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10/10/2012 | FRANCE | N°363110

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 octobre 2012, 363110


Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rajab B, domicilié ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1216590/9 du 15 septembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un document justifiant son autorisation de séjour pendant l'exam

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Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rajab B, domicilié ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1216590/9 du 15 septembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un document justifiant son autorisation de séjour pendant l'examen de sa demande d'asile, afin de lui permettre d'ouvrir un compte bancaire, dans un délai de 24 heures suivant le prononcé de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que la condition d'urgence est remplie ;

- le refus du préfet de police de lui délivrer un titre de séjour et un document officiel porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile dès lors qu'il l'empêche d'accéder au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente et le prive de ressources ;

- les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas conformes aux stipulations de l'article 6 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;

- la décision du préfet de police méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'absence de conditions matérielles d'accueil constitue une violation des articles 1 et 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 3 octobre 2012, présenté par la Cimade, dont le siège est situé 64 rue Clisson à Paris (75013), représentée par son président en exercice, qui conclut au soutien de la requête ; elle soutient qu'elle a intérêt à intervenir dès lors qu'elle apporte son soutien aux demandeurs d'asile, et notamment à M. B ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été présentée par un avocat ;

- la condition d'urgence, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, n'est pas remplie ;

- la décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, n'a pas privé le requérant des conditions matérielles d'accueil décentes prévues par la loi et par la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;

- le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant devant le juge des référés ;

- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues dès lors que M. B peut bénéficier de dispositifs d'aide médicale et d'hébergement d'urgence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;

Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B, d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Cimade ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 octobre 2012 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B ;

- M. B ;

- les représentants de M. B ;

- les représentants de la Cimade ;

- le représentant du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Sur l'intervention de la Cimade :

Considérant que la Cimade a intérêt à l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que son intervention est, par suite, recevable ;

Sur les conclusions de la requête de M. B :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;

2. Considérant, d'une part, que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'autre part, l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonné à la condition qu'une autorité administrative ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que la méconnaissance des obligations prévues par le droit de l'Union européenne comme par le droit national en matière d'accueil de demandeurs d'asile peut faire apparaître une telle atteinte lorsqu'elle est manifeste et qu'elle comporte en outre des conséquences graves pour le demandeur d'asile concerné, compte tenu de son âge, de son état de santé ou de sa situation familiale ; que cette méconnaissance s'apprécie compte tenu des diligences accomplies par l'administration au regard des moyens dont elle dispose ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B, ressortissant afghan né le 3 février 1985, est entré en France le 5 janvier 2012 en vue de former une demande d'asile ; qu'il s'est présenté à la préfecture de police le 19 janvier 2012 en vue de déposer une demande d'asile, et qu'il lui a été remis une convocation pour le 9 mai 2012 ; que sur saisine, enregistrée le 23 mars 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, par ordonnance rendue le 24 mars 2012 sous le numéro 1205005/9, d'une part, enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M. B et de lui fournir une information dans une langue qu'il comprend, d'autre part, enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, d'indiquer au requérant un lieu d'hébergement susceptible de l'accueillir dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'ordonnance ; que, le relevé des empreintes de l'intéressé auquel il a été procédé le 13 avril 2012, le 2 mai 2012 et le 29 mai 2012 s'est avéré inexploitable ; que le préfet de police, estimant que l'intéressé avait volontairement rendu inexploitables ses empreintes décadactylaires afin de se soustraire à la procédure d'identification dans le système " EURODAC ", a, par décision du 11 juin 2012 prise sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé à l'intéressé l'admission au séjour au titre de l'asile et indiqué que l'examen de sa demande d'asile ferait l'objet par l'OFPRA d'un traitement par priorité au titre du paragraphe 2 de l'article L. 723-1 du même code ; que le requérant a formé une demande en annulation de cette décision ; que la procédure d'examen de la demande d'asile de M. B par procédure prioritaire est actuellement en cours et que l'OFPRA, après avoir procédé à une première audition de l'intéressé, l'a convoqué pour une nouvelle audition le 22 octobre 2012 ; que M. B s'est vu accorder, par décision du 13 août 2012, le bénéfice, à compter du 17 juillet 2012, de l'allocation temporaire d'attente prévue par l'article L. 5423-8 du code du travail ; que cette décision indiquait qu'afin de permettre le virement mensuel des allocations, l'intéressé devait indiquer ses coordonnées bancaires ; que le requérant a souhaité ouvrir un compte auprès de la Banque Postale, qui lui a indiqué par lettre du 24 août 2012 que les documents transmis ne permettaient pas de satisfaire aux obligations légales fixées par les articles L. 561-5 et suivants et R. 312-2 du code monétaire et financier relatifs à la vérification de l'identité préalablement à une ouverture de compte ; que M. B relève appel de l'ordonnance du 15 septembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administratif, a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un document justifiant son autorisation de séjour pendant l'examen de sa demande d'asile, afin de lui permettre d'ouvrir un compte bancaire ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que, pour l'exécution de l'ordonnance du juge des référés en date du 24 mars 2012, le préfet de police a, le 6 avril 2012, convoqué le requérant en l'invitant à se présenter le 13 avril 2012 en vue de l'examen de sa situation et de la remise du formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que le représentant du ministre de l'intérieur a indiqué à l'audience que le requérant n'avait pas, à cette occasion, présenté de demande d'admission en centre d'hébergement ; qu'il résulte des observations données à l'audience que le ministre de l'intérieur s'engage à ce que M. B, dès lors qu'il se sera présenté en préfecture et aura rempli le formulaire prévu à cet effet, puisse disposer d'une place dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile ou dans un centre d'hébergement ; que, compte tenu de ces éléments, les circonstances particulières de l'espèce ne constituent pas une situation d'urgence caractérisée rendant nécessaire l'intervention dans les quarante huit heures du juge des référés ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur, que les conclusions d'appel de M. B doivent être rejetées ; que les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la Cimade est admise.

Article 2 : La requête de M. B est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Rajab B, au ministre de l'intérieur et à la Cimade.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 363110
Date de la décision : 10/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2012, n° 363110
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle de Silva
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:363110.20121010
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