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07/11/2012 | FRANCE | N°357138

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 07 novembre 2012, 357138


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février 2012 et 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération française de football ; la Fédération française de football demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200849/9 du 10 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative a, à la demande de M. A, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du 17 juin 2011 du c

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février 2012 et 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération française de football ; la Fédération française de football demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200849/9 du 10 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative a, à la demande de M. A, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du 17 juin 2011 du conseil fédéral de la Fédération française de football (FFF) arrêtant le tableau général des groupes d'arbitres fédéraux pour la saison 2011-2012 en tant qu'elle rétrograde M. A au niveau "Fédéral 4" jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, d'autre part, enjoint à la Fédération française de football de maintenir M. A au niveau "Fédéral 2" au titre de la saison 2011-2012, au plus tard jusqu'à ce que soit rendu le jugement au fond ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du sport ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Camille Pascal, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la Fédération française de football, et de Me Spinosi, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la Fédération française de football, et à Me Spinosi, avocat de M. A ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale " ; qu'aux termes de l'article R. 522-4 du code de justice administrative applicable aux demandes de référé : " Notification de la requête est faite aux défendeurs./ Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour fournir leurs observations. Ils doivent être rigoureusement observés, faute de quoi il est passé outre sans mise en demeure. " ; qu'aux termes de l'article R. 522-6 du même code : " Lorsque le juge des référés est saisi d'une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 521-1 ou de l'article L. 521-2, les parties sont convoquées sans délai et par tous moyens à l'audience. " ; qu'aux termes de l'article R. 522-7 du même code : " L'affaire est réputée en état d'être jugée dès lors qu'a été accomplie la formalité prévue au premier alinéa de l'article R. 522-4 et que les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique pour y présenter leurs observations " ;

2. Considérant que ces dispositions font obligation au juge des référés, sauf dans le cas où il est fait application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, de communiquer au défendeur par tous moyens, notamment en le mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les observations de la partie adverse et de le convoquer à l'audience publique ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si la demande de suspension formée par M. A contre la décision de la Fédération française de football a été communiquée le 26 janvier 2012 à cette fédération, avec une convocation à une audience publique fixée au 9 février 2012, cette communication a été effectuée par le greffe du tribunal administratif de Paris à une adresse qui n'était plus celle du siège de la fédération ; que cette communication a été retournée le 1er février au tribunal avec la mention " destinataire non identifiable " ; qu'aucune autre communication de la demande en référé n'est intervenue avant la tenue de l'audience ; que la Fédération française de football n'a ainsi pas été mise à même de présenter des observations en défense sur la demande de M. A ni d'être représentée à l'audience du juge des référés ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la Fédération française de football est fondée à soutenir que l'ordonnance est entachée d'irrégularité et qu'elle doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension présentée par M. A en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;

6. Considérant que, par la décision contestée, le conseil fédéral de la Fédération française de football a rétrogradé M. A au niveau " Fédéral 4 " en application des règles définies à l'annexe 3 du règlement intérieur de la direction nationale de l'arbitrage de la fédération, dont les dispositions relatives à la catégorie " Fédéral 2 " prévoient que : " L'âge limite dans cette catégorie F2 est de 42 ans (...) En tout état de cause, l'arbitre F2 est évalué. L'arbitre F2 affecté en catégorie inférieure pour raison sportive peut être dans 3 cas de figure : (...) S'il n'est plus promouvable, il est affecté chez les F4 en étant non classé. A l'issue de cette saison, il est remis à disposition de sa Ligue. " ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

8. Considérant qu'il résulte des éléments versés à la procédure de référé que la décision arrêtant le tableau général des groupes d'arbitres fédéraux pour la saison 2011-2012, en tant qu'elle rétrograde M. A du niveau " Fédéral 2 " au niveau "Fédéral 4", a été contestée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Paris peu de temps après la fin de la procédure de conciliation qu'il avait engagée devant le Comité national olympique et sportif français ; que cette décision a pour effet de le priver d'une part importante des indemnités versées aux arbitres du niveau " Fédéral 2 ", alors même qu'une indemnité compensatrice égale à 75 % du revenu net théorique annuel de la catégorie dans laquelle il était classé avant sa rétrogradation est prévue par un protocole d'accord passé entre la Fédération française de football et le syndicat des arbitres de football élite ; que l'exécution de cette décision implique, en outre, compte tenu de l'âge de l'intéressé, sa rétrogradation définitive au niveau " Fédéral 4 " ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des annexes 3 et 4 du règlement intérieur de la direction nationale de l'arbitrage de la Fédération française de football qu'un arbitre est réputé promouvable lorsqu'il est éligible à la catégorie supérieure et que pour être promus aux niveaux F2 et F3, les arbitres doivent être âgés respectivement de moins de 37 ans et de moins de 36 ans ; que le moyen tiré de ce que ces règles, qui font obstacle à ce que les arbitres âgés de plus de 37 ans rétrogradés au niveau F4 puissent être promus aux niveaux F3 et F2 alors que les arbitres plus jeunes de la même catégorie peuvent accéder aux niveaux supérieurs où ils peuvent exercer jusqu'à 42 ans au niveau F2 et 45 ans au niveau F1, portent au principe d'égalité une atteinte qui n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général paraît de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la Fédération française de football de maintenir à titre provisoire M. A sur la liste des arbitres de niveau " Fédéral 2 " pour la saison 2012-2013 au plus tard jusqu'à ce soit rendu le jugement au fond ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 2 500 euros à verser à M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 10 février 2011 est annulée.

Article 2 : La décision du 17 juin 2011 du conseil fédéral de la Fédération française de football arrêtant le tableau général des groupes d'arbitres fédéraux pour la saison 2011-2012 en tant qu'elle rétrograde M. A au niveau " Fédéral 4 " est suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Article 3 : Il est enjoint à la Fédération française de football de maintenir M. A au niveau " Fédéral 2 " pour la saison 2012-2013 au plus tard jusqu'à ce que soit rendu le jugement au fond.

Article 4 : La Fédération française de football versera à M. A la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de football et à M. Cédric A.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 357138
Date de la décision : 07/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2012, n° 357138
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques-Henri Stahl
Rapporteur ?: M. Camille Pascal
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357138.20121107
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