La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2012 | FRANCE | N°347030

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 26 novembre 2012, 347030


Vu, 1°) sous le n° 347030, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 19 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, dont le siège est 7 villa Virginie à Paris (75014) ; le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2011-44 du 15 février 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a autorisé la société nationale de programme

Radio France à exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre inti...

Vu, 1°) sous le n° 347030, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 19 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, dont le siège est 7 villa Virginie à Paris (75014) ; le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2011-44 du 15 février 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a autorisé la société nationale de programme Radio France à exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre intitulé France Bleu Toulouse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 347721, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 19 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL 100% Radio, dont le siège est au 30 Boulevard du Thoré à Aussillon (81200), l'association Ara Totem, dont le siège est au 8 rue du Gros à La Primaube (12450), la SA Africa Média, dont le siège est au 33 rue du Faubourg Saint-Antoine à Paris (75011), la SARL Nord Sud Communication, dont le siège est au 116 rue Haxo à Paris (75019), la SAS OUI FM, dont le siège est au 2 rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc à Paris (75011), la SARL Radio Nova, dont le siège est au 127 avenue Ledru-Rollin à Paris (75011), la SAS RML, dont le siège est au 167 rue du Chevaleret à Paris (75013), et la SARL TSF Jazz, dont le siège est au 127 avenue Ledru-Rollin à Paris (75011) ; les requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu la décision du 13 juillet 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes et par la SARL 100% Radio et autres ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Spinosi, avocat du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, de la SARL 100% Radio, de la SA Africa Média, de la SARL Nord Sud Communication, de la SARL Radio Nova, de la SARL TSF Jazz , de la SAS Ouï FM, de la SAS RML et de l'Association Ara Totem et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Radio France,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, de la SARL 100% Radio, de la SA Africa Média, de la SARL Nord Sud Communication, de la SARL Radio Nova, de la SARL TSF Jazz , de la SAS Ouï FM, de la SAS RML et de l'Association Ara Totem et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Radio France ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre la même décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " A la demande du Gouvernement, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, respectivement pour les ressources radioélectriques de radiodiffusion et de transmission, accordent en priorité aux sociétés mentionnées à l'article 44 ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public le droit d'usage de la ressource radioélectrique nécessaire à l'accomplissement de leurs missions de service public. (...) " ;

3. Considérant que le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes et la SARL 100% Radio et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 15 février 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel, faisant application de ces dispositions, a autorisé la société nationale de programme Radio France à exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre intitulé France Bleu Toulouse ;

4. Considérant qu'il incombe au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'exercer la compétence qu'il tient des dispositions du II de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 en combinaison avec les autres missions que lui a confiées le législateur, notamment, en vertu des articles 3-1 et 13 de la même loi, celles de favoriser la libre concurrence et d'assurer le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, ainsi que de concilier l'accès prioritaire à la ressource radioélectrique avec le respect des règles relatives à la concurrence applicables dans l'Union européenne ; qu'à cette fin, lorsqu'il est saisi d'une demande d'attribution prioritaire d'une ressource radioélectrique, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de vérifier que le programme concerné se rattache aux missions de service public, définies par la loi et le cahier des charges, de l'une des sociétés mentionnées au II de l'article 26, qu'il n'est pas possible d'assurer une réception satisfaisante de ce programme dans la zone concernée par un simple réaménagement des fréquences déjà attribuées et que l'accès prioritaire demandé ne réduira pas la ressource disponible pour les opérateurs ne relevant pas du secteur public dans une mesure qui porterait atteinte au pluralisme des programmes ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

5. Considérant que la décision par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde le droit d'usage d'une ressource radioélectrique n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en vertu de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'elle ne constitue pas davantage une décision individuelle défavorable ou une décision dérogeant aux règles générales fixées par la loi ou le règlement qui devrait être motivée en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus que d'aucun principe, qu'elle devrait être précédée d'une consultation des opérateurs intéressés ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

6. Considérant, en premier lieu, que l'attribution prioritaire d'une ressource radioélectrique dans les conditions prévues par le II de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 ne se traduit par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, les autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte ; qu'elle ne saurait dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, être regardée comme une aide accordée par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, devant faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne en application de son article 108 ; que les requérants ne peuvent davantage utilement invoquer les stipulations du protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les Etats membres annexé au même traité, qui sont relatives au financement des organismes publics de radiodiffusion, ni se prévaloir, en tout état de cause, des termes d'une communication de 2009 de la Commission européenne concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'Etat ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ne s'est pas cru tenu de faire droit à la demande d'attribution prioritaire dont il était saisi pour le service France Bleu Toulouse et a procédé aux vérifications qui lui incombent, comme il a été dit ci-dessus, pour l'application du II de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 ;

8. Considérant, enfin, que le programme France Bleu correspond à l'une des missions de service public définie dans le cahier des charges de la société Radio France, mentionnée à l'article 44 de la même loi ; qu'il est ainsi susceptible de bénéficier de l'attribution prioritaire d'une ressource radioélectrique, sans que soient de nature à y faire obstacle les circonstances, invoquées par les requérants, que l'implantation de ce programme à Toulouse aurait aussi répondu à des préoccupations d'organisation interne de la société Radio France, que le contenu du programme ne serait pas adapté aux caractéristiques de la zone de Toulouse, que les programmes du secteur public y seraient déjà suffisamment représentés et que la société Radio France méconnaîtrait certaines des prescriptions de son cahier des charges ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'était pas possible d'assurer la réception du programme par un réaménagement des fréquences déjà attribuées dans la zone de Toulouse et que l'attribution prioritaire ne réduisait pas la ressource radioélectrique disponible, dans cette zone où trente-et-un éditeurs bénéficient d'autorisations pour la diffusion de services de radio, dans une mesure portant atteinte au pluralisme des programmes ; qu'ainsi, en estimant remplies les conditions pour faire droit à la demande présentée pour le programme France Bleu Toulouse, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes et la SARL 100% Radio et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre pour la société Radio France ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes et de la SARL 100% Radio et autres sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la société Radio France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, à la SARL 100% Radio, à l'Association Ara Totem, à la SA Africa Média, à la SARL Nord Sud Communication, à la SAS Ouï FM, à la SARL Radio Nova, à la SAS RML, à la SARL TSF Jazz, à la société Radio France et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Copie en sera adressée pour information au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 347030
Date de la décision : 26/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - DROIT DE LA CONCURRENCE - RÈGLES APPLICABLES AUX ÉTATS (AIDES) - ATTRIBUTION PRIORITAIRE D'UNE RESSOURCE RADIOÉLECTRIQUE (II DE L'ARTICLE 26 DE LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986) - QUALIFICATION D'AIDE D'ETAT (ART - 107 DU TFUE) - ABSENCE.

15-05-06-02 L'attribution prioritaire d'une ressource radioélectrique dans les conditions prévues par le II de l'article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ne se traduit par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, les autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte. Dès lors, elle ne saurait être regardée comme une aide accordée par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), devant faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne en application de son article 108.

RADIODIFFUSION SONORE ET TÉLÉVISION - SERVICES PRIVÉS DE RADIODIFFUSION SONORE ET DE TÉLÉVISION - SERVICES DE TÉLÉVISION - ATTRIBUTION PRIORITAIRE D'UNE RESSOURCE RADIOÉLECTRIQUE (II DE L'ARTICLE 26 DE LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986) - 1) QUALIFICATION D'AIDE D'ETAT (ART - 107 DU TFUE) - ABSENCE - 2) CONDITIONS DANS LESQUELLES IL INCOMBE AU CSA D'EXERCER SA COMPÉTENCE D'ATTRIBUTION D'UNE TELLE FRÉQUENCE.

56-04-03 1) L'attribution prioritaire d'une ressource radioélectrique dans les conditions prévues par le II de l'article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ne se traduit par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, les autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte. Dès lors, elle ne saurait être regardée comme une aide accordée par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), devant faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne en application de son article 108.,,2) Il incombe au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'exercer la compétence qu'il tient des dispositions du II de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 en combinaison avec les autres missions que lui a confiées le législateur, notamment, en vertu des articles 3-1 et 13 de la même loi, celles de favoriser la libre concurrence et d'assurer le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, ainsi que de concilier l'accès prioritaire à la ressource radioélectrique avec le respect des règles relatives à la concurrence applicables dans l'Union européenne. A cette fin, lorsqu'il est saisi d'une demande d'attribution prioritaire d'une ressource radioélectrique, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de vérifier que le programme concerné se rattache aux missions de service public, définies par la loi et le cahier des charges, de l'une des sociétés mentionnées au II de l'article 26, qu'il n'est pas possible d'assurer une réception satisfaisante de ce programme dans la zone concernée par un simple réaménagement des fréquences déjà attribuées et que l'accès prioritaire demandé ne réduira pas la ressource disponible pour les opérateurs ne relevant pas du secteur public dans une mesure qui porterait atteinte au pluralisme des programmes.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2012, n° 347030
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:347030.20121126
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award