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07/11/2012 | FRANCE | N°351411

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 07 novembre 2012, 351411


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet 2011 et 31 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Energie renouvelable du Languedoc, dont le siège est au 31, rue des Bouissettes à Montpellier (34070) ; la société Energie renouvelable du Languedoc demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10MA03481 du 30 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi après cassation, a admis les interventions des associations France Energie Eolienne et " Vent de Colère! " e

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet 2011 et 31 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Energie renouvelable du Languedoc, dont le siège est au 31, rue des Bouissettes à Montpellier (34070) ; la société Energie renouvelable du Languedoc demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10MA03481 du 30 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi après cassation, a admis les interventions des associations France Energie Eolienne et " Vent de Colère! " et a rejeté la requête de la société Energie renouvelable du Languedoc ainsi que le recours du ministre tendant à l'annulation du jugement du 23 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier avait annulé un permis de construire délivré par le préfet de l'Hérault le 20 octobre 2004 au profit de la société Energie renouvelable du Languedoc ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 octobre 2012, présentée pour la société Energie renouvelable du Languedoc

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Energie renouvelable du Languedoc et de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la SCI du domaine de Lambeyran et de l'association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue ,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Energie renouvelable du Languedoc et à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la SCI du domaine de Lambeyran et de l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 29 octobre 2004, le préfet de l'Hérault a délivré un permis de construire à la société Energie renouvelable du Languedoc en vue de l'implantation de sept éoliennes sur le territoire de la commune de Lunas ; que, saisie par l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le permis de construire ; que, par un arrêt du 16 juillet 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 27 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille avait infirmé le jugement du tribunal administratif de Montpellier, et renvoyé l'affaire à la cour ; que la société Energie renouvelable du Languedoc se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant à nouveau, a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation du permis de construire contesté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ;

3. Considérant que, saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle reposant sur plusieurs motifs dont l'un est erroné, le juge de cassation, à qui il n'appartient pas de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs, doit, hormis le cas où ce motif erroné présenterait un caractère surabondant, accueillir le pourvoi ; qu'il en va cependant autrement lorsque la décision juridictionnelle attaquée prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, dans la mesure où l'un quelconque des moyens retenus par le juge du fond peut suffire alors à justifier son dispositif d'annulation ; qu'en pareille hypothèse - et sous réserve du cas où la décision qui lui est déférée aurait été rendue dans des conditions irrégulières - il appartient au juge de cassation, si l'un des moyens reconnus comme fondés par cette décision en justifie légalement le dispositif, de rejeter le pourvoi ; que, toutefois, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle déférée, le juge de cassation ne saurait, sauf à méconnaître son office, prononcer ce rejet sans avoir, au préalable, censuré celui ou ceux de ces motifs qui étaient erronés ; que, eu égard à l'objet des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, cette règle trouve en particulier à s'appliquer lorsque la pluralité des motifs du juge du fond découle de l'obligation qui lui est faite de se prononcer sur l'ensemble des moyens susceptibles de fonder l'annulation ;

4. Considérant que, pour annuler la décision du préfet de l'Hérault du 20 février 2004, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur deux moyens tirés, l'un de ce que le permis de construire avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme et l'autre de ce que, pour les éoliennes 7 et 8, l'étude d'impact était insuffisante au regard des effets du projet sur la sécurité publique ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 553-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral du 23 mars 2004 prescrivant l'enquête publique résultant de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 : " I. - L'implantation d'une ou plusieurs installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent dont la puissance installée totale sur un même site de production, au sens du troisième alinéa (2°) de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, excède 2,5 mégawatts, est subordonnée à la réalisation préalable : a) De l'étude d'impact définie au chapitre II du titre II du livre Ier du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 122-3 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 : " I. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent chapitre. / II. - Il fixe notamment : (...) 2° Le contenu de l'étude d'impact qui comprend au minimum une analyse de l'état initial du site et de son environnement, l'étude des modifications que le projet y engendrerait, l'étude de ses effets sur la santé et les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l'environnement et la santé ; en outre, pour les infrastructures de transport, l'étude d'impact comprend une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, alors en vigueur : " Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / L'étude d'impact présente successivement : (...) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique. (...) " ;

6. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt de la cour que celle-ci a estimé que l'étude d'impact, en se bornant à réaliser une présentation générale des risques de dysfonctionnement générés par les éoliennes et en ne procédant pas à une étude de ces risques au regard de la présence d'une route départementale à proximité de certaines éoliennes, était entachée d'illégalité justifiant l'annulation partielle du permis de construire ; qu'en jugeant ainsi, sans préciser en quoi une telle insuffisance était en l'espèce, et alors que la cour a relevé elle-même la faible occurrence de ces risques et la fréquentation limitée de la route départementale, de nature à avoir nui à l'information complète de la population ou à avoir exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative, la cour a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens fondés sur l'insuffisance de l'étude d'impact, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que la cour a estimé que ce motif était de nature à entraîner l'annulation partielle du permis contesté ;

7. Considérant, cependant, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code d'urbanisme alors en vigueur : "La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le pétitionnaire n'est pas le propriétaire du terrain pour lequel est sollicité un permis de construire, ni son mandataire, il doit joindre au dossier de sa demande un mandat ou un titre l'habilitant à construire sur ce terrain ; qu'il peut régulariser sa demande par la production d'un mandat ou d'un titre jusqu'à la date à laquelle l'autorité administrative statue sur la demande ; qu'en l'absence de tels titres à cette date, l'autorité administrative est tenue, lorsqu'elle est informée de ce que le pétitionnaire n'est pas le propriétaire du terrain, de rejeter la demande de permis de construire ;

8. Considérant que la cour a relevé, d'une part, que la société Energie renouvelable du Languedoc n'était pas propriétaire du terrain d'assiette du projet et ne s'était pas présentée comme telle et, d'autre part, qu'elle n'avait pas produit devant l'administration, avant que celle-ci ne se prononce, un mandat ou un titre l'habilitant à construire dès lors qu'elle avait uniquement joint des autorisations de dépôt de demandes de permis de construire délivrées par le propriétaire du terrain et par le fermier à un tiers ; qu'elle a également jugé que cette carence ne pouvait être régularisée par la production, postérieurement à la décision de l'administration, d'une convention de mandat ; qu'il résulte des dispositions précitées que c'est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique, et par une appréciation exempte de dénaturation, que la cour a pu juger que le permis de construire contesté avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme ; que le moyen ainsi retenu est à lui seul de nature à justifier le dispositif de l'arrêt attaqué ; que, par suite, la société n'est pas fondée à demander son annulation ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Energie renouvelable du Languedoc la somme globale de 1 500 euros à verser à l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue, à la SCI du domaine de Lambeyran et à la SCA de Lambeyran, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Energie renouvelable du Languedoc est rejeté.

Article 2 : La société Energie renouvelable du Languedoc versera à l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue, à la SCI du domaine de Lambeyran et à la SCA de Lambeyran une somme globale de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Energie renouvelable du Languedoc, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue, à la SCI du domaine du domaine de Lambeyran et à la SCA de Lambeyran.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 351411
Date de la décision : 07/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2012, n° 351411
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Samuel Gillis
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:351411.20121107
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