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15/06/2012 | FRANCE | N°340979

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 15 juin 2012, 340979


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 11 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08/03832 du 29 avril 2010 par lequel la cour régionale des pensions d'Amiens a annulé le jugement du 8 juillet 2008 du tribunal départemental des pensions de la Somme lui accordant la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant-chef de l'armée de l'air, en fonction de l'indice du grade équ

ivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale ;

2°) ré...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 11 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08/03832 du 29 avril 2010 par lequel la cour régionale des pensions d'Amiens a annulé le jugement du 8 juillet 2008 du tribunal départemental des pensions de la Somme lui accordant la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant-chef de l'armée de l'air, en fonction de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé devant la cour régionale des pensions d'Amiens et de condamner l'Etat au versement des arrérages correspondant à la différence entre le montant de sa pension revalorisée et l'indemnité déjà versée, ainsi que les intérêts capitalisés y afférents ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Ghestin, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu la décision du 13 décembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle de Silva, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Ghestin, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées (...) par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet. Les décisions de rejet des demandes de pension sont prises dans la même forme " ; qu'en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, la décision prise sur ce fondement ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Toutes les contestations auxquelles donne lieu l'application du livre Ier (à l'exception des chapitres 1er et IV du titre VII) et du livre II du présent code sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions du domicile de l'intéressé et en appel par la cour régionale des pensions./ (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les juridictions des pensions sont compétentes pour juger la contestation formée contre une décision relative à une pension militaire d'invalidité ;

Considérant que, par lettre en date du 6 mars 2007, M. A a demandé au ministre de la défense de recalculer la pension militaire d'invalidité qui lui avait été concédée à titre définitif par un arrêté du 19 avril 1983 en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale ; que, par une lettre du 27 avril 2007, le ministre lui a indiqué qu'il recherchait les moyens de donner une suite à sa demande et qu'il en serait tenu informé dès que possible ; qu'en l'absence de réponse, M. A a saisi le 27 juin 2007 le tribunal départemental des pensions compétent d'un recours contre le rejet qui avait été implicitement opposé à sa demande de revalorisation par le ministre ;

Considérant que la lettre du 6 mars 2007 adressée par M. A au ministre de la défense et des anciens combattants doit être regardée comme un recours gracieux dirigé contre l'arrêté de concession de sa pension militaire d'invalidité en date du 19 avril 1983 ; que la décision implicite de rejet opposée à ce recours gracieux constitue une décision relative à une pension militaire d'invalidité dont la contestation relève de la compétence des juridictions des pensions ; qu'ainsi, en jugeant qu'il ne lui appartenait pas de se substituer au pouvoir règlementaire et de se prononcer sur le bien-fondé de la demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité présentée par M. A, la cour régionale des pensions d'Amiens a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de cet arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, que, dans son mémoire en défense enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 décembre 2011, le ministre de la défense s'est expressément approprié les conclusions de l'appel présenté au nom de l'Etat à la cour régionale des pensions et l'a ainsi régularisé ; que, par suite, M. A n'est plus fondé à invoquer l'incompétence du signataire de ce recours ;

Considérant, en second lieu, que, d'une part, en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, la décision lui accordant une pension militaire d'invalidité ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre du mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) " ;

Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent au sien des personnels de la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que, passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander sa révision que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 19 avril 1983 portant concession à M. A d'une pension militaire d'invalidité lui a été régulièrement notifié le 1er juin 1983 ; que la lettre qu'il a adressée à l'administration le 6 mars 2007 en vue d'obtenir la revalorisation de sa pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent de la marine nationale ne pouvait être regardée comme une demande de révision relevant des dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, mais comme un recours gracieux contre l'arrêté du 19 avril 1983 ; que, par suite, la demande présentée devant le tribunal départemental des pensions, qui était dirigée contre l'arrêté de concession de sa pension, et qui a été enregistrée le 27 avril 2007, a été présentée au-delà du délai de six mois prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959, courant à compter de la notification de l'arrêté ; qu'elle était, par suite, tardive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de la Somme a fait droit à cette demande de M. A ; que le ministre de la défense est ainsi fondé à demander l'annulation du jugement de ce tribunal du 8 juillet 2008 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'avocat de M. A sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions d'Amiens du 29 avril 2010 et le jugement du tribunal départemental des pensions de la Somme du 8 juillet 2008 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal départemental des pensions de la Somme et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 340979
Date de la décision : 15/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2012, n° 340979
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: Mme Isabelle de Silva
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP GHESTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:340979.20120615
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