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15/06/2012 | FRANCE | N°354693

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 15 juin 2012, 354693


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2011 et 22 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Peter A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 juillet 2011 accordant son extradition aux autorités slovaques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du doss

ier ;

Vu la Constitution, notamment son article 2 ;

Vu la convention européenne...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2011 et 22 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Peter A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 juillet 2011 accordant son extradition aux autorités slovaques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 2 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Perrin de Brichambaut, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de M. A ;

Considérant qu'après avoir visé la demande d'extradition présentée par les autorités slovaques pour l'exécution d'un mandat d'arrêt émis le 13 novembre 2001 par la cour régionale de Bratislava pour l'exécution d'un reliquat de quatre ans, neuf mois et vingt jours d'emprisonnement sur une peine de six ans d'emprisonnement à laquelle M. A a été condamné par le tribunal de Bratislava le 9 juin 1994 pour des faits de vol en bande organisée commis le 11 octobre 1993, ainsi que l'avis émis le 16 juin 2011 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, le décret attaqué, qui n'avait pas à analyser cet avis, ni à mentionner sa notification et son caractère définitif, énonce que les faits reprochés, dont une description plus précise ne s'imposait pas, répondent aux exigences de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qu'ils sont punissables en droit français, que ces faits n'ont pas un caractère politique et qu'il n'apparaît pas que la demande, motivée par des infractions de droit commun, ait été présentée aux fins de poursuivre l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que sa situation risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons, et que le quantum de la peine prononcée répond aux exigences de l'article 2 de cette convention et n'est pas prescrite ; que, dans ces conditions, le décret attaqué est suffisamment motivé au regard des prescriptions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Considérant que, si M. A soutient que la demande d'arrestation provisoire des autorités slovaques le concernant et diffusée au sein du Système d'Information Schengen aurait comporté des mentions en anglais, méconnaissant ainsi l'article 2 de la Constitution, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur les conditions de cette arrestation, dont l'appréciation relève de la seule compétence des juridictions judiciaires ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A était présent avec son avocat à l'audience du 31 mai 2011 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, au cours de laquelle les parties ont été informées que l'avis de la chambre serait rendu à l'audience du 16 juin 2011 ; que, dans ces conditions, l'avis de la chambre de l'instruction n'avait pas à être signifié à M. A ; qu'ainsi, le délai de pourvoi en cassation de cinq jours francs, prévu par l'article 568 du code de procédure pénale, a couru à compter de la date du prononcé de l'avis de la chambre de l'instruction, soit le 16 juin 2011 ; qu'à la date à laquelle le décret d'extradition litigieux a été pris, le délai de pourvoi en cassation était expiré sans qu'aucun recours n'ait été formé ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'avis de la chambre de l'instruction était devenu définitif ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention européenne d'extradition : " L'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la partie requérante, soit de la partie requise " ; que la prescription applicable à la peine à laquelle a été condamné M. A est de dix ans en droit slovaque et de vingt ans en droit français ; que le délai de prescription de dix ans prévu par le droit slovaque a été interrompu par le mandat d'arrêt décerné contre l'intéressé le 13 novembre 2001 par la cour régionale de Bratislava et n'était pas expiré à la date à laquelle M. A a été arrêté ; que le délai de prescription de vingt ans prévu par le droit français n'était pas expiré à la même date ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'article 10 de la convention européenne d'extradition n'aurait pas été respecté ;

Considérant que, si le décret attaqué est susceptible de porter atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement des personnes résidant en France que l'exécution par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes et délits ; que la circonstance que M. A ait deux enfants nés en France, ait été engagé pendant dix ans par la légion étrangère et ait occupé des emplois depuis 2005 ne sont pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des conséquences d'une gravité exceptionnelle de son extradition doit être écarté ;

Considérant que M. A ne peut utilement soutenir que son extradition l'exposerait à être jugé en Slovaquie pour trahison du fait de ses services dans la légion étrangère, ce qui entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, dès lors que le principe de spécialité de l'extradition résultant, notamment, de l'article 14 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, applicable en l'espèce, fait obstacle à ce qu'une personne extradée soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue d'exécuter une peine, pour une infraction autre que celle ayant motivé l'extradition et antérieure à sa remise à l'Etat requérant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 3 février 2011 accordant son extradition aux autorités slovaques ; que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, avocat de M. A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Peter A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 354693
Date de la décision : 15/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2012, n° 354693
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: M. Marc Perrin de Brichambaut
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:354693.20120615
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