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20/03/2013 | FRANCE | N°351252

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 20 mars 2013, 351252


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 26 juillet et 4 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le syndicat professionnel Confédération des Producteurs de Papiers, Cartons et Celluloses (COPACEL), dont le siège est 23-25 rue d'Aumale à Paris (75009), la société Arjowiggins, dont le siège est 20 rue Rouget de l'Isle à Issy-les-Moulineaux (92130), représentée par son président-directeur général en exercice, la société Emin Leydier, dont le siège est 8 cours de Verdun à Oyonnax (01100), représentée par son président directeur gén

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Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 26 juillet et 4 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le syndicat professionnel Confédération des Producteurs de Papiers, Cartons et Celluloses (COPACEL), dont le siège est 23-25 rue d'Aumale à Paris (75009), la société Arjowiggins, dont le siège est 20 rue Rouget de l'Isle à Issy-les-Moulineaux (92130), représentée par son président-directeur général en exercice, la société Emin Leydier, dont le siège est 8 cours de Verdun à Oyonnax (01100), représentée par son président directeur général, la société Greenfield, dont le siège est ZI de la Grande Borne à Château-Thierry (02400), représentée par son président directeur général en exercice, la société International Paper France, dont le siège est 4 parc Ariane Immeuble Pluton Boulevard des chênes à Guyancourt (78280), représentée par son président- directeur général, la société Norske Skog Golbey, dont le siège est Route Charles Pellerin à Golbey (88190), représentée par son président-directeur général ; ils demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicite opposé à leurs demandes tendant à l'abrogation des dispositions de l'article R. 424-4 du code des assurances et de l'instruction fiscale n° 3 P-1-10 du 20 avril 2010 relative à la taxe destinée à financer le fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues d'épuration urbaines ou industrielles ;

2°) d'abroger les dispositions de l'article R. 424-4 du code des assurances et l'instruction fiscale n° 3 P-1-10 du 20 avril 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu le code des assurances, notamment ses articles L. 425-1, R424-1 et R. 424-4 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la décision n° 2012-251 QPC du 8 juin 2012 du Conseil Constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

1. Considérant que le I de l'article L. 425-1 du code des assurances, issu de l'article 45 de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, prévoit qu'un fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues d'épuration urbaines ou industrielles est chargé d'indemniser les préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires de terres agricoles et forestières dans les cas où ces terres, ayant reçu des épandages de boues d'épuration urbaines ou industrielles, deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture en raison de la réalisation d'un risque sanitaire ou de la survenance d'un dommage écologique lié à l'épandage ; qu'aux termes du premier alinéa du II de cet article : " Le fonds mentionné au I est financé par une taxe annuelle due par les producteurs de boues et dont l'assiette est la quantité de matière sèche de boue produite. (...) " ; que le III de cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat en précise les conditions d'application ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 424-4 du code des assurances, pris pour l'application de ces dispositions législatives et issu du décret du 18 mai 2009 relatif à l'indemnisation des risques d'épandage agricole des boues d'épuration : " La matière sèche, dont le poids est l'assiette de la taxe prévue au II de l'article L. 425-1, est constituée à partir des boues ou matières assimilables mentionnées à l'article R. 424-1, dont sont déduits les réactifs incorporés pour la production et le traitement. Le montant de la taxe est fixé à 0,50 euros par tonne de matière sèche produite (...) " ; que l'article R. 424-1 du même code, auquel l'article R. 424-4 renvoie, précise que les boues d'épuration, urbaines ou industrielles, dont l'épandage sur des terres agricoles donne lieu à l'intervention du fonds de garantie, sont les suivantes : " 1° Boues issues des stations de traitement des eaux usées domestiques, déclarées ou autorisées au titre de la rubrique 2. 1. 1. 0 de la nomenclature prévue à l'article R. 424-1 du code de l'environnement ; 2° Boues issues du traitement des eaux industrielles, produites par des installations classées pour la protection de l'environnement appartenant aux branches répertoriées C10 (industrie alimentaire) et C17 (industrie du papier et de la cartonnerie) de la nomenclature des activités françaises établie en application du décret n° 92-1129 du 2 octobre 1992 ; 3° Matières assimilables à des boues domestiques, non issues d'installations visées aux 1° et 2°, dont l'épandage est déclaré ou autorisé au titre de la rubrique 2. 1. 3. 0 de la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement " ;

3. Considérant que le syndicat professionnel Confédération des Producteurs de Papiers, Cartons et Celluloses (COPACEL) et les sociétés Arjowiggins, Emin Leydier, Greenfield, International Paper France et Norske Skog Golbey demandent, en premier lieu, l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite opposé à leur demande tendant à l'abrogation des dispositions précitées de l'article R. 424-4, ainsi que l'abrogation de celles-ci ; qu'ils demandent, en second lieu, l'annulation du refus implicite opposé à leur demande tendant à l'abrogation de l'instruction fiscale 3P-1-10 du 20 avril 2010, relative à la taxe destinée à financer le fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues d'épuration urbaines ou industrielles, en ce qu'elle mentionne la matière sèche de boue produite dans les paragraphes relatifs aux opérations imposables, aux personnes imposables, à la base d'imposition, à l'exigibilité et au taux de cette taxe ; que ces dispositions de l'instruction, dont ils demandent également l'abrogation, présentent un caractère impératif ;

4. Considérant que lorsque, postérieurement à l'introduction d'une requête dirigée contre un refus d'abroger une instruction fiscale, l'autorité qui a pris cette instruction procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de ce refus d'abroger perd son objet ; qu'il en va toutefois différemment lorsque cette même autorité reprend, dans une nouvelle instruction, les dispositions qu'elle abroge, sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme ; que, si l'instruction 3P-1-10 du 20 avril 2010 a été abrogée à compter du 12 septembre 2012, les paragraphes contestés de cette instruction ont été repris au bulletin officiel des finances publiques à la rubrique impôts (BOFiP-Impôts) sous la référence BOFiP-TCA-BEU ; que, par suite, il y a lieu de statuer sur les conclusions des requérants dirigées contre le refus d'abroger cette instruction ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus implicite opposé aux demandes d'abrogation présentées par les requérants :

5. Considérant que les requérants doivent être regardés comme ne soulevant plus dans le dernier état de leurs écritures qu'un seul moyen, tiré de ce que les dispositions de l'article R. 424-4 du code des assurances et de l'instruction 3P-1-10 du 20 avril 2010, qui visent toutes les boues produites, sans distinction selon qu'elles ont fait ou non l'objet d'une autorisation d'épandage, vont au-delà des dispositions de l'article L. 425-1 du même code, telles qu'elles ont été déclarées par le Conseil constitutionnel conformes à la Constitution, sous une réserve d'interprétation, et sont en conséquence, dans cette mesure, illégales ; qu'ils font valoir que le refus implicite opposé à leurs demandes d'abrogation est, dans la même mesure, illégal ;

6. Considérant que, pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition ;

7. Considérant qu'il résulte de la réserve d'interprétation, dont la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-251 QPC du 8 juin 2012 a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du paragraphe II de l'article L. 425-1 du code des assurances, que la taxe instituée par cet article doit exclusivement être assise sur les boues d'épuration urbaines ou industrielles que le producteur a l'autorisation d'épandre ; que, conformément à cette réserve d'interprétation, ces dispositions législatives doivent être entendues comme impliquant que les producteurs de boues d'épuration ne peuvent se voir réclamer cette taxe qu'à raison des boues qu'ils ont l'autorisation d'épandre et dans la limite des seules quantités prévues par cette autorisation ;

8. Considérant que l'article R. 424-4 du code des assurances, qui reprend les termes de l'article L. 425-1, ne limite pas l'assiette de la taxe aux seules boues qui font l'objet d'une autorisation préfectorale d'épandage ; qu'il en va de même de l'instruction 3P-1-10 du 20 avril 2010 de la directrice de la législation fiscale, qui a pour objet de commenter les dispositions de l'article 302 bis ZF du code général des impôts ; que, dès lors, le syndicat professionnel Confédération des Producteurs de Papiers, Cartons et Celluloses (COPACEL), la société Arjowiggins, la société Emin Leydier, la société Greenfield, la société International Paper France et la société Norske Skog Golbey sont fondés à soutenir que les décisions de refus implicite opposées à leurs demandes tendant à l'abrogation de l'article R. 424-4 du code des assurances et de l'instruction 3P-1-10 du 20 avril 2010 sont illégales, dans la mesure où elles se rapportent aux dispositions qui étendent l'assiette de la taxe au-delà des seules boues qui font l'objet d'une autorisation d'épandage ; que le surplus de leurs conclusions doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'abrogation par le Conseil d'Etat des dispositions contestées :

9. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de prononcer l'abrogation des dispositions contestées ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros à verser aux requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les décisions de refus implicite opposées aux demandes présentées par le syndicat professionnel Confédération des Producteurs de Papiers, Cartons et Celluloses (COPACEL), la société Arjowiggins, la société Emin Leydier, la société Greenfield, la société International Paper France et la société Norske Skog Golbey tendant à l'abrogation de l'article R. 424-4 du code des assurances et de l'instruction 3P-1-10 du 20 avril 2010 de la directrice de la législation fiscale sont, dans la mesure mentionnée dans les motifs de la présente décision, annulées.

Article 2 : L'Etat versera au syndicat professionnel Confédération des Producteurs de Papiers, Cartons et Celluloses (COPACEL), à la société Arjowiggins, à la société Emin Leydier, à la société Greenfield, à la société International Paper France et à la société Norske Skog Golbey, la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat professionnel Confédération des Producteurs de Papiers, Cartons et Celluloses (COPACEL), à la société Arjowiggins, à la société Emin Leydier, à la société Greenfield, à la société International Paper France, à la société Norske Skog Golbey, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351252
Date de la décision : 20/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2013, n° 351252
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351252.20130320
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