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16/04/2012 | FRANCE | N°318952

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 16 avril 2012, 318952


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 et 31 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Luis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " EDVIGE " ;

2°) d'annuler le décret n° 2008-631 du 27 juin 2008 portant modification du décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux et du décr

et n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour application du I de l'article 30 de la loi n° ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 et 31 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Luis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " EDVIGE " ;

2°) d'annuler le décret n° 2008-631 du 27 juin 2008 portant modification du décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux et du décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

3°) d'annuler l'ensemble des modifications que les décrets n°s 2008-632 et 2008-631 introduisent dans d'autres textes tendant à l'application de ces décrets ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 avril 2012, présentée par M. A ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 22 et 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;

Vu la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 20 janvier 1981 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code civil ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

Vu la loi n° 2007-292 du 5 mars 2007 ;

Vu le décret n° 87-239 du 6 avril 1987 ;

Vu le décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 ;

Vu le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 ;

Vu le décret n° 2007-914 du 15 mai 2007

Vu le décret n° 2008-1199 du 19 novembre 2008 ;

Vu la décision du 12 mai 2011 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Berriat, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " EDVIGE " :

Considérant que, par le décret du 19 novembre 2008 portant retrait du décret du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " EDVIGE ", devenu définitif faute d'avoir été contesté dans le délai du recours contentieux, le Premier ministre a, postérieurement à l'introduction de la requête, retiré le décret attaqué ; que, dès lors, les conclusions de M. A tendant à son annulation pour excès de pouvoir sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 27 juin 2008 portant modification du décret du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par le services des renseignements généraux et du décret du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de cet acte ; qu'il ne résulte ni du décret attaqué, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que l'exécution de ce décret nécessite, par elle-même, l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que les ministres autres que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales auraient compétence pour signer ; que le fait que le décret du 14 octobre 1991, portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux des dispositions de l'article 31, alinéa 3, de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ait été contresigné par le ministre de la défense, est sans influence sur la légalité du décret attaqué ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que, faute d'avoir été contresigné par tous les ministres ou, à tout le moins par le ministre de la défense, le décret attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 22 de la Constitution ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées méconnaîtraient la compétence du législateur n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée, hormis l'invocation d'une recommandation d'une commission internationale, dénuée d'incidence sur la légalité des dispositions attaquées ;

Considérant en troisième lieu qu'aucun texte ni principe n'imposait la motivation du décret attaqué ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " I. - Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et : / 1°) qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ; / 2°) ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. / L'avis de la commission est publié avec l'arrêté autorisant le traitement. / II. - Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 8 sont autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission ; cet avis est publié avec le décret autorisant le traitement " ; qu'il résulte des dispositions précitées que s'il incombe à l'administration de soumettre à la consultation préalable de la commission les projets de textes entrant dans les hypothèses susvisées, l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) doit être publié avec le décret auquel il se rattache ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'avis de la CNIL aurait dû être publié antérieurement à la publication du décret litigieux doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

Considérant que si le requérant soutient que le décret attaqué méconnaît les principes constitutionnels et les engagements internationaux de la France ainsi que les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, les critiques dont il assortit ses allégations sont d'une généralité qui ne permet pas d'en apprécier la portée, alors que par décision du 16 avril 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé par une décision définitive les dispositions du décret conforme tant à l'article 8 qu'à l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés qu'aux exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret du 27 mars 1992 et de l'article 3 du décret du 6 avril 1987 :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 27 mars 1992 pris pour l'application du 1° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et fixant les principes généraux concernant le régime applicable à la publicité et au parrainage : " La publicité doit être conforme aux exigences de véracité, de décence et de respect de la dignité de la personne humaine. / Elle ne peut porter atteinte au crédit de l'Etat. " ; qu'en vertu de l'article 3 du décret du 6 avril 1987 pris pour l'application de l'article 27-I de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et fixant pour les services privés de radiodiffusion sonore diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite le régime applicable à la publicité et au parrainage : " Les messages publicitaires doivent être exempts de toute discrimination raciale ou sexuelle, de scènes de violences ou d'éléments pouvant provoquer la peur ou encourager les abus, imprudences ou négligences " ; que le fichier prévu par le décret attaqué ne constitue ni une publicité, ni un message publicitaire au sens des dispositions précitées ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance de ces dispositions ;

Sur le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir :

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les autres conclusions à fin d'annulation tendant à l'annulation du décret du 27 juin 2008 portant modification du décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de la décentralisation, de l'ensemble des modifications que ces décrets introduisent dans d'autres textes tendant à l'application du décret n° 2008-612 ou du décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de la décentralisation, de la lettre de mission adressée par le Président de la République à M. Bernard B, ainsi que de l'ensemble des décisions ayant institué un Conseil de défense et de Sécurité Nationale et un Conseil National du Renseignement présidés par le Président de la République :

Considérant que si M. A soutient que les moyens ci-dessus examinés sont de nature à entraîner par voie de conséquence l'annulation des autres actes qu'il attaque, il n'assortit pas ses assertions de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que par suite, les conclusions de M. A tendant à l'annulation de ces textes ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de M. A tendant à ce que sa requête soit jugée par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-17 du code de justice administrative : " Le jugement de toutes les affaires relevant de la juridiction du Conseil d'Etat est renvoyé à la section du contentieux ou à l'assemblée du contentieux à la demande soit du vice-président du Conseil d'Etat, soit du président de la section du contentieux, soit du président de la formation de jugement, soit de la sous-section ou des sous-sections réunies, soit du rapporteur public. / Les affaires dont l'instruction a été confiée à la section du contentieux en application du premier alinéa de l'article R. 611-20 sont jugées par l'assemblée du contentieux. " ; que si M. A demande que sa requête soit jugée par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, l'opportunité d'un tel renvoi dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, qui est un acte d'administration de la justice, relève de la seule compétence du vice-président du Conseil d'Etat, du président de la section du contentieux, du président de la formation de jugement, de la sous-section ou des sous-sections réunies, ou du rapporteur public ; que M. A n'est donc, par suite, pas recevable à formuler une telle demande ; que ses conclusions d'annulation doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions de M. A tendant à ce qu'un avis d'enregistrement lui soit communiqué :

Considérant que les conclusions de l'intéressé doivent être regardées comme tendant à ce qu'un avis d'audience lui soit communiqué ; qu'aux termes de l'article R. 712-1 du code de justice administrative : " Le rôle de chaque séance de jugement est préparé par le rapporteur public chargé de présenter ses conclusions et arrêté par le président de la formation de jugement.

Lorsqu'une affaire est inscrite au rôle de l'assemblée du contentieux, le Premier ministre en est tenu informé. / Quatre jours au moins avant la séance, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sont avisés que les affaires pour lesquelles ils sont inscrits figurent au rôle. En cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par décision du président de la section du contentieux. / Les parties qui ne sont pas représentées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sont informées de l'inscription au rôle de leur affaire. / (...). " ; qu'en vertu de ces dispositions, la communication d'un tel document doit intervenir, sous peine d'entacher la procédure d'irrégularité, quatre jours au moins avant la séance ; qu'il ressort de l'instruction qu'une telle communication a eu lieu ; que, par suite, les conclusions de M. A à fin de communication ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. A en tant qu'elle tend à l'annulation du décret du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " EDVIGE ".

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Luis A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Une copie en sera adressée pour information au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 318952
Date de la décision : 16/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2012, n° 318952
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Berriat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:318952.20120416
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