La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2012 | FRANCE | N°357719

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 avril 2012, 357719


Vu le recours, enregistré le 19 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 12001347, 12001349 du 2 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, d'une part, suspendu les décisions du préfet du Nord refusant d'admettre au séjour au titre de l'asile M. et Mme

B et, d'autre part, enjoint au préfet de leur délivrer une autorisa...

Vu le recours, enregistré le 19 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 12001347, 12001349 du 2 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, d'une part, suspendu les décisions du préfet du Nord refusant d'admettre au séjour au titre de l'asile M. et Mme B et, d'autre part, enjoint au préfet de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. et Mme B ;

il soutient que M. et Mme B ont tardé à saisir le juge des référés ; que, dès lors, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu'en jugeant qu'un acte devenu définitif pouvait être manifestement illégal, le juge des référés de première instance a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que le juge des référés a méconnu l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le refus d'admission au séjour ne pouvait être fondé sur le 4° de cet article ; que la demande d'asile des époux B présentait un caractère abusif ; qu'en enjoignant à l'administration de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour sans préciser la durée de celle-ci, avec pour conséquence de rendre la France responsable de l'examen de la demande d'asile, le juge des référés n'a pas pris une mesure provisoire et a excédé ses pouvoirs ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2012, présenté par M. et Mme B qui concluent au rejet du recours et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent qu'une décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile suffit à caractériser l'urgence ; que la procédure de l'article L. 521-2 n'est soumise à aucun délai de saisine ; qu'un éloignement de la France les priverait du droit à un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'aucun retard dans la saisine du juge des référés ne leur est imputable ; qu'ayant introduit une demande d'aide juridictionnelle, la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile n'est pas devenue définitive ; que la France est compétente pour statuer sur leur demande d'asile ; qu'il revenait à l'administration de mettre en oeuvre une procédure de départ contrôlé, ce qu'elle n'a pas fait ; que l'administration, en confondant les notions de fuite et de demande d'asile abusive, méconnaît les dispositions des articles 20 du règlement du 18 février 2003 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aucune fuite ne peut leur être reprochée ; que leur demande d'asile ne présentait aucun caractère abusif ; que les décisions de réadmission vers la Pologne ne peuvent plus être mises à exécution ; que, leur première demande d'asile le 17 janvier 2011 n'ayant pas été instruite, leur seconde demande du 30 septembre 2011 ne peut être considérée comme une demande de réexamen ; que le juge des référés n'a pas excédé sa compétence en enjoignant à l'administration de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

Vu le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et, d'autre part, M. et Mme B ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 28 mars 2012 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme B ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée, notamment, si " 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités " ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, si ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 4° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque sa demande constitue une fraude délibérée ou un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée que dans le but de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; qu'aux termes de l'article L. 723-1 du même code, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statue prioritairement sur les demandes des requérants auxquels un tel refus a été opposé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B, de nationalité géorgienne, ont présenté une demande d'asile en Pologne en 2009, puis ont sollicité l'asile aux Pays-Bas et en Allemagne ; qu'ils sont entrés en France en 2010 et ont demandé à être admis au statut de réfugié en janvier 2011 ; qu'après que les autorités polonaises ont accepté de prendre en charge l'examen de leur demande d'asile le 27 janvier 2011 en application du règlement du Conseil du 18 février 2003, les intéressés ont fait l'objet d'une décision de réadmission vers la Pologne le 10 février 2011, leur laissant un délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire français ; qu'ils n'ont pas contesté cette décision dans le délai de recours contentieux et n'y ont donné aucune suite ; qu'ils ont présenté une nouvelle demande d'asile le 30 septembre 2011 à la suite de laquelle le préfet du Nord a refusé leur admission au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. et Mme B, après avoir demandé l'aide juridictionnelle, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative le 28 février 2012 ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution des décisions du 26 octobre 2011 refusant d'admettre au séjour les intéressés et a enjoint au préfet du Nord de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Considérant qu'en estimant que la réitération de la demande d'asile le 30 septembre 2011, après que les intéressés se sont abstenus d'exécuter la décision de réadmission vers la Pologne et alors qu'ils ont, au total, sollicité l'asile dans quatre Etats membres de l'Union européenne, constituait un recours abusif aux procédures d'asile permettant de refuser qu'ils soient admis au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son recours, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande en référé de M. et Mme B ; que les conclusions présentées par ces derniers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 2 mars 2012 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B au juge des référés du tribunal administratif de Lille et les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. et Mme B.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 357719
Date de la décision : 02/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2012, n° 357719
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357719.20120402
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award