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16/04/2012 | FRANCE | N°342956

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 16 avril 2012, 342956


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COMITE HARKIS ET VERITE, domicilié BP 23 à Le Mée sur Seine (77350) ; le COMITE HARKIS ET VERITE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions du 1 et 2 du III, du 2 du IV, du VI et les paragraphes " Les bénéficiaires du dispositif " et " Evaluation du dispositif " du V de la circulaire du 30 juin 2010 relative à la prorogation de mesures prises en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes

de la captivité en Algérie et de leurs familles ;

2°) de mettre à l...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COMITE HARKIS ET VERITE, domicilié BP 23 à Le Mée sur Seine (77350) ; le COMITE HARKIS ET VERITE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions du 1 et 2 du III, du 2 du IV, du VI et les paragraphes " Les bénéficiaires du dispositif " et " Evaluation du dispositif " du V de la circulaire du 30 juin 2010 relative à la prorogation de mesures prises en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 mars 2012, présentée par le COMITE HARKIS ET VERITE ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée notamment par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 ;

Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

Vu le décret n° 2005-477 du 17 mai 2005 ;

Vu le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

Vu la décision du 24 novembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le COMITE HARKIS ET VERITE ;

Vu la décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le COMITE HARKIS ET VERITE ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

Considérant que le COMITE HARKIS ET VERITE demande l'annulation des dispositions du 1 et 2 du III, du 2 du IV, du VI et des paragraphes " Les bénéficiaires du dispositif " et " Evaluation du dispositif " du V de la circulaire signée par le ministre de l'intérieur et d'autres ministres et secrétaires d'Etat du 30 juin 2010 relative à la prorogation de mesures prises en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles ;

Considérant, en premier lieu, que les ministres signataires ne tenaient d'aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir d'une part de créer, au 2 du IV de la circulaire contestée du 30 juin 2010, des dispositifs de prise en charge des coûts de certaines formations professionnelles et de la formation aux permis poids lourds, transports en commun, transports de produits dangereux et aux licences de caristes, d'autre part de fixer, au 2 du VI de la même circulaire, des critères réglementaires d'aides à la réalisation de projets de développement et d'octroi de subventions aux associations de rapatriés ; qu'en revanche, les ministres signataires étaient compétents pour adopter les autres dispositions contestées de la circulaire, qui sont dépourvues de valeur réglementaire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 20 décembre 2002 portant création du Haut Conseil des rapatriés : " Il est créé un Haut Conseil des rapatriés qui a pour objet de formuler, à la demande du président de la mission interministérielle aux rapatriés ou de sa propre initiative, tous avis ou propositions sur les mesures qui concernent les rapatriés, et notamment la mémoire de l'oeuvre de la France d'outre-mer et les questions liées à l'insertion de ces populations (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la consultation du Haut Conseil des rapatriés est facultative ; que le COMITE HARKIS ET VERITE ne peut, par suite, utilement soutenir que ce conseil aurait dû être consulté lors de l'élaboration de la circulaire contestée ;

Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, contrairement à ce que soutient le COMITE HARKIS ET VERITE, la circulaire contestée précise explicitement que le bénéfice des dispositions qu'elle comporte s'applique aux anciens membres des formations supplétives et assimilés et à leurs familles sans condition tenant à leur nationalité ; que, d'autre part, si elle reprend la condition, figurant notamment à l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, tenant à ce que les bénéficiaires de ces dispositions aient fixé leur domicile en France ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne, cette condition, qui vise à tenir compte des charges entraînées par leur départ d'Algérie et leur réinstallation dans un Etat de l'Union européenne, est en rapport direct avec l'objet de la loi et ne crée pas de différence de traitement disproportionnée au regard des objectifs que celle-ci poursuit ; que, par suite, le COMITE HARKIS ET VERITE n'est pas fondé à soutenir que la circulaire ne pouvait légalement réitérer une condition incompatible avec le principe de non-discrimination garanti par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article premier de son premier protocole additionnel ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circulaire contestée n'a ni pour objet ni pour effet de reprendre des dispositions de circulaires précédemment annulées ; que le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait ainsi l'autorité de la chose jugée ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " La présente loi s'applique aux traitements automatisés de données à caractère personnel, ainsi qu'aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers, à l'exception des traitements mis en oeuvre pour l'exercice d'activités exclusivement personnelles, lorsque leur responsable remplit les conditions prévues à l'article 5. / (...) Constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction. / Constitue un fichier de données à caractère personnel tout ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés (...) " ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions du V de la circulaire contestée relatives aux " bénéficiaires du dispositif " et à " l'évaluation du dispositif ", qui se bornent à évaluer le nombre de bénéficiaires du dispositif et à prévoir un suivi des demandeurs d'emploi aux fins d'évaluation du dispositif n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de créer un traitement, automatisé ou non, de données à caractère personnel, au sens de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le COMITE HARKIS ET VERITE est seulement fondé à demander l'annulation des dispositions du 2 du IV et du 2 du VI de la circulaire du 30 juin 2010 ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par le COMITE HARKIS ET VERITE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le 2 du IV et le 2 du VI de la circulaire du 30 juin 2010 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du COMITE HARKIS ET VERITE est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au COMITE HARKIS ET VERITE, au Premier ministre (mission interministérielle aux rapatriés) et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, au ministre de la défense et des anciens combattants et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 342956
Date de la décision : 16/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2012, n° 342956
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Gilles Pellissier
Rapporteur public ?: M. Julien Boucher

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:342956.20120416
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