Par ailleurs, dans l'hypothèse où le législateur a prévu que les mesures prises pour l'application de la loi seront définies par un accord collectif conclu entre les partenaires sociaux, dont l'entrée en vigueur est subordonnée à l'intervention d'un arrêté ministériel d'extension ou d'agrément, il appartient au juge administratif, compétemment saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté, de se prononcer lui-même, compte tenu de la nature particulière d'un tel accord, sur les moyens mettant en cause la légalité de ce dernier.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - QUESTION PRÉJUDICIELLE POSÉE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF - CONTESTATION CONCERNANT LA VALIDITÉ D'UN ARRÊTÉ D'EXTENSION OU L'AGRÉMENT D'UNE CONVENTION OU D'UN ACCORD COLLECTIF - 1) PRINCIPE - SURSIS À STATUER ET QUESTION PRÉJUDICIELLE [RJ1] - 2) EXCEPTIONS [RJ2] - A) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE IL APPARAÎT MANIFESTEMENT - AU VU D'UNE JURISPRUDENCE ÉTABLIE - QUE LA CONTESTATION PEUT ÊTRE ACCUEILLIE PAR LE JUGE SAISI AU PRINCIPAL - B) PRINCIPE D'EFFECTIVITÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR APPLIQUER LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE OU RENVOYER UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE - C) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE LE LÉGISLATEUR A PRÉVU QUE LES MESURES PRISES POUR L'APPLICATION DE LA LOI SERONT DÉFINIES PAR UN ACCORD COLLECTIF DONT L'ENTRÉE EN VIGUEUR EST SUBORDONNÉE À SON AGRÉMENT OU EXTENSION.

54-07-01-09 1) Lorsque, à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la validité d'un arrêté prononçant l'extension ou l'agrément d'une convention ou d'un accord collectif de travail, il appartient en principe au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation.,,2) Ce principe connaît trois exceptions.... ...a) Eu égard à l'exigence de bonne administration de la justice et aux principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable, il en va autrement s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.,,b) En outre, s'agissant du cas particulier du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, le juge administratif doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union européenne, sans être tenu de saisir au préalable l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'une convention ou d'un accord collectif au droit de l'Union européenne.,,c) Par ailleurs, dans l'hypothèse où le législateur a prévu que les mesures prises pour l'application de la loi seront définies par un accord collectif conclu entre les partenaires sociaux, dont l'entrée en vigueur est subordonnée à l'intervention d'un arrêté ministériel d'extension ou d'agrément, il appartient au juge administratif, compétemment saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté, de se prononcer lui-même, compte tenu de la nature particulière d'un tel accord, sur les moyens mettant en cause la légalité de ce dernier.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION DES CONVENTIONS COLLECTIVES - CONTESTATION CONCERNANT LA VALIDITÉ D'UN ARRÊTÉ D'EXTENSION OU L'AGRÉMENT D'UNE CONVENTION OU D'UN ACCORD COLLECTIF - 1) PRINCIPE - SURSIS À STATUER ET QUESTION PRÉJUDICIELLE [RJ1] - 2) EXCEPTIONS [RJ2] - A) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE IL APPARAÎT MANIFESTEMENT - AU VU D'UNE JURISPRUDENCE ÉTABLIE - QUE LA CONTESTATION PEUT ÊTRE ACCUEILLIE PAR LE JUGE SAISI AU PRINCIPAL - B) PRINCIPE D'EFFECTIVITÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR APPLIQUER LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE OU RENVOYER UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE - C) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE LE LÉGISLATEUR A PRÉVU QUE LES MESURES PRISES POUR L'APPLICATION DE LA LOI SERONT DÉFINIES PAR UN ACCORD COLLECTIF DONT L'ENTRÉE EN VIGUEUR EST SUBORDONNÉE À SON AGRÉMENT OU EXTENSION.

66-02-02 1) Lorsque, à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la validité d'un arrêté prononçant l'extension ou l'agrément d'une convention ou d'un accord collectif de travail, il appartient en principe au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation.,,2) Ce principe connaît trois exceptions.... ...a) Eu égard à l'exigence de bonne administration de la justice et aux principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable, il en va autrement s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.,,b) En outre, s'agissant du cas particulier du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, le juge administratif doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union européenne, sans être tenu de saisir au préalable l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'une convention ou d'un accord collectif au droit de l'Union européenne.,,c) Par ailleurs, dans l'hypothèse où le législateur a prévu que les mesures prises pour l'application de la loi seront définies par un accord collectif conclu entre les partenaires sociaux, dont l'entrée en vigueur est subordonnée à l'intervention d'un arrêté ministériel d'extension ou d'agrément, il appartient au juge administratif, compétemment saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté, de se prononcer lui-même, compte tenu de la nature particulière d'un tel accord, sur les moyens mettant en cause la légalité de ce dernier.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 4 mars 1960, Société anonyme Le peignage de Reims, n° 39554, p. 168.,,

[RJ2]

Cf., pour les deux premières exceptions, TC, 17 octobre 2011, Préfet de la région Bretagne SCEA du Chéneau, n° 3828, à publier au Recueil ;

s'agissant de la troisième exception, CE, 28 décembre 2009, Guillot, n° 311421, T. p. 672 ;

CE, 18 juin 2010, Syndicat des agences de presse photographiques d'information et de reportages, n° 318143, p. 208.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 2012, n° 331805
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: Mme Claire Landais
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; BROUCHOT ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:331805.20120323
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