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26/04/2012 | FRANCE | N°358801

France | France, Conseil d'État, 26 avril 2012, 358801


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FÉDÉRATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS (FNUJA), dont le siège est au palais de justice, 4 boulevard du palais, couloir de l'ordre des avocats, à Paris (75001) ; la fédération demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret n° 2012-441 du 3 avril 2012 relatif aux conditions particulières d'accès à la profession d'avocat

;

2°) de mettre à la charge de l'état la somme de 4 000 euros au titre d...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FÉDÉRATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS (FNUJA), dont le siège est au palais de justice, 4 boulevard du palais, couloir de l'ordre des avocats, à Paris (75001) ; la fédération demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret n° 2012-441 du 3 avril 2012 relatif aux conditions particulières d'accès à la profession d'avocat ;

2°) de mettre à la charge de l'état la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'elle a intérêt à agir ; que la condition d'urgence est remplie ; que le décret contesté porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la profession d'avocat dans son ensemble dès lors que ses dispositions sont d'application immédiate et que, compte tenu des modalités de formation préalable retenues pour les personnes concernées, celles-ci pourront prêter serment dans un délai particulièrement court ; qu'en permettant à des personnes qui ne remplissent pas les conditions nécessaires d'exercer la profession d'avocat, ce décret porte atteinte à l'intérêt général et à l'intérêt des justiciables, fragilisant ainsi le service public de la justice ; qu'au regard de l'imprécision de la rédaction des dispositions du décret, il est probable que de nombreuses demandes d'inscription seront déposées dans un délai très court, causant ainsi un risque de désorganisation de la profession ; que, compte tenu des moyens de son recours en annulation, la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux est également remplie ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ce décret ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ;

Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et, s'agissant d'un acte réglementaire, en tenant compte de la nature et de l'importance des modifications qu'il apporte à l'état antérieur du droit ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 que nul ne peut en principe devenir avocat si, notamment, il n'est pas titulaire d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents ainsi que du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ; que, selon son article 12, la formation professionnelle exigée pour l'exercice de cette profession est subordonnée à la réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle et comprend une formation théorique et pratique d'une durée d'au moins dix-huit mois, sanctionnée par ce certificat ; que ces mêmes articles permettent cependant que des dispositions réglementaires dérogent à ces exigences en faveur de personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités ;

Considérant que le décret litigieux du 3 avril 2012 modifie le décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat en ce qui concerne les personnes pouvant bénéficier de telles dérogations ; que son article 5 y insère un nouvel article 97-1 qui dispense de la formation théorique et pratique ainsi que du certificat d'aptitude à la profession d'avocat " les personnes ayant exercé des responsabilités publiques les faisant directement participer à l'élaboration de la loi " ; que son article 6 complète l'article 98, qui fait bénéficier d'une semblable dispense plusieurs catégories de personnes, afin d'y ajouter les collaborateurs et assistants de parlementaires justifiant de l'exercice d'une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant huit années ; qu'il institue par ailleurs, pour les personnes mentionnées à l'article 98, un examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle, tandis que celles qui relèvent du nouvel article 97-1 sont soumises, par l'effet de la modification apportée à l'article 93 par l'article 3 du décret litigieux, à l'obligation de suivre une formation en déontologie et réglementation professionnelle d'une durée de vingt heures dispensée par un centre régional de formation professionnelle d'avocats ;

Considérant que, pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de ce décret, la fédération requérante fait valoir que ses dispositions sont d'application immédiate et que, compte tenu des modalités de formation préalable retenues pour les personnes concernées, celles-ci pourront prêter serment dans un délai particulièrement court ; que la requérante estime également qu'en ouvrant l'exercice de la profession d'avocat à des personnes qui ne remplissent pas les conditions nécessaires, ce décret porte atteinte à l'intérêt général et à l'intérêt des justiciables, fragilisant ainsi le service public de la justice ; que, selon elle, il est probable qu'en raison de l'imprécision de la rédaction des dispositions du décret, de nombreuses demandes d'inscription seront déposées dans un délai très court, causant ainsi un risque de désorganisation de la profession ;

Considérant toutefois que, dans leur rédaction antérieure au décret litigieux, les articles 97 et 98 du décret du 27 novembre 1991 exemptaient déjà de la formation théorique et pratique ainsi que du certificat d'aptitude à la profession d'avocat une quinzaine de catégories de personnes ; qu'à supposer que, ainsi qu'il est soutenu, les nouvelles exemptions permises par les dispositions contestées puissent conduire les conseils de l'ordre des avocats à inscrire au tableau d'un barreau des personnes qui, alors même qu'elles ne sont pas dispensées de la condition de diplôme et sont soumises à l'obligation de suivre une formation en déontologie et réglementation professionnelle, ne présenteraient ni les compétences ni les garanties requises, l'existence d'un tel risque ne suffit pas, non plus que l'éventuel afflux de demandes d'inscription que craint la requérante, à établir que l'exécution du décret litigieux porterait, par elle-même, à l'intérêt public ou à ceux de la profession d'avocat une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une situation d'urgence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'une des conditions à laquelle est subordonné l'exercice, par le juge des référés, des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie ; que, dès lors, la requête de la FÉDÉRATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du même code, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la FÉDÉRATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la FÉDÉRATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS.

Copie en sera transmise pour information au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 358801
Date de la décision : 26/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2012, n° 358801
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:358801.20120426
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