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20/03/2013 | FRANCE | N°345776

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 20 mars 2013, 345776


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 14 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie du Havre, dont le siège est 22 boulevard de Strasbourg au Havre (76904) ; la caisse primaire d'assurance maladie du Havre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA01096 du 16 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à ce que soit portée à 31 529,25 euros l'indemnité de 23 863,13 euros que le tri

bunal administratif de Rouen, par son jugement n° 0602793 du 9 mai 20...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 14 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie du Havre, dont le siège est 22 boulevard de Strasbourg au Havre (76904) ; la caisse primaire d'assurance maladie du Havre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA01096 du 16 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à ce que soit portée à 31 529,25 euros l'indemnité de 23 863,13 euros que le tribunal administratif de Rouen, par son jugement n° 0602793 du 9 mai 2008, a condamné l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser en remboursement de ses débours résultant de la contamination de M. A...B...par le virus de l'hépatite C du fait de transfusions sanguines reçues les 16 et 18 octobre 1974 et, d'autre part, à ce que l'EFS soit condamné à lui verser une indemnité forfaitaire de 941 euros au titre du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, notamment le IV de son article 67 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010, notamment son article 8 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et de la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et à la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que M. et MmeB..., ayant appris en 2003 que M. B...était contaminé par le virus de l'hépatite C et imputant cette contamination à des transfusions sanguines subies en 1974 au centre hospitalier du Havre, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à la réparation de leurs préjudices ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre a sollicité le remboursement d'une somme de 31 529,25 euros, correspondant à hauteur de 7 666,12 euros à des indemnités journalières versées à la suite d'arrêts de travail de M. B...et à hauteur de 23 863,13 euros à des dépenses de santé engagées entre le 5 janvier 2004 et le 30 octobre 2007 ; que, par un jugement du 9 mai 2008, le tribunal administratif de Rouen, après avoir jugé que la contamination était due aux transfusions sanguines, a partiellement accueilli la demande de M. et Mme B...et condamné l'EFS à verser à la caisse la somme de 23 863,13 euros au titre des dépenses de santé ; que, par un arrêt du 16 novembre 2010, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir jugé que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) était substitué à l'EFS, a porté à 20 000 euros l'indemnité due par l'ONIAM à M.B..., condamné l'ONIAM à verser une indemnité de 3 000 euros à Mme B...et rejeté l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 7 666,12 euros correspondant aux indemnités journalières qu'elle avait déboursées ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue au neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a limité le remboursement de ses débours ; que l'ONIAM forme un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Sur la personne débitrice des indemnités :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010, l'ONIAM est chargé " de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article L. 1221-14 " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-14 issu du I du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008 que la responsabilité de l'ONIAM est engagée dans les conditions prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'aux termes du premier alinéa du IV du même article 67 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, dans les contentieux entrant dans leur champ d'application, l'ONIAM est substitué à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; que quelles que soient ses clauses, un contrat d'assurance conclu par une structure reprise par l'EFS ne saurait faire obstacle à cette substitution ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dans le contentieux qui opposait devant la cour administrative d'appel à la date du 1er juin 2010, d'une part, M. et Mme B...ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et, d'autre part, l'EFS, l'ONIAM, qui a produit postérieurement à cette date devant la cour, a été substitué à ce dernier ; que, par suite, en mettant les indemnités allouées à M. et à Mme B...ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre à la charge de l'ONIAM après avoir écarté, par une motivation suffisante, le moyen que celui-ci tirait des clauses du contrat d'assurance conclu par la structure reprise par l'EFS, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ; que le pourvoi incident de l'ONIAM doit par suite être rejeté ;

Sur le montant des indemnités dues à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre :

4. Considérant, en premier lieu, que, pour rejeter les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre tendant à obtenir le remboursement d'indemnités journalières d'un montant total de 7 666,12 euros versées à M. B...en raison de plusieurs périodes d'arrêts de travail entre le 16 octobre 1993 et le 24 janvier 1999, la cour a estimé que l'attestation établie le 15 février 2008 par un médecin conseil n'établissait pas l'imputabilité des arrêts de travail à la contamination de M. B...par le virus de l'hépatite C ; que la cour n'a ni dénaturé cette attestation, laquelle ne mentionnait pas que cette imputabilité était certaine mais seulement " hautement probable ", ni commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en second lieu, que la cour a omis de répondre aux conclusions par lesquelles la caisse primaire d'assurance maladie du Havre demandait le bénéfice du neuvième alinéa des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale relatives à " l'indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 16 novembre 2010 doit être annulé en tant seulement qu'il omet de statuer sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre relatives à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la limite de la cassation prononcée, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ; que le jugement du 9 mai 2008 du tribunal administratif de Rouen, qui a fixé à 23 863,13 euros le montant des indemnités dues à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre au titre des prestations versées à M.B..., a accordé à la caisse, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, une somme de 941 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 7 décembre 2007 alors en vigueur ; que si le plafond a été réévalué par la suite, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que ses conclusions tendant à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées ont été rejetées par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai, devenu définitif sur ce point ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et par l'ONIAM au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi incident de l'ONIAM est rejeté.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 16 novembre 2010 est annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre relatives à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre devant la cour administrative d'appel de Douai, relatives à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre, à M. A... B..., à Mme C...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à l'Etablissement français du sang.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345776
Date de la décision : 20/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLÈMES D'IMPUTABILITÉ - PRÉJUDICES CONSÉCUTIFS À UNE CONTAMINATION PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C - TRANSFERT DE LA PRISE EN CHARGE DE L'EFS À L'ONIAM (ART - 67 DE LA LOI DU 17 DÉCEMBRE 2008) - POSSIBILITÉ - POUR UN CONTRAT D'ASSURANCE - DE FAIRE ÉCHEC À CETTE SUBSTITUTION - ABSENCE.

60-03 Il résulte des dispositions du IV de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 que, dans les contentieux entrant dans leur champ d'application, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est substitué à l'Etablissement français du sang (EFS) tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs. Quelles que soient ses clauses, un contrat d'assurance conclu par une structure reprise par l'EFS ne saurait faire obstacle à cette substitution.

SANTÉ PUBLIQUE - DIVERS ÉTABLISSEMENTS À CARACTÈRE SANITAIRE - PRÉJUDICES CONSÉCUTIFS À UNE CONTAMINATION PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C - TRANSFERT DE LA PRISE EN CHARGE DE L'EFS À L'ONIAM (ART - 67 DE LA LOI DU 17 DÉCEMBRE 2008) - POSSIBILITÉ - POUR UN CONTRAT D'ASSURANCE - DE FAIRE ÉCHEC À CETTE SUBSTITUTION - ABSENCE.

61-08 Il résulte des dispositions du IV de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 que, dans les contentieux entrant dans leur champ d'application, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est substitué à l'Etablissement français du sang (EFS) tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs. Quelles que soient ses clauses, un contrat d'assurance conclu par une structure reprise par l'EFS ne saurait faire obstacle à cette substitution.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2013, n° 345776
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Domitille Duval-Arnould
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS ; SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:345776.20130320
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