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07/11/2012 | FRANCE | N°334931

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 07 novembre 2012, 334931


Vu 1°), sous le n° 334931, la requête, enregistrée le 23 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ahmed C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 novembre 2009 par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a rejeté sa demande tendant à ce que les informations le concernant figurant dans le système informatique national du système d'information Schengen lui soient communiquées et soient rectifiées ou effacées ;

2°) d'annuler pou

r excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'int...

Vu 1°), sous le n° 334931, la requête, enregistrée le 23 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ahmed C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 novembre 2009 par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a rejeté sa demande tendant à ce que les informations le concernant figurant dans le système informatique national du système d'information Schengen lui soient communiquées et soient rectifiées ou effacées ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté ses demandes tendant à ce que ces informations soient rectifiées ou effacées ;

3°) d'enjoindre à la CNIL de lui communiquer ces informations et de les faire effacer ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de reprendre la procédure de vérification relative à son signalement aux fins de non-admission dans le système informatique national du système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales d'effacer son signalement dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 334978, la requête, enregistrée le 24 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ahmed C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 50 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2008, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison du signalement illégal dont il a fait l'objet aux fins de non-admission dans le système informatique national du système d'information Schengen ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 95-577 du 6 mai 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thierry Carriol, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. C,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. C ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que, le 9 décembre 2009, le ministre de l'intérieur a informé M. C de la suppression des données le concernant dans le système informatique national du système d'information Schengen ; qu'il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur la requête de M. C en tant que ses conclusions sont dirigées contre les décisions lui refusant l'effacement et le retrait du système de ces données ;

3. Considérant que l'article 92 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, institue un "Système d'Information Schengen" composé d'une partie nationale, auprès de chacune des Parties contractantes, et d'une fonction de support technique ; que ce système a pour objet, conformément à l'article 93 de cette convention, de préserver l'ordre et la sécurité publics, y compris la sûreté de l'Etat, et l'application des stipulations de la convention sur la circulation des personnes sur les territoires des Parties contractantes à l'aide des informations transmises par lui ; qu'en vertu de l'article 96 de cette convention, ce système comprend les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission, intégrées sur la base d'un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes ; que seule la partie contractante signalante est autorisée, en vertu du 1 de l'article 106 de cette convention, à modifier, à compléter, à rectifier ou à effacer les données qu'elle a introduites, le droit de toute personne d'accéder aux données la concernant, de même que le droit de rectification de ces données, s'exerçant, en vertu des articles 109 et 110 de la convention, dans le respect du droit de la Partie contractante auprès de laquelle elle les fait valoir ; que chaque partie contractante désigne, en vertu de l'article 114 de la convention, une autorité de contrôle chargée, dans le respect du droit national, d'exercer un contrôle indépendant du fichier de la partie nationale du système d'information Schengen et de répondre à toute personne lui demandant de vérifier les données la concernant intégrées dans ce système ainsi que l'utilisation qui est faite de ces données ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 6 du décret du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen, le droit d'accès aux données enregistrées dans ce système informatique " s'exerce auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, conformément aux articles 109 et 114 de la convention et à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée sans préjudice des dispositions réglementaires relatives aux données susceptibles d'être consultées directement par l'intéressé exerçant ce droit " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C a été informé par les autorités norvégiennes, qui lui ont refusé un visa d'entrée sur leur territoire, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, à l'initiative de la France ; que, par une lettre du 20 mai 2008, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qu'il avait saisie d'une demande d'accès à ce fichier, lui a répondu qu'un membre de la commission demanderait communication des informations le concernant qui y seraient contenues, conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 ; que, par une décision du 3 novembre 2009 dont M. C demande l'annulation, la CNIL lui a fait connaître que les vérifications effectuées avaient confirmé l'existence d'un signalement aux fins de non-admission le concernant et qu'elle ne pouvait pas lui communiquer la teneur des informations contenues, ni les rectifier ou les effacer ; que, par des décisions implicites rejetant ses demandes des 23 avril et 19 décembre 2008 et dont M. C demande également l'annulation, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a refusé de procéder à l'effacement des informations le concernant contenues dans le système d'information Schengen ;

6. Considérant que si la CNIL a indiqué, dans ses mémoires en défense, que M. C a fait l'objet d'une inscription dans le système informatique national du système d'information Schengen à la demande de deux services du ministère de l'intérieur sur le fondement des stipulations du b du 2 de l'article 96 de la convention d'application de l'accord de Schengen, ces éléments ne permettent pas de connaître les motifs de l'inscription de M. C dans le système informatique national du système d'information Schengen, ni d'apprécier par conséquent la légalité du refus qu'ont opposé la commission et le ministre à ses demandes tendant, d'une part, à la communication des informations le concernant et, d'autre part, à la rectification ou à l'effacement de son inscription ;

7. Considérant que si, conformément au principe du caractère contradictoire de l'instruction, le juge administratif est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier qui ont été communiquées aux parties, il lui appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige ;

8. Considérant qu'en l'espèce il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner au ministre de l'intérieur et à la CNIL de lui communiquer, pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire, tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux motifs concernant l'inscription, à la date des décisions attaquées, de M. C dans le système informatique national du système d'information Schengen ; que, dans l'hypothèse où le ministre de l'intérieur ou la CNIL estimeraient que ces motifs, ou certains d'entre eux, sont couverts par un secret garanti par la loi ou que, s'agissant de données intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, leur communication mettrait en cause les fins assignées à ce fichier, et où ils estimeraient en conséquence devoir refuser leur communication, il leur appartiendrait néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre au Conseil d'Etat de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets garantis par la loi ou imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique ; qu'enfin, dans le cas où un refus serait opposé à une demande d'information formulée par lui, il appartiendrait au Conseil d'Etat, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de joindre, en vue du jugement à rendre, cet élément de décision à l'ensemble des données fournies par le dossier ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. C en tant que ses conclusions sont dirigées contre les décisions lui ayant refusé l'effacement et le retrait des données le concernant dans le système informatique national du système d'information Schengen.

Article 2 : Avant dire droit sur les conclusions des requêtes de M. C, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, il est ordonné au ministre de l'intérieur et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de communiquer au Conseil d'Etat, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les éléments d'informations définis par les motifs de la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ahmed C, au ministre de l'intérieur et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 334931
Date de la décision : 07/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2012, n° 334931
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Thierry Tuot
Rapporteur ?: M. Thierry Carriol
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:334931.20121107
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