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20/03/2013 | FRANCE | N°346971

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 20 mars 2013, 346971


Vu, 1°) sous le n° 346971, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 23 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire (SIEIL), dont le siège est 14 rue Blaise Pascal BP 51314 à Tours (37013 cedex 01) ; le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité en application du IV

de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la moder...

Vu, 1°) sous le n° 346971, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 23 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire (SIEIL), dont le siège est 14 rue Blaise Pascal BP 51314 à Tours (37013 cedex 01) ; le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité en application du IV de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté son recours gracieux du 25 octobre 2010 tendant au retrait de ce décret ;

2°) d'enjoindre à l'Etat d'édicter un nouveau décret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 346972, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 23 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité (SIPPEREC), dont le siège est 193/197 rue de Bercy Tour Gamma B à Paris (75382 cedex 12) ; le syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité en application du IV de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté son recours gracieux du 25 octobre 2010 tendant au retrait de ce décret ;

2°) d'enjoindre à l'Etat d'édicter un nouveau décret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 ;

Vu la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

Vu le décret n° 2001-630 du 16 juillet 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire et de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions du IV de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, aujourd'hui reprises à l'article L. 341-4 du code de l'énergie : " Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en oeuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée. / (...) Un décret en Conseil d'Etat pris sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, précise les modalités d'application du premier alinéa, notamment les modalités de prise en charge financière de ce dispositif " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 31 août 2010 en litige : " Pour l'application des dispositions du IV de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 susvisée et en vue d'une meilleure utilisation des réseaux publics d'électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en oeuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients " ;

Sur la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la délibération adoptée par la Commission de régulation de l'énergie lors de sa séance du 12 février 2009 comportait en annexe une proposition de décret relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité en application du IV de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; que le moyen tiré de l'inexistence de cette proposition manque en fait ; que l'absence de publication de cette délibération annexant la proposition de décret, en méconnaissance des dispositions de l'article 32 de la loi du 10 février 2000, est sans incidence sur la légalité du décret attaqué dès lors que cette irrégularité n'a, par elle-même, ni eu d'influence sur le contenu de ce décret, ni privé les administrés d'aucune garantie ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que l'entrée en vigueur de la directive du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive du 26 juin 2003, postérieurement, d'une part, à l'adoption par la Commission de régulation de l'énergie de la délibération annexant la proposition de décret et, d'autre part, à la consultation sur cette proposition du Conseil supérieur de l'énergie, intervenue le 7 juillet 2009 en application des dispositions de l'article 45 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, impliquait, du fait de l'apparition de circonstances de droit nouvelles, que le Gouvernement ne pouvait se fonder ni sur la proposition de décret de la Commission de régulation de l'énergie, ni sur l'avis du Conseil supérieur de l'énergie ;

5. Considérant toutefois que la directive du 13 juillet 2009 a repris les objectifs assignés aux Etats membres par la directive du 26 juin 2003, en particulier celui du déploiement de systèmes intelligents de mesure, et ne comporte, par rapport à cette dernière, d'éléments substantiellement nouveaux que sur deux points, énoncés au 2 de son annexe 1 et relatifs, d'une part, à la possibilité conférée aux Etats membres de subordonner la mise en place des systèmes intelligents de mesure " à une évaluation économique à long terme de l'ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement, ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution ", d'autre part, à l'obligation faite aux Etats membres de fixer " un calendrier, avec des objectifs sur une période de dix ans maximum, pour la mise en place de systèmes intelligents de mesure " ; que le simple fait de prévoir explicitement la possibilité d'une expérimentation préalable au déploiement des " compteurs intelligents ", laquelle pouvait être mise en oeuvre indépendamment de la modification du droit de l'Union européenne sur ce point, ne constituait pas un changement dans les circonstances de droit nécessitant que la Commission de régulation de l'énergie adopte une nouvelle proposition de décret, ni que le Conseil supérieur de l'énergie soit à nouveau saisi pour avis ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que la proposition de décret adoptée le 12 février 2009 par la Commission de régulation de l'énergie et soumise à l'avis du Conseil supérieur de l'énergie le 7 juillet 2009 prévoyait déjà une telle expérimentation ; que, par ailleurs, cette proposition de décret prévoyait un calendrier de déploiement pour les dix années suivantes ; qu'ainsi, tant la Commission de régulation de l'énergie que le Conseil supérieur de l'énergie ont été en mesure d'examiner la question du calendrier de déploiement ; que le moyen tiré de ce que le Gouvernement ne pouvait se fonder sur la proposition de la Commission de régulation de l'énergie ni sur l'avis du Conseil supérieur de l'énergie doit, par suite, être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la consultation de la section des travaux publics du Conseil d'Etat sur le projet de décret en litige, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle est, au demeurant, intervenue le 9 février 2010, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la directive du 13 juillet 2009, serait irrégulière du fait d'un changement ultérieur des circonstances de droit ; qu'il ressort, en outre, de la copie de la minute de la section des travaux publics du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été produite au dossier par l'administration en défense, que le texte publié au Journal Officiel de la République Française ne contient pas de dispositions qui diffèreraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par cette section ; qu'ainsi, aucune méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret ne saurait être retenue ;

Sur la légalité interne :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, pour l'application desquelles a été pris le décret attaqué, que l'un des objectifs assignés par le législateur au déploiement de " compteurs intelligents " est de permettre aux fournisseurs d'électricité de proposer à leurs clients des prix différents en fonction des périodes de consommation ; que le décret, dont les dispositions ne sont pas de nature à faire obstacle à la réalisation de cet objectif, n'est pas, contrairement à ce qui est soutenu, entaché d'illégalité du seul fait qu'il n'en fasse pas explicitement mention ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le IV de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 prévoit, dans son troisième alinéa, que : " Les cahiers des charges des concessions et les règlements de service des régies de distribution d'électricité sont mis en conformité avec les dispositions du présent article " ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué, lequel se borne à réitérer une obligation qui trouve sa source dans la loi, méconnaîtrait les dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il prévoit la modification des cahiers des charges des concessions en vue de leur mise en conformité avec le déploiement de dispositifs de comptage intelligents ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le décret en litige, dont il n'est pas allégué qu'il méconnaîtrait les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pouvait à bon droit, s'agissant de l'usage de données recueillies par les dispositifs, se borner à faire référence, sans les reproduire, aux dispositions du décret du 16 juillet 2001 relatif à la confidentialité des informations détenues par les gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ;

10. Considérant, en quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, qu'en vertu du 2 de l'annexe 1 de la directive du 13 juillet 2009, les Etats membres peuvent expérimenter le modèle de dispositifs de comptage qu'ils souhaitent retenir et doivent fixer un calendrier de déploiement pour les dix années suivantes ; que cette expérimentation, qui n'est qu'une faculté ouverte aux Etats membres, peut porter sur un champ plus restreint que celui autorisé par la directive ; que, par suite, le décret attaqué n'est pas entaché d'illégalité en ce qu'il limite la portée de l'expérimentation, dans son article 3, " aux points de raccordement des installations des utilisateurs des réseaux publics raccordées en basse tension (BT) pour des puissances inférieures ou égales à 36 kVA " et en prévoyant, à son article 4, qu'elle aura pour objet de permettre de déterminer " les fonctionnalités et les spécifications des dispositifs de comptage " ; que le décret n'est, contrairement à ce qui est soutenu, entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne fait pas dépendre le calendrier de déploiement des dispositifs de comptage des résultats de l'expérimentation ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le décret définit avec suffisamment de précision, dans son article 3, l'objet et les conditions de l'expérimentation confiée à la société issue de la séparation juridique imposée à Electricité de France par l'article 13 de la loi du 9 août 2004, sous la supervision de la Commission de régulation de l'énergie ;

12. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er du décret attaqué : " Les dispositifs de comptage doivent comporter un traitement des données enregistrées permettant leur mise à disposition au moins quotidienne " ; qu'en vertu de ces dispositions les utilisateurs peuvent accéder, au moins une fois par jour, à l'ensemble des données composant leur profil journalier de consommation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle périodicité soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard de l'objectif de maîtrise de consommation personnelle d'énergie énoncé à l'article 18 de la loi du 3 août 2009 relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;

13. Considérant, en septième lieu, qu'il ressort des dispositions du décret attaqué que l'objet de l'expérimentation est de déterminer les caractéristiques du modèle de dispositif de comptage devant être déployé et non pas son effet sur la consommation d'énergie ; que, dès lors, le décret n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il prévoit que l'expérimentation s'achèvera au plus tard au 31 décembre 2010, sans l'étendre à la totalité de la période hivernale ;

14. Considérant, en huitième et dernier lieu, que le décret attaqué, qui réaffirme le principe du déploiement de dispositifs de comptage intelligents énoncé par le droit de l'Union européenne, a pu légalement renvoyer à un arrêté le soin de déterminer leurs fonctionnalités et spécifications, au vu notamment des résultats de l'expérimentation dont il prévoit la mise en oeuvre ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement d'une somme soit mis à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes du syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire et du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire, au syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité, au Premier ministre, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 346971
Date de la décision : 20/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2013, n° 346971
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:346971.20130320
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