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25/03/2013 | FRANCE | N°353427

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 25 mars 2013, 353427


Vu l'ordonnance n° 1100302 du 10 octobre 2011, enregistrée le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Denis a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la société Ecran Sud ;

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2011 au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis, présentée par la société Ecran Sud, dont le siège est 79, rue Pasteur à Saint-Denis (97405), représentée par son géran

t en exercice ; la société Ecran Sud demande au Conseil d'Etat :

1°) d'an...

Vu l'ordonnance n° 1100302 du 10 octobre 2011, enregistrée le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Denis a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la société Ecran Sud ;

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2011 au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis, présentée par la société Ecran Sud, dont le siège est 79, rue Pasteur à Saint-Denis (97405), représentée par son gérant en exercice ; la société Ecran Sud demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 162 du 12 janvier 2011 de la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique refusant de lui délivrer l'autorisation préalable pour la création d'un établissement de 10 salles et 1 652 places à l'enseigne "Cinépalmes" à Saint-Pierre (La Réunion) ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer de nouveau sur sa demande dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code du cinéma et de l'image animée ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu le décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009 ;

Vu le décret n° 2011-921 du 1er août 2011 ;

Vu l'arrêté du 5 décembre 2008 pris pour l'application du III de l'article R. 752-7 du code de commerce et relatif à la demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Guichon, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la société Foncière de la plaine et de la société Mascareignes Kino ,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la société Foncière de la Plaine et de la société Mascareignes Kino ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

1. Considérant que la société foncière de la Plaine et la société Mascareignes Kino ont intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;

2. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 752-51 du code de commerce : " (...) Le commissaire du gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission nationale. (...) " ; que ces avis sont au nombre des actes dont la validité est subordonnée à la signature par une personne habilitée à engager le ministre concerné ;

3. Considérant que le moyen tiré de ce que la sous-directrice de la qualité du cadre de vie n'avait pas compétence pour signer l'avis transmis à la commission nationale au nom du ministre chargé de l'écologie manque en fait ;

4. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

5. Considérant que si la société requérante soutient que le directeur du cabinet du ministre de la culture n'était pas compétent pour signer, au nom du ministre, l'avis transmis à la Commission nationale d'aménagement commercial par lequel le ministre s'appropriait, comme il pouvait le faire, l'analyse de la directrice du Centre national du cinéma et de l'image animée, il ressort des pièces du dossier que, en l'espèce, cette irrégularité, à la supposer établie, est en tout état de cause restée sans influence sur la légalité de la décision attaquée et n'a pas privé les intéressés d'une garantie ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'avis du ministre chargé de la culture aurait été irrégulièrement émis doit être écarté ;

6. Considérant que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en l'espèce, en se fondant notamment sur le risque que ferait courir une augmentation brutale des salles supplémentaires à Saint-Pierre pour la pérennité des cinémas de proximité à Saint-Pierre et Saint-Louis, compte tenu de la taille du marché local cinématographique et de la similitude du projet du pétitionnaire avec celui présenté par la société foncière de la Plaine et la société Mascareignes Kino qu'elle venait d'autoriser, ainsi que sur la localisation du projet en cause en périphérie de la ville, sans desserte effective autre qu'en véhicules individuels, la commission nationale a satisfait à cette obligation ; que le moyen tiré d'une motivation insuffisante de la décision attaquée doit donc être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 30-1 du code de l'industrie cinématographique, résultant de l'article 105 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, depuis lors codifié à l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée que la qualité des services offerts. " ; qu'aux termes de l'article 30-3 du même code, désormais codifié à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée : " Dans le cadre des principes définis à l'article 30-1, la commission d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement contractés en application de l'article 90 de la loi n° 82-52 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet. " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article 30-3 du code de l'industrie cinématographique, désormais codifié à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d'équipements en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet ;

9. Considérant que pour refuser d'autoriser le projet de création d'un établissement de dix salles de cinéma dans la ZAC dite de " Canabady ", la commission nationale a estimé que le projet en cause d'une part porterait atteinte à la diversité de l'offre cinématographique compte tenu de l'autorisation qui venait d'être accordée pour l'ouverture d'un complexe de dix salles de cinéma dans le centre-ville de Saint-Pierre, et, d'autre part, compromettrait l'objectif d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme eu égard à sa localisation et à ses caractéristiques architecturales et environnementales ;

10. Considérant, d'une part, que si le projet en cause aurait eu pour effet d'augmenter d'un total de vingt salles l'offre cinématographique dans la zone d'influence concernée compte tenu de l'autorisation, que venait d'accorder la commission nationale, d'ouvrir un ensemble de dix salles de cinéma dans le centre-ville de Saint-Pierre, il ressort des pièces du dossier que la création d'un second ensemble de dix salles supplémentaires dans cette agglomération de 271 000 habitants, où l'offre cinématographique était jusqu'alors très limitée, était de nature à augmenter l'offre cinématographique en termes de sièges, d'oeuvres diffusées et d'accès du public à ces dernières ; qu'ainsi le motif tiré de l'atteinte à la diversité cinématographique était erroné et ne saurait, par suite, être légalement retenu pour fonder la décision attaquée ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'ensemble des avis recueillis au cours de la procédure, que le projet concerné, qui se situe dans une zone située à la périphérie de la commune, dont la vocation est essentiellement commerciale et qui n'est accessible qu'en véhicule automobile, est susceptible de nuire à l'animation culturelle et à l'équilibre de l'agglomération de Saint-Pierre en favorisant l'extension de l'agglomération et en nuisant à l'animation du centre ville ; que le projet présente en outre une qualité architecturale et environnementale insuffisante ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commission nationale aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet compromettait l'objectif d'aménagement culturel du territoire et de qualité de l'urbanisme et de l'environnement doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commission nationale aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur le second motif qui, à lui seul, était de nature à justifier la décision prise ; que dès lors la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de la société foncière de la Plaine et la société Mascareignes Kino est admise.

Article 2 : La requête de la société Ecran Sud est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ecran Sud, à la société foncière de la Plaine, à la société Mascareignes Kino, à la Commission nationale d'aménagement commercial-cinéma et au centre national du cinéma et de l'image animée.

Copie en sera adressée au médiateur du cinéma et la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 353427
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2013, n° 353427
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Guichon
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:353427.20130325
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