La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2012 | FRANCE | N°345252

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 01 octobre 2012, 345252


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2010 et 22 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02458 du 26 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0300891 du 4 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 18 mars 2003 de l'inspecteur du travail au

torisant son licenciement, d'autre part, à l'annulation de cette décis...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2010 et 22 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02458 du 26 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0300891 du 4 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 18 mars 2003 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, d'autre part, à l'annulation de cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Rapides Gâtinais et de la SCP Ortscheidt, avocat de M. B,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Rapides Gâtinais et à la SCP Ortscheidt, avocat de M. B ;

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 122-44 du code du travail, alors applicable, aujourd'hui repris à l'article L. 1332-4 du même code : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. (...) " ; que l'employeur ne peut pas fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de cette disposition, sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires ;

2. Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que la décision de l'inspecteur du travail du 18 mars 2003 autorisant la société Rapides Gâtinais à licencier M. B était fondée, d'une part, sur le comportement violent de l'intéressé, chauffeur d'un autobus scolaire, envers certains élèves qu'il était chargé de conduire, d'autre part, sur le fait qu'il avait imposé aux collégiennes, par ses insistances répétées, de lui baiser la joue en montant dans l'autobus ; que, pour juger que l'inspecteur avait pu prendre en compte cette dernière pratique dans sa décision d'autorisation, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail, alors qu'elle était connue de l'employeur et avait cessé plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, la cour a estimé que les différents griefs procédaient d'une même " attitude inappropriée à l'égard des élèves " ; que, par suite, la cour, qui n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en estimant que l'ensemble des faits pris en compte relevait d'un comportement fautif de même nature, n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'application de la prescription prévue à l'article L. 122-44 du code du travail ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en estimant que le comportement de M. B, matérialisé par ses demandes adressées aux jeunes filles qu'il transportait, puis par les faits de violence commis sur deux garçons indisciplinés en novembre 2002 et janvier 2003 et par le refus d'accès à l'autobus scolaire opposé à une collégienne de douze ans, usager habituel du service, au motif qu'elle avait oublié son titre de transport, était inapproprié à l'égard des élèves usagers du transport scolaire dont il avait la charge et constitutif d'une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si le requérant soutient que la cour a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'il n'apportait pas de précisions suffisantes au soutien de son moyen tiré de ce que certains des faits reprochés étaient amnistiés, alors que l'application des lois d'amnistie est d'ordre public, il ressort de ses écritures devant la cour qu'il n'invoquait incidemment le bénéfice d'une amnistie que pour des faits commis en 1999 et 1996 ; qu'il résulte de l'arrêt de la cour administrative d'appel que celle-ci a estimé, par une appréciation souveraine et non contestée des pièces qui lui étaient soumises, que la décision de l'inspecteur du travail n'était pas fondée sur ces faits mais sur des faits ultérieurs ; que, par suite, les moyens critiquant la réponse de la cour à ce moyen inopérant ne peuvent qu'être écartés ;

5. Considérant, en dernier lieu, que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Rapides Gâtinais, fondée sur les fautes commises par le salarié et sans rapport avec son élection comme représentant du personnel, était sans lien avec le mandat de M. B ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Rapides Gâtinais au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la société Rapides Gâtinais présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Alain B, à la société Rapides Gâtinais et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345252
Date de la décision : 01/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-08-02-02-01-02 PROCÉDURE. VOIES DE RECOURS. CASSATION. CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION. RÉGULARITÉ INTERNE. QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS. - DEMANDE D'AUTORISATION DE LICENCIEMENT D'UN SALARIÉ PROTÉGÉ - MOYEN TIRÉ DE LA PRESCRIPTION DES FAITS (ART. L. 122-44 DU CODE DU TRAVAIL) - APPRÉCIATION PAR LA COUR SUR LE POINT DE SAVOIR SI LES FAITS PRIS EN COMPTE RELÈVENT D'UN COMPORTEMENT FAUTIF DE MÊME NATURE QUE CELUI DONT RELÈVENT LES FAITS NON PRESCRITS DONNANT LIEU À L'ENGAGEMENT DES POURSUITES DISCIPLINAIRES.

54-08-02-02-01-02 En vertu de l'article L. 122-44 du code du travail, l'employeur ne peut pas fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de cette disposition, sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires.,,Le Conseil d'Etat exerce en cassation un contrôle de la qualification juridique des faits sur l'appréciation par laquelle une cour juge que les faits pris en compte relèvent d'un comportement fautif de même nature pour écarter un moyen tiré de l'application de la prescription prévue à l'article L. 122-44 du code du travail.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 2012, n° 345252
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:345252.20121001
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award