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23/01/2013 | FRANCE | N°333405

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 janvier 2013, 333405


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 octobre 2009 et 4 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Rochefort, représentée par son maire ; la commune de Rochefort demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 avril 2009 relatif au classement des communes par zone applicable à certaines aides au logement, les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par les ministres du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de

l'Etat et le secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme su...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 octobre 2009 et 4 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Rochefort, représentée par son maire ; la commune de Rochefort demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 avril 2009 relatif au classement des communes par zone applicable à certaines aides au logement, les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par les ministres du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et le secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme sur son recours gracieux du 1er juillet 2009 dirigé contre cet arrêté, et la décision explicite du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer du 16 novembre 2009 rejetant explicitement ce recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de prendre un arrêté classant la commune de Rochefort en zone B2 pour l'attribution des aides au logement dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Rochefort et de Me Foussard, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Rochefort et à Me Foussard, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

Sur la légalité externe de l'arrêté :

1. Considérant que la circonstance que le Gouvernement ait annoncé publiquement qu'il consulterait les élus avant d'édicter l'arrêté attaqué et a consulté ensuite, non l'ensemble des élus, mais seulement certaines associations les représentant, n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté attaqué dès lors qu'il n'est pas soutenu que les consultations auxquelles il a été procédé furent elles-mêmes entachées d'une irrégularité susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision prise ;

Sur la légalité interne de l'arrêté :

2. Considérant que, par l'arrêté du 29 avril 2009 attaqué, le ministre du logement et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ont fixé la liste des communes éligibles aux avantages fiscaux régis par les dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts et du h) de l'article 31 du même code, tel que modifié par l'article 48 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, qui réservent ces avantages aux communes classées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés d'accès au logement ; que l'arrêté attaqué ne classe pas la commune de Rochefort parmi les communes éligibles à ces dispositifs ;

3. Considérant, en premier lieu, que la commune de Rochefort soutient que les auteurs de l'arrêté attaqué ont commis une erreur de droit en établissant le classement des communes par " unité de structure intercommunale " et non par commune ; que, toutefois, il appartenait aux ministres compétents, pour établir le zonage prévu par les dispositions de l'article 199 septvicies et du h) de l'article 31 du code général des impôts, de définir des critères permettant de classer les communes en fonction du rapport entre l'offre et la demande de logements sur leurs territoires ; qu'il résulte des pièces du dossier que la méthode retenue par les auteurs de l'arrêté attaqué a consisté à évaluer le rapport entre l'offre et la demande de logements sur le territoire des communautés d'agglomération et des communautés urbaines, désignées dans cette méthode sous le vocable " d'unités de structure intercommunale ", au motif que ces communautés constituent, dans la généralité des cas, l'unité géographique pertinente pour apprécier un éventuel déséquilibre ; que, d'une part, l'arrêté attaqué procède aux classements des communes et non des établissements de coopération intercommunale, d'autre part, le Gouvernement ne s'est pas interdit de classer différemment deux communes du même établissement lorsque des disparités de situation sur le marché du logement le justifiaient ; qu'au surplus, l'annexe de l'arrêté attaqué fait apparaître que certaines communes appartenant à la même communauté d'agglomération sont effectivement classées dans des zones différentes ; que, par suite, cette méthode ne méconnaissant ni le principe, ni le critère du classement retenu par la loi, l'arrêté attaqué n'est pas entaché de l'erreur de droit alléguée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la commune requérante, la méthode retenue par les auteurs de l'arrêté pour classer les communes n'implique pas que deux communes soumises à un même déséquilibre entre l'offre et la demande de logements sur leurs territoires soient classées par l'annexe de l'arrêté attaqué dans des catégories différentes lorsque les situations globales du marché du logement sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent sont différentes ; que, par suite, l'annexe de l'arrêté attaqué ne méconnaît pas, à ce titre, le principe d'égalité ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la commune requérante soutient que le fait de faire dépendre son éligibilité aux dispositifs fiscaux rappelés ci-dessus de la situation des autres communes de l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient l'empêche de conduire les actions sociales de son choix et porte ainsi atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ; que, toutefois, d'une part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la méthode de classement retenue par les auteurs de l'arrêté attaqué fait dépendre l'éligibilité d'une commune au dispositif en cause de la situation du marché du logement sur son territoire, d'autre part, la circonstance qu'une commune ne bénéficie pas d'un dispositif fiscal réservé par le législateur aux territoires connaissant les plus fortes pénuries de logement ne porte pas, en soi, atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la commune de Rochefort soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions législatives rappelées ci-dessus au motif que certaines communes ont été maintenues par les auteurs de l'arrêté dans les zones B1 et B2, ouvrant droit aux dispositifs fiscaux en cause, alors que la situation du logement s'était améliorée sur leurs territoires ; que, toutefois, il était loisible au gouvernement de retenir des critères emportant le classement d'un grand nombre de communes en zone B1 et B2 dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces communes n'aient connu aucun déséquilibre entre l'offre et la demande de logement et que ces critères n'aient pas été appliqués également à toutes les communes ; que le moyen tiré de ce que certaines communes ne connaîtraient pas un déséquilibre suffisant pour justifier leur classement en zone B n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que le fait que le Gouvernement ait annoncé son intention de procéder à des révisions du classement des communes en fonction de l'évolution du marché locatif, laquelle est conforme à la volonté du législateur et, en particulier, aux dispositions du dernier alinéa du h) de l'article 31 du code général des impôts précité, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que les autres moyens de la commune requérante critiquant les modalités selon lesquelles le gouvernement a annoncé que cette révision pourrait être menée sont inopérants contre l'arrêté attaqué ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les indicateurs utilisés par les auteurs de l'arrêté pour évaluer la tension entre l'offre et la demande de logement conduisaient à classer la commune de Rochefort en zone C ; qu'aucune des circonstances invoquées par la commune requérante, tirées notamment de ses caractéristiques géographiques, historiques ou économiques et du fait qu'elle a pu bénéficier, ultérieurement et à titre dérogatoire, des dispositifs fiscaux en cause en application du X de l'article 199 septvicies du code général des impôts, ni aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que les auteurs de l'arrêté aient commis à la date d'édiction de l'arrêté une erreur manifeste d'appréciation en ne dérogeant pas à l'application du classement résultant de ces indicateurs ; que, par suite, la commune requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2009 et des décisions rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge la commune de Rochefort la somme que demande l'Etat au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la commune de Rochefort est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Rochefort, au ministre de l'économie et des finances et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 333405
Date de la décision : 23/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jan. 2013, n° 333405
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:333405.20130123
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