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25/10/2012 | FRANCE | N°363426

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 octobre 2012, 363426


Vu le recours, enregistré le 17 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1217590/9 du 5 octobre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de renouvellement de la carte nationale d'identité de M. Saïd A dans un délai de quinze jours à c

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2°) de rejeter les conclusi...

Vu le recours, enregistré le 17 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1217590/9 du 5 octobre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de renouvellement de la carte nationale d'identité de M. Saïd A dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance ;

2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. A ;

il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- M. A a sollicité le renouvellement de sa carte nationale d'identité plusieurs mois après la date de fin de validité de cette dernière ;

- la carte nationale d'identité de M. A, même périmée, lui permet toujours d'effectuer régulièrement les actes de la vie courante ;

- compte tenu des doutes sérieux qui pèsent sur la nationalité de M. A, le délai d'examen de sa demande de renouvellement de sa carte nationale d'identité n'est pas de nature à caractériser une situation d'urgence ;

- le juge de première instance a entaché son ordonnance d'une erreur de droit dès lors qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'est portée ni à la liberté d'aller et venir, ni à la liberté personnelle de M. A ;

- le doute sérieux qui existe quant à la nationalité du requérant justifie que le renouvellement de sa carte nationale d'identité soit différé à raison de l'accomplissement des vérifications appropriées ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2012, présenté par M. A, qui conclut au rejet du recours, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par la voie de l'appel incident, demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer sa carte nationale d'identité sollicitée le 12 décembre 2011, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;

2°) d'infirmer l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de ses frais de première instance et de 3 000 euros au titre de ses frais devant le Conseil d'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- en l'absence de tout document d'identité, il n'est pas en mesure d'accomplir régulièrement certains actes de la vie courante, et est susceptible de faire l'objet de contrôles de police pouvant déboucher sur des mesures privatives de liberté ;

- il n'existe pas de doute suffisamment justifié permettant de différer le renouvellement de sa carte nationale d'identité au-delà des délais habituellement impartis à l'administration ;

- la suspension de la délivrance de sa carte nationale d'identité au-delà d'un délai de dix mois constitue une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté personnelle ainsi qu'à sa liberté d'aller et venir ;

- l'irrégularité de l'acte de naissance de son père ne saurait entraîner de conséquences quant à sa situation personnelle, lui-même n'étant l'auteur d'aucune fraude et jouissant de la possession d'état de français depuis plus de dix ans ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, M. A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 23 octobre 2012 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

- Me Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. A ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 23 octobre 2012 à 20 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 octobre 2012, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens, et soutient en outre que le retard de l'administration l'expose au risque d'une expulsion alors que ses jeunes enfants vivent en France ; qu'en application de l'article 4-1 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, ladite carte doit être délivrée sur présentation de la carte précédente, sans que l'administration ait à vérifier la nationalité du requérant, celle-ci se déduisant par ailleurs, en tout état de cause, de la possession d'état de français depuis plus de dix ans et de la production d'un certificat de nationalité française ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui reprend les conclusions et les moyens de son recours et soutient en outre que l'administration a produit le faux réalisé par le père de M. A ainsi que le jugement du 16 septembre 2003, devenu définitif, constatant l'extranéité de trois autres enfants du père de A ; qu'ainsi, la nationalité de M. A n'est pas établie et que l'intéressé ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 21-13 du code civil s'il n'établit pas avoir souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française pour possession d'état devant le juge d'instance ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Saïd A, né le 10 avril 1983 à Nvounambadani/Itsandra aux Comores, a obtenu, le 3 mai 1999, au vu notamment de la production de l'acte de naissance de son père, lequel déclarait être né à Mayotte, un certificat de nationalité française délivré par le tribunal d'instance de Paris 15ème ; qu'il s'est vu délivrer par le préfet de police une carte nationale d'identité le 16 août 2001, valable jusqu'au 15 août 2011, dont il a demandé le renouvellement le 12 décembre 2011 ; que le préfet de police a estimé qu'il existait des doutes sérieux quant à la nationalité de l'intéressé nécessitant l'accomplissement de mesures de vérification dès lors, d'une part, qu'il résultait de différentes pièces que l'acte de naissance du père de M. A était un faux et que, d'autre part, trois autres enfants du père de M. A ont, pour ce motif, fait l'objet le 16 septembre 2003 d'un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, devenu définitif, constatant leur extranéité ; que le préfet de police a saisi, le 13 juillet 2012, le ministre de la justice en vue d'une procédure d'annulation du certificat de nationalité française délivré le 3 mai 1999 à M. A, et a informé, le même jour, l'intéressé de la suspension de la délivrance du titre réclamé ; que M. A a, le 23 août 2012, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, par ordonnance du 5 octobre 2012, ce dernier a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de renouvellement de la carte nationale d'identité de M. A dans un délai de quinze jours ; que le ministre de l'intérieur relève appel de cette ordonnance ; que, par la voie de l'appel incident, M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit à ses conclusions de première instance et d'infirmer l'ordonnance en tant qu'elle a rejeté les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ;

3. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a notamment conclu à l'existence d'une situation d'urgence eu égard aux conséquences quotidiennes qui s'attacheraient pour M. A au non renouvellement de sa carte nationale d'identité dans les délais habituellement observés par l'administration ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et des échanges à l'audience, d'une part, que la possession d'une carte nationale d'identité, même périmée, permet à son détenteur de justifier de son identité et d'accomplir la plupart des actes de la vie quotidienne en nécessitant la présentation et, d'autre part, qu'il existe un doute sérieux quant à la nationalité de M. A, justifiant que le renouvellement de sa carte nationale d'identité soit subordonné à l'accomplissement des vérifications qui s'imposent ; que M. A ne saurait soutenir que la circonstance que sa demande de renouvellement de carte nationale d'identité soit en cours d'instruction pour les motifs déjà énoncés l'exposerait à faire l'objet d'une arrestation ou d'une expulsion du territoire français ; que, dans ces conditions, M. A ne justifie pas d'une situation d'urgence impliquant qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise dans les quarante-huit heures ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a estimé que la condition d'urgence était remplie et que l'appel incident de M. A, ainsi que sa demande de première instance, doivent être rejetés ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 1217590/9 du 5 octobre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. Saïd A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 363426
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2012, n° 363426
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle de Silva
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:363426.20121025
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