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10/04/2013 | FRANCE | N°367014

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 avril 2013, 367014


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fédération Réseau Sortir du Nucléaire, dont le siège est 9 rue Dumenge à Lyon (69004), représentée par son coordinateur général en exercice, l'association Alsace Nature, dont le siège est situé 8 rue Adèle Riton à Strasbourg (67000), représentée par son président en exercice, l'association Stop Transports - Halte au Nucléaire, dont le siège est 5 rue de Mundolsheim à Schiltigheim (67300), représentée par son président en exercice, l'association Stop Fessenhe

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Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fédération Réseau Sortir du Nucléaire, dont le siège est 9 rue Dumenge à Lyon (69004), représentée par son coordinateur général en exercice, l'association Alsace Nature, dont le siège est situé 8 rue Adèle Riton à Strasbourg (67000), représentée par son président en exercice, l'association Stop Transports - Halte au Nucléaire, dont le siège est 5 rue de Mundolsheim à Schiltigheim (67300), représentée par son président en exercice, l'association Stop Fessenheim, dont le siège est 13 rue Berthe Molly à Colmar (68000), représentée par son président en exercice, l'association pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, dont le siège est 16 chemin de la Croisette à Freconrupt (67130), représentée par son président en exercice ; les associations requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision n° 2011-DC-0231 du 4 juillet 2011 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) fixant à la société Electricité de France (EDF) les prescriptions complémentaires applicables au site électronucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin), de la décision du 19 décembre 2012 par laquelle l'ASN a donné son accord pour la mise en oeuvre du renforcement du radier du réacteur n° 1 de cette centrale, ainsi que de la décision implicite par laquelle elle a refusé de retirer ou d'abroger ces décisions ;

2°) de mettre à la charge de l'ASN la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie eu égard à l'imminence de la réalisation des travaux ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- ces décisions sont entachées d'un vice de procédure dès lors que les travaux prescrits entraînent une modification notable de la structure de l'installation ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation ou d'une erreur manifeste, dès lors qu'elles entrent en contradiction avec la décision de fermeture de cette installation et sont susceptibles de porter atteinte à la santé et à la sécurité publique ;

Vu les décisions dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ces décisions ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2013, présenté par l'ASN, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- les travaux en cause ne constituent pas une modification notable au regard de l'autorisation initiale ;

- les décisions ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'aucun arrêt définitif de démantèlement n'est entré en vigueur et que l'exécution de ces décisions n'est pas susceptible de porter atteinte à la santé et à la sécurité publiques ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2013, présenté pour la société Electricité de France, qui conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés par l'ASN et demande en outre que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les observations, enregistrées le 5 avril 2013, présentées par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Vu l'intervention, enregistrée le 5 avril 2013, présentée pour la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, la fédération chimie énergie CFDT, la fédération de l'énergie et des mines FO et la fédération CFE-CGC Energies ; elles demandent que le Conseil d'Etat rejette la requête ; elles soutiennent que :

- leur intervention est recevable ;

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la fédération Réseau Sortir du Nucléaire, l'association Alsace Nature, l'association Stop Transports - Halte au Nucléaire, l'association Stop Fessenheim, l'association pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, d'autre part, l'Autorité de sûreté nucléaire, la société Electricité de France, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CDT et autres ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 avril 2013 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boré, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la fédération Réseau Sortir du Nucléaire et autres ;

- les représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire ;

- Me Coutard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Electricité de France ;

- les représentants de la société Electricité de France ;

- le représentant du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que, par une décision du 4 juillet 2011, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a prescrit à la société Electricité de France (EDF) la réalisation de travaux sur le site électronucléaire de Fessenheim en vue, notamment, de renforcer la résistance du radier du réacteur n° 1 en cas d'accident grave et d'améliorer la sûreté de l'installation ; que, par une décision du 19 décembre 2012, l'ASN a donné son accord pour la mise en oeuvre des modifications matérielles prévues à cette fin par EDF ; que la fédération Réseau Sortir du Nucléaire et les autres associations requérantes demandent la suspension de l'exécution de ces décisions, ainsi que de la décision implicite de rejet qui serait née, selon elles, du silence gardé par l'ASN sur leur demande du 14 février 2013 tendant au retrait ou à l'abrogation de ces décisions ;

Sur l'intervention de la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT et autres :

3. Considérant qu'eu égard à son caractère accessoire par rapport au litige principal, une intervention, aussi bien en demande qu'en défense, n'est recevable au titre d'une procédure de suspension qu'à la condition que son auteur soit également intervenu dans le cadre de l'action principale ;

4. Considérant que la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CDT et les autres organisations syndicales qui sont intervenues en demandant le rejet de la requête à fin de suspension ne justifient ni même n'allèguent être intervenues en défense contre la requête à fin d'annulation présentée par la fédération Réseau Sortir du Nucléaire et autres ; qu'ainsi leur intervention est, en tout état de cause, irrecevable ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il n'apparaît pas, au vu des indications fournies tant dans le cadre de la procédure écrite que lors de l'audience de référé, que les travaux prescrits par les décisions litigieuses pourraient être regardés comme constituant une modification notable de l'installation, au sens des dispositions du 3° du I de l'article L. 593-14 du code de l'environnement et de l'article 31 du décret du 2 novembre 2007, ou n'assureraient pas la protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants, dont les principes sont fixés par l'article L. 1333-1 du code de la santé publique ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que les travaux en cause n'auraient pu être décidés qu'au terme de la procédure prévue en cas de modification notable et compromettraient la santé des travailleurs appelés à les réaliser ne sont pas, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute quant à la légalité de ces décisions ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aussi longtemps qu'aucun décret de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement n'est intervenu, après la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 593-25 du code de l'environnement, une installation nucléaire de base est autorisée à fonctionner, dans des conditions de sûreté auxquelles il incombe à l'ASN de veiller en vertu de l'article L. 592-1 du même code ; que les déclarations du Président de la République invoquées par les associations requérantes et la décision de créer une délégation interministérielle à la fermeture de cette centrale et à la reconversion du site ne sauraient tenir lieu du décret prévu par l'article L. 593-25 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'ASN aurait dû revenir sur ses décisions à la suite de ces déclarations et de la décision créant cette délégation n'est pas non plus propre à faire naître un tel doute ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de la fédération Réseau Sortir du Nucléaire et autres doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Electricité de France ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'intervention de la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, de la fédération chimie énergie CFDT, de la fédération de l'énergie et des mines FO et de la fédération CFE-CGC Energies n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la fédération Réseau Sortir du Nucléaire et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Electricité de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la fédération Réseau Sortir du Nucléaire premier requérant dénommé, à l'Autorité de sûreté nucléaire, à la société Electricité de France, à la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, premier intervenant dénommé et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Les autres requérants et intervenants seront informés de la présente décision, respectivement par la SCP Boré et Salve de Bruneton et par la SCP Baraduc et Duhamel, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représentent devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 367014
Date de la décision : 10/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - INCIDENTS - INTERVENTION EN DEMANDE OU EN DÉFENSE - CARACTÈRE ACCESSOIRE PAR RAPPORT AU LITIGE PRINCIPAL - CONSÉQUENCE - RECEVABILITÉ - CONDITION - AUTEUR DE L'INTERVENTION ÉGALEMENT INTERVENU DANS LE CADRE DE L'ACTION PRINCIPALE [RJ1].

54-035-02 Eu égard à son caractère accessoire par rapport au litige principal, une intervention, aussi bien en demande qu'en défense, n'est recevable au titre d'une procédure de référé suspension qu'à la condition que son auteur soit également intervenu dans le cadre de l'action principale.

PROCÉDURE - INCIDENTS - INTERVENTION - RECEVABILITÉ - INTERVENTION EN DEMANDE OU EN DÉFENSE - CARACTÈRE ACCESSOIRE PAR RAPPORT AU LITIGE PRINCIPAL - CONSÉQUENCE - RECEVABILITÉ AU TITRE D'UNE PROCÉDURE DE RÉFÉRÉ SUSPENSION - CONDITION - AUTEUR DE L'INTERVENTION ÉGALEMENT INTERVENU DANS LE CADRE DE L'ACTION PRINCIPALE [RJ1].

54-05-03-01 Eu égard à son caractère accessoire par rapport au litige principal, une intervention, aussi bien en demande qu'en défense, n'est recevable au titre d'une procédure de référé suspension qu'à la condition que son auteur soit également intervenu dans le cadre de l'action principale.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, juge des référés, 14 septembre 2010, French Data Network, n° 342406, inédite au Recueil.

Rappr., dans le cas d'une intervention en demande, CE, juge des référés, 11 octobre 2007, Belbachir, n° 309369, T. pp. 1009-1019 ;

dans le cas d'une demande de suspension présentée par un préfet en application de l'article L. 554-3 du code de justice administrative, CE, Président de la section du contentieux, 17 mai 2006, Commune de Wissous, n° 293110, p. 253.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2013, n° 367014
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP BARADUC, DUHAMEL ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:367014.20130410
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