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02/04/2012 | FRANCE | N°357877

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 avril 2012, 357877


Vu le recours, enregistré le 23 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201061 du 9 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, d'une part, suspendu l'exécution des arrêtés du 5 mars 2012 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé d'admettre

provisoirement au séjour en qualité de demandeurs d'asile M. et Mme A...

Vu le recours, enregistré le 23 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201061 du 9 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, d'une part, suspendu l'exécution des arrêtés du 5 mars 2012 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé d'admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeurs d'asile M. et Mme A et ordonné leur remise aux autorités hongroises et leur placement en rétention administrative et, d'autre part, enjoint au préfet de la Moselle de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, de les mettre en possession d'un formulaire de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance et de leur indiquer un lieu d'hébergement susceptible de les accueillir dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance ;

2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. et Mme A ;

il soutient que la situation d'urgence est imputable au seul comportement des intéressés ; que les arrêtés ordonnant leur réadmission vers la Hongrie étant devenus définitifs, la condition d'urgence ne saurait être remplie ; qu'en jugeant qu'ils n'avaient pas bénéficié des garanties prévues par l'article L. 531-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; qu'en enjoignant à l'administration de leur remettre une autorisation provisoire de séjour, un formulaire de demande d'asile et de leur indiquer un lieu d'hébergement susceptible de les accueillir alors que les mesures litigieuses n'étaient suspendues que pour un vice de procédure, le juge des référés a ordonné une mesure qui n'est pas provisoire et a excédé ses pouvoirs ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2012, présenté pour M. et Mme A, qui concluent au rejet du recours et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent qu'une décision de remise à un Etat traduit l'existence d'une situation d'urgence, sans qu'il soit besoin de justifier de circonstances particulières ; qu'aucune fuite de leur part ne saurait être caractérisée ; que la situation d'urgence ne leur est pas imputable ; qu'ils n'ont pas été mis en mesure de présenter des observations écrites ou orales ni de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire avant l'intervention de la décision d'éloignement et leur placement en rétention ; que le juge des référés n'a pas excédé ses pouvoirs en enjoignant à l'administration de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile ; qu'en ne mentionnant pas que leurs cinq enfants faisaient l'objet d'un transfert avec leurs parents, la décision contestée a méconnu les dispositions du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et traduit une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et au droit de recours effectif ; que le placement en rétention de leurs enfants est contraire aux stipulations des articles 3, 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que, la Hongrie n'assurant pas le respect du droit d'asile tel que prévu par l'article 18 de la charte des droits fondamentaux et le règlement communautaire du Conseil du 18 février 2003, il appartenait à la France d'examiner leur demande d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, M. et Mme A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 28 mars 2012 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;

- la représentante de M. et Mme A ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée, notamment, si " 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats " ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, si ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A sont entrés en France, le 30 novembre 2010, accompagnés de leurs enfants ; qu'ils ont demandé à être admis au statut de réfugié le 7 décembre 2010 à la préfecture de la Moselle ; qu'après qu'il est apparu qu'ils avaient antérieurement présenté une demande d'asile en Hongrie en 2009, les autorités hongroises ont accepté de reprendre en charge l'examen de leur demande d'asile le 9 février 2011 ; qu'ils ont fait l'objet d'une décision de réadmission vers la Hongrie le 1er mars 2011 ; que cette décision, accompagnée d'une lettre les informant des modalités de leur acheminement vers la Hongrie organisé par la préfecture pour le 15 mars 2011 et d'un laissez-passer, leur a été notifiée à l'adresse qu'ils avaient indiquée et où ils avaient élu domicile ; que cette décision et cette lettre n'ont pu leur être remises, les intéressés ayant volontairement quitté ce domicile et ne s'étant plus manifestés auprès de la préfecture avant le 5 mars 2012, date à laquelle ils ont à nouveau sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture de la Moselle ;

Considérant que le délai de remise aux autorités hongroises ayant été porté de six à dix-huit mois sur le fondement du point 4 de l'article 19 du règlement du Conseil du 18 février 2033, le préfet de la Moselle a refusé leur admission au séjour le 5 mars 2012 en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les a placés en rétention administrative ; que M. et Mme A ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande fondée sur l'article L. 521-2 du code de justice administrative le 7 mars 2012 ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu l'exécution des décisions du 5 mars 2012 refusant d'admettre au séjour les intéressés et ordonnant leur remise aux autorités hongroises et a enjoint au préfet de la Moselle de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, de leur remettre un formulaire de demande d'asile et de leur indiquer un lieu d'hébergement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A, préalablement à l'intervention des décisions du 1er mars 2011 ordonnant leur réadmission vers la Hongrie, ont été informés dans une langue qu'ils comprennent, par la remise de documents dont il n'existe pas de raison de douter de la pertinence de la traduction, et ont été mis en mesure de présenter leurs observations ainsi que le prévoit l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Moselle, après que les intéressés se sont soustraits à l'exécution de la mesure de réadmission, n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en ne les mettant pas à nouveau en mesure de présenter leurs observations préalablement à l'intervention des décisions du 5 mars 2012 refusant leur admission au séjour ; que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son recours, fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour suspendre l'exécution des décisions du 5 mars 2012 ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le juge des référés du Conseil d'Etat statuant par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. et Mme A ;

Considérant que les intéressés se sont volontairement soustraits à l'exécution des décisions du 1er mars 2011 ordonnant leur réadmission vers la Hongrie et doivent être regardés comme ayant pris la fuite au sens du règlement du 18 février 2003 ; que le préfet de la Moselle n'a, par suite, pas porté, dans les circonstances de l'espèce, d'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en refusant de les admettre au séjour en se fondant sur les dispositions du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il ne ressort pas des éléments d'ordre général versés au dossier que l'exécution des mesures de réadmission des intéressés, qui se prévalent au demeurant pour la première fois devant le Conseil d'Etat de ce qu'ils seraient roms, vers la Hongrie, Etat membre de l'Union européenne qui a ratifié la convention de Genève et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, serait, dans les circonstances de l'espèce, constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ;

Considérant que le placement en rétention administrative ayant pris fin à la date de la présente ordonnance, les conditions de ce placement ne sont, en tout état de cause, plus susceptibles de faire l'objet d'une mesure ordonnée par le juge des référés du Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que les conclusions présentées par M. et Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mars 2012 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg et les conclusions qu'ils ont présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. et Mme A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 357877
Date de la décision : 02/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2012, n° 357877
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357877.20120402
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