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07/11/2012 | FRANCE | N°353360

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 07 novembre 2012, 353360


Vu le pourvoi, enregistré le 14 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1104337 du 23 septembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, faisant droit à la requête de M.

Sergueï A, a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du pré...

Vu le pourvoi, enregistré le 14 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1104337 du 23 septembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, faisant droit à la requête de M. Sergueï A, a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du préfet du Bas-Rhin refusant de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile et portant à dix-huit mois le délai de sa réadmission en Lituanie, d'autre part, enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à la notification de la décision, qui devra être prise selon la procédure normale, du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le règlement (CE) n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Berriat, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. A ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, ressortissant russe, a formé le 30 septembre 2010 une demande d'admission au séjour afin de pouvoir solliciter l'asile politique ; que le préfet du Bas-Rhin a alors saisi les autorités lituaniennes d'une demande de réadmission du demandeur en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un Etat tiers ; que la Lituanie a accepté de prendre en charge M. A le 5 novembre 2010 ; que, le 24 novembre 2010, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour et lui a notifié sa décision de ne pas examiner sa demande et de le transférer vers la Lituanie afin qu'elle y soit traitée ; que le préfet, n'ayant pu procéder à ce transfert dans le délai de six mois fixé à l'article 19-4 du règlement précité, a informé les autorités lituaniennes, par un courrier en date du 21 avril 2011, que le délai fixé pour la réadmission en Lituanie de M. A étant prolongé jusqu'à dix-huit mois, seul cet Etat était responsable du traitement de sa demande d'asile ; que M. A a saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision de prolongation du délai fixé pour sa réadmission; que, par une ordonnance du 23 septembre 2011, dont le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande l'annulation, le juge des référés a décidé d'une part de suspendre l'exécution de cette décision, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à la notification de la décision, qui devra être prise selon la procédure normale, du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Sur la recevabilité du pourvoi du ministre :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction " ; que si le deuxième alinéa de cet article prévoit que lorsque le tribunal statue dans l'une des matières mentionnées à l'article R. 811-10-1, parmi lesquelles figurent l'entrée et le séjour des étrangers, la notification est adressée au préfet, cette dérogation ne s'applique, conformément à l'objet de l'article R. 811-10-1, que lorsque le préfet est compétent pour représenter l'Etat en appel ; qu'en application de l'article L. 523-1 du même code, les décisions rendues sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code sont rendues en dernier ressort et ne sont donc susceptibles que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, où seul le ministre et non le préfet peut représenter l'Etat ; que, par suite, la notification des décisions rendues par le tribunal administratif en application de l'article L. 521-1 doit être adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige ;

3. Considérant que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 septembre 2011, si elle a été notifiée au préfet du Bas-Rhin, n'a pas été notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; que, par suite, le délai de recours n'a pas couru et que le pourvoi de ce ministre, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat 14 octobre 2011, n'est pas tardif ;

Sur les conclusions présentées par le ministre à fin d'annulation de l'ordonnance du juge des référés :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521 1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

5. Considérant que, si le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration soutient que le juge des référés aurait commis une erreur de droit en relevant, pour suspendre l'exécution de la décision contestée du préfet du Bas-Rhin, que l'absence de notification à l'intéressé de cette décision contribuait à caractériser une situation d'urgence, il ressort de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a considéré, pour estimer que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, que M. A se trouvait dans une situation de précarité matérielle et morale ; que la mention de l'absence de notification de la décision contestée n'est qu'un élément de fait dont le juge des référés a considéré qu'il contribuait à placer M. A dans cette situation, sans fonder, contrairement à ce que soutient le pourvoi du ministre, son appréciation sur la circonstance qu'il aurait erronément considéré que la notification était obligatoire ; qu'ainsi le juge des référés n'a pas entaché d'erreur de droit l'appréciation qu'il a portée sur l'urgence ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, même si l'adresse qu'il a fournie n'était que postale, pouvait être facilement localisé, a répondu aux courriers qui lui ont été adressés à cette adresse et s'est fréquemment rendu en préfecture ; que le préfet, qui n'allègue même pas que ses services auraient commencé les démarches préliminaires à l'exécution de la mesure d'expulsion frappant le requérant et auraient échoué à le contacter, ne saurait donc sérieusement soutenir que l'intéressé pouvait dès lors être regardé comme ayant pris la fuite ; que, par suite, le juge des référés, en jugeant qu'il existait, en l'état de l'instruction, un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée du préfet du Bas-Rhin en tant qu'elle reposait sur la circonstance que l'intéressé aurait été en fuite, n'a, eu égard à son office, pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros à verser à la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat de M. A, une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. Sergueï A.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 353360
Date de la décision : 07/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2012, n° 353360
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Thierry Tuot
Rapporteur ?: Mme Anne Berriat
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:353360.20121107
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