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06/03/2013 | FRANCE | N°364475

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 06 mars 2013, 364475


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 décembre et 26 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la région Nord-Pas-de-Calais, représentée par le président du conseil régional ; la région

Nord-Pas-de-Calais demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1206202 du 22 novembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, sur la demande de M. A...C..., a, d'une part, suspend

u l'exécution de son arrêté du 7 juin 2012 affectant M. C...au sein de la dire...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 décembre et 26 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la région Nord-Pas-de-Calais, représentée par le président du conseil régional ; la région

Nord-Pas-de-Calais demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1206202 du 22 novembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, sur la demande de M. A...C..., a, d'une part, suspendu l'exécution de son arrêté du 7 juin 2012 affectant M. C...au sein de la direction de la communication sur un poste de photographe à compter du 1er juin 2012 et de sa décision de suspension du salaire de ce dernier à compter du 1er septembre 2012 et, d'autre part, lui a ordonné de procéder à la reprise du paiement du salaire à compter du 1er septembre 2012 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. C...le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Bouchard, Maître B...en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la région Nord-Pas-de-Calais et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M.C...,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la région Nord-Pas-de-Calais et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. C... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille que M.C..., agent non titulaire au sein de la région

Nord-Pas-de-Calais, recruté à compter du 1er janvier 2006 en qualité d'assistant technique photographe par un contrat à durée indéterminée et affecté à la direction de la culture, a, à l'issue de congés de maladie, été déclaré, le 21 décembre 2011 par le médecin du travail de la région, " apte à la reprise sur la fonction de photographe dans un environnement professionnel différent (changement de service obligatoire) " ; que par un courrier, en date du 5 juin 2012, M. C... a refusé la proposition d'affectation dans un emploi de photographe au sein de la direction de la communication de la région ; qu'il a été affecté par arrêté du président du conseil régional en date du 7 juin 2012 à cet emploi, à compter du 1er juin 2012 ; qu'après avoir été informé qu'il se trouvait en situation d'absence injustifiée faute d'avoir rejoint ses nouvelles fonctions, M. C...a demandé son licenciement par courrier du 24 juillet 2012 ; que par lettre du 14 septembre 2012, le directeur général adjoint des services a indiqué à M. C... que le versement de son salaire était suspendu à compter du 1er septembre 2012 faute de service fait ; que par une ordonnance du 22 novembre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de la décision d'affectation au sein de la direction de la communication et de la décision d'interruption du versement du salaire ; que la région Nord-Pas-de-Calais se pourvoit contre cette ordonnance ;

3. Considérant qu'il appartient au juge des référés, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle, de faire apparaître les raisons de droit et de fait pour lesquelles soit il considère que l'urgence justifie la suspension de l'acte attaqué, soit il estime qu'elle ne la justifie pas ;

4. Considérant, en premier lieu, que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a, pour estimer que l'urgence justifiait la suspension de la décision d'interruption de versement du salaire de M. C...mais aussi de la décision d'affectation de ce dernier à la direction de la communication, retenu " qu'eu égard à l'absence de ressources résultant de la perte du salaire du requérant, l'urgence doit être considérée comme établie " ; que si ce motif fait apparaître les raisons pour lesquelles le juge a considéré que la condition d'urgence à suspendre la décision d'interruption de versement du salaire était remplie, il ne fait pas apparaître celles justifiant l'urgence à suspendre la décision d'affectation de M. C... ; qu'en second lieu, pour dénier toute urgence à suspendre la décision d'interruption de versement du salaire de M. C..., la région a fait valoir devant le juge des référés que cette décision résultait de l'absence de service fait par M. C...; que le juge des référés n'a toutefois pas répondu au moyen opérant tiré de ce que le préjudice invoqué par le requérant lui était imputable ;

5. Considérant qu'il résulte ce qui précède que le juge des référés a entaché son ordonnance d'une insuffisance de motivation pour établir l'urgence à suspendre les décisions attaquées ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la région est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur les demandes de suspension en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il résulte du principe général du droit, applicable en particulier aux agents contractuels de droit public, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ; que par ailleurs, aux termes des dispositions du troisième alinéa de l'article 13 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 modifié relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire définitivement inapte pour raison de santé à reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, de maladie professionnelle, de maternité, de paternité ou d'adoption est licencié. (...) " ;

8. Considérant, en premier lieu, que le médecin du travail, dans son certificat du 21 décembre 2011, a estimé que M. C...était " apte à la reprise sur la fonction de photographe " mais à la condition impérative qu'il soit affecté dans un emploi relevant d'un autre service ; qu'il s'en suit que le moyen invoqué par M. C...tiré de ce que la région aurait dû, d'une part, à raison d'une inaptitude physique définitive médicalement constatée à occuper son emploi et, d'autre part, à raison de son refus de reclassement dans un poste de photographe à la direction de la communication, procéder à son licenciement est en l'état de l'instruction, au vu du principe général du droit et des dispositions du décret mentionnés

ci-dessus, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision d'affectation d'office qui lui a été imposée et quant à la légalité, par voie de conséquence de la décision interrompant le versement de son salaire pour service non fait ;

9. Considérant en second lieu, que cette décision d'affectation d'office préjudicie de manière grave et immédiate à la situation de M. C...en ce qu'elle fait peser sur lui une obligation de travailler, malgré son refus de reclassement et sa demande de licenciement, et qu'elle sert de fondement à la décision d'interruption du versement de son salaire pour service non fait, laquelle ne peut à raison de cette demande et de ce refus légitimes être imputée à M.C... et laquelle a pour effet, sans que cela ne soit contesté, de le priver de toutes ressources financières ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les deux conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative sont réunies ; qu'il convient dès lors d'ordonner la suspension des décisions attaquées ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

11. Considérant que la suspension de l'exécution des décisions susmentionnées d'affectation de M. C... au sein de la direction de la communication et d'interruption du versement de son salaire implique la reprise du paiement du salaire de l'intéressé jusqu'à son éventuel licenciement, dans l'attente d'un jugement rendu au fond par le tribunal administratif de Lille quant à la légalité des décisions en cause ; qu'il convient par suite d'ordonner à la région Nord-Pas-de-Calais le paiement du salaire de M. C...à compter du 1er septembre 2012 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Nord-Pas-de-Calais la somme de 4 500 euros à verser à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la procédure devant le tribunal administratif de Lille et le Conseil d'Etat; que ces mêmes dispositions du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 22 novembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 7 juin 2012 affectant M. C... au sein de la direction de la communication de la région Nord-Pas-de-Calais et de la décision d'interruption du versement de son salaire à compter du 1er septembre 2012 est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la région Nord-Pas-de-Calais de procéder provisoirement à la reprise du paiement du salaire de M.C... à compter du 1er septembre 2012, jusqu'à son éventuel licenciement, dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Lille qui serait rendu au fond quant à la légalité des décisions attaquées.

Article 4 : La région Nord-Pas-de-Calais versera à M. C... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la région Nord-Pas-de-Calais est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la région Nord-Pas-de-Calais et à M. A...C....


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 364475
Date de la décision : 06/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 2013, n° 364475
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Bouchard
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:364475.20130306
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