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28/12/2012 | FRANCE | N°341979

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 28 décembre 2012, 341979


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 27 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'EARL Cousin, dont le siège social est situé 9, Hameau de Beauvoir à Bonnières (62270), représentée par son gérant en exercice ; l'EARL Cousin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA00588 et 09DA00822 du 20 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement n°s

0601622 et 0601623 du 12 février 2009 du tribunal administratif de Lille, a...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 27 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'EARL Cousin, dont le siège social est situé 9, Hameau de Beauvoir à Bonnières (62270), représentée par son gérant en exercice ; l'EARL Cousin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA00588 et 09DA00822 du 20 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement n°s 0601622 et 0601623 du 12 février 2009 du tribunal administratif de Lille, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement rejetant ses demandes de décharge des sommes mises à sa charge par les avis de versement émis les 7 et 12 octobre 2005 par l'Agence de l'eau Artois-Picardie au titre des redevances pour la détérioration de l'eau pour les années 2002 et 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 février 2009 et de prononcer la décharge des sommes de 3 854 euros et 3 369 euros réclamées par les avis de versement en litige pour les années 2002 et 2003 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 ;

Vu le décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 ;

Vu le décret n° 75-996 du 28 octobre 1975 ;

Vu l'arrêté du 28 octobre 1975 pris en exécution des articles 3, 5, 6, 10 et 15 du décret n° 75-996 du 28 octobre 1975 portant application des dispositions de l'article 14-1 de la loi modifiée du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de l'EARL Cousin et de Me Le Prado, avocat de l'agence de l'eau Artois-Picardie,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de l'EARL Cousin et à Me Le Prado, avocat de l'agence de l'eau Artois-Picardie ;

1. Considérant qu'en vertu des dispositions, alors en vigueur, du décret du 28 octobre 1975 portant application de l'article 14-1 de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution et de l'arrêté du 28 octobre 1975, pris en exécution des articles 3, 5, 6, 10 et 15 de ce décret, les assujettis à la redevance pour détérioration de la qualité de l'eau, laquelle a le caractère d'une imposition, sont tenus de déclarer chaque année à l'agence de l'eau dont ils relèvent l'ensemble des éléments nécessaires à la détermination de l'assiette de la redevance et du montant de la prime pour l'épuration déductible de la redevance ; que, pour le calcul de la prime, l'annexe II de cet arrêté répartit notamment les dispositifs d'épandage des effluents d'élevage en trois classes en fonction de leur qualité ; que pour prétendre relever de la classe I, correspondant aux pratiques d'épandage les plus respectueuses de l'environnement et à la prime d'épuration la plus élevée, l'assujetti à la redevance doit justifier notamment de la tenue à jour d'un cahier d'épandage et d'une charge d'azote à l'hectare inférieure à trois unités de gros bétail (UGBN) ou, si elle est comprise entre trois et cinq UGBN, d'une étude de périmètre d'épandage et de l'existence d'un outil de maîtrise de la fertilisation adapté ; que la classe III, correspondant à une prime pour l'épuration inférieure, est retenue soit lorsque la charge d'azote à l'hectare est supérieure à cinq UGBN en l'absence d'étude de périmètre d'épandage, soit en l'absence de tenue à jour d'un cahier d'épandage ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des avis de versement en date des 7 et 12 octobre 2005, l'Agence de l'eau Artois-Picardie a mis à la charge de l'EARL Cousin des redevances pour détérioration de la qualité de l'eau au titre des années 2002 et 2003 d'un montant respectif de 3 854 et de 3 369 euros en raison de son classement en classe III de la qualité d'épandage ;

3. Considérant, en premier lieu, et d'une part, qu'aux termes des points 2.1.1 et 2.1.2 de l'annexe II de l'arrêté du 28 octobre 1975, l'étude de périmètre d'épandage est une " étude générale concernant l'ensemble des parcelles susceptibles d'être utilisées pour l'épandage " ayant " pour objet de connaître leur aptitude à l'épandage et de définir le mode d'épandage (gestion des parcelles, calendrier et doses des apports...) le plus efficace pour éliminer les pollutions " et comprenant " le zonage des exclusions avec les motifs d'exclusion " ; qu'en jugeant que si cette définition, relative aux pollutions d'épandage en général, n'était pas directement applicable aux effluents d'élevage, la référence à une telle étude, au point 2.2.2. les concernant, pour apprécier la qualité de l'épuration des effluents d'élevage avait nécessairement pour effet de renvoyer au contenu ainsi défini précédemment dans la même annexe, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant, d'autre part, que la définition de l'étude de périmètre d'épandage prévue aux points 2.1.1. et 2.1.2. de l'annexe II de l'arrêté du 28 octobre 1975 n'exige pas qu'elle contienne une analyse des écoulements souterrains hypodermiques et des voies de communication entre surface et nappe ; que, toutefois, cette étude a pour objet de connaître l'aptitude à l'épandage des sols, qui dépend notamment de l'impact des effluents sur le milieu aquatique ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'eu égard à l'objet d'une telle étude, l'Agence de l'eau Artois-Picardie comme les premiers juges pouvaient se fonder notamment sur l'absence d'analyse des écoulements souterrains hypodermiques et des voies de communication entre surface et nappe pour considérer que l'étude d'impact produite par l'EARL Cousin, qui se bornait à indiquer la nature des sols du parcellaire d'épandage et à relever l'absence de proximité des rivières, ne pouvait être regardée comme une étude de périmètre d'épandage répondant aux prescriptions de l'annexe II de l'arrêté du 28 octobre 1975 ;

5. Considérant, enfin, que l'EARL Cousin soutient que la cour a commis une erreur de droit en estimant qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une étude de périmètre d'épandage, dès lors que l'existence de cette étude était attestée par le représentant de la chambre d'agriculture du Pas-de-Calais dans un courrier du 13 mai 2005 faisant état d'une " étude de périmètre d'épandage " réalisée en 1998 dans le cadre d'une demande d'autorisation d'exploiter ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette attestation fait référence à l'étude d'impact présentée en 1998 à l'appui d'une demande d'autorisation d'exploiter de nouveaux poulaillers en application de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et que l'EARL n'a produit aucune étude distincte ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'existence de l'étude de périmètre d'épandage prévue par les dispositions de l'arrêté du 28 octobre 1975 ne saurait être établie au vu de cette seule attestation ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 16 décembre 1964 ainsi que des textes pris pour leur application que la redevance litigieuse et la prime pour l'épuration nécessaire à son calcul sont déterminées annuellement ; que ces dispositions ont pour objet de faire contribuer les assujettis à la lutte contre la détérioration de la qualité de l'eau en les incitant à réduire la quantité d'azote rejetée chaque année et constitutive de l'assiette de la redevance ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'eu égard aux objectifs de maîtrise des pollutions d'origine agricole, tels que rappelés notamment à l'article 6 de l'arrêté du 28 octobre 1975, devait être prise en compte pour l'évaluation de la charge d'azote à l'hectare entrant dans le calcul de la prime annuelle d'épuration et de la redevance non la surface potentiellement épandable mais la surface effectivement amendée en matière organique, qui ne comprend que celles des terres ayant effectivement été épandues au cours de l'année de référence ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu du point 2.5.1 de l'annexe II de l'arrêté du 28 octobre 1975 précité, l'exploitant doit enregistrer au jour le jour dans un cahier d'épandage les dates d'épandage, les parcelles épandues avec leur référence cadastrale, la nature des produits épandus et les surfaces sur lesquelles ils ont été épandus ; que l'EARL Cousin soutenait devant les juges du fond que le contenu des cahiers qu'elle avait présentés à l'Agence de l'eau Artois-Picardie pour les exercices 2002 et 2003 était conforme à ces exigences ; que la cour a estimé, par une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation, que les documents fournis à titre de cahiers d'épandage par l'EARL Cousin à l'Agence de l'eau Artois-Picardie pour les exercices 2002 et 2003 étaient incomplets quant à l'enregistrement des dates d'épandage et à l'identification des parcelles correspondantes, de sorte qu'ils ne permettaient pas de vérifier les surfaces amendées au jour le jour, et en a déduit que la requérante ne saurait se prévaloir de la tenue de cahiers d'épandage pour soutenir qu'elle ne relèverait pas de la classe III ; qu'ainsi, la cour, qui n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant elle à l'appui du moyen tiré de la conformité des cahiers d'épandage avec les prescriptions de l'arrêté du 28 octobre 1975, a suffisamment motivé son arrêt ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL Cousin n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Agence de l'eau Artois-Picardie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL Cousin la somme de 3 000 euros que demande l'Agence de l'eau Artois-Picardie au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'EARL Cousin est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Agence de l'eau Artois-Picardie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'EARL Cousin et à l'Agence de l'eau Artois-Picardie.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'économie et des finances et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 341979
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2012, n° 341979
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:341979.20121228
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