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22/04/2013 | FRANCE | N°347883

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 22 avril 2013, 347883


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mars et 28 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE01210 du 13 juillet 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0707259 du 10 février 2009 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Sèvres à l'indemniser de l'aggra

vation des préjudices résultant de la faute médicale commise lors de l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mars et 28 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE01210 du 13 juillet 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0707259 du 10 février 2009 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Sèvres à l'indemniser de l'aggravation des préjudices résultant de la faute médicale commise lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie au sein de cet établissement le 9 novembre 1988 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Sèvres la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Boré et Salve de Bruneton, son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de Mme B... et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal de Sèvres,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de Mme B...et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal de Sèvres ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion d'une opération pratiquée le 9 novembre 1988 au centre hospitalier intercommunal de Sèvres, Mme B... a subi une anoxie cérébrale dont elle conserve des séquelles sous la forme d'un syndrome de Lance et Adams, caractérisé par des myoclonies d'action et d'intention provoquant des tremblements incontrôlables des membres inférieurs et supérieurs ; que le tribunal administratif de Paris, par des jugements des 2 mars 1994 et 21 juin 1995, et la cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt du 7 mai 1996, ont retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier intercommunal de Sèvres et mis à la charge de cet établissement l'indemnisation de Mme B...au titre des frais engagés, de la perte de revenus professionnels et des préjudices personnels ; que, par une décision du 27 septembre 1999, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 7 mai 1996 en tant qu'il statuait sur la perte de revenus professionnels puis, réglant l'affaire au fond sur ce point, évalué ce préjudice à la somme de 650 000 francs, en retenant que l'intéressée ne se trouvait pas dans l'impossibilité définitive d'exercer une activité professionnelle ; que Mme B... a, par la suite, invoqué une aggravation de son état pour demander au tribunal administratif de Versailles de lui accorder des indemnités complémentaires ; que cette demande a été rejetée par un jugement du 10 février 2009, confirmé par un arrêt du 13 juillet 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles, contre lequel l'intéressée se pourvoit en cassation ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., née en 1949, demandait la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Sèvres à lui verser une indemnité au titre des frais afférents à l'assistance d'une tierce personne, dont elle affirmait qu'elle était devenue nécessaire postérieurement à l'examen de son précédent recours, en raison de l'effet combiné du syndrome de Lance et Adams et de son avancée en âge ; qu'en rejetant cette demande au motif que l'instruction n'avait pas mis en évidence une aggravation du syndrome neurologique imputable aux fautes commises par le centre hospitalier intercommunal de Sèvres, sans rechercher si ce syndrome n'avait pas eu pour conséquence directe une perte d'autonomie caractérisant, à un âge anormalement précoce, une aggravation de son préjudice imputable à l'opération subie en 1988, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ;

3. Considérant qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., qui soutenait être désormais inapte à toute activité professionnelle, demandait à être indemnisée des pertes de revenus correspondantes ; que l'arrêt attaqué rappelle qu'il résulte de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 27 septembre 1999 qu'une telle incapacité n'était pas alors constituée, puis énonce que l'intéressée " n'apporte aucun élément de nature à établir que l'évolution ultérieure de son état de santé, en lien direct et exclusif avec le syndrome de Lance et Adams, l'aurait rendue inapte à toute activité professionnelle " ; que, toutefois, alors que l'indemnisation allouée en 1999 reposait sur un taux d'incapacité permanente partielle fixé le 24 octobre 1992 à 25% par le docteur Prochiantz dans le cadre d'une expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, Mme B...produisait à l'appui de son nouveau recours deux avis médicaux, émanant des docteurs Guédan et Bondeelle, qui concluaient respectivement à des taux d'incapacité permanente partielle de 80 et de 70%, ainsi que des attestations relatives aux répercussions articulaires et psychologiques de la persistance à long terme de ses myoclonies ; qu'elle produisait également un document audiovisuel duquel il ressortait que, du fait de ces myoclonies, elle se trouvait dans l'impossibilité d'exécuter seule la plupart des gestes de la vie courante, y compris la marche, les repas ou l'écriture ; que ses affirmations relatives à l'étendue de son handicap n'étaient pas contredites par l'expertise confiée le 25 février 2004 par le juge des référés du tribunal administratif de Paris au docteur Reignier ; que, dans ces conditions, la cour n'a pu, sans dénaturer ces éléments, juger que l'évolution des conséquences du syndrome de Lance et Adams n'avait pas entraîné, postérieurement à l'examen du premier recours de l'intéressée, une incapacité professionnelle totale ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué ;

5. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Sèvres la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Boré et Salve de Bruneton, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 juillet 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal de Sèvres versera à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de MmeB..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au centre hospitalier intercommunal de Sèvres et à la société hospitalière d'assurances mutuelles.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 347883
Date de la décision : 22/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-04-01-01 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. RÉPARATION. PRÉJUDICE. ABSENCE OU EXISTENCE DU PRÉJUDICE. - PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LA FAUTE D'UN CENTRE HOSPITALIER - PRÉJUDICE INDEMNISÉ - DEMANDE D'INDEMNITÉ COMPLÉMENTAIRE EN RAISON DE L'AGGRAVATION DES TROUBLES - CARACTÈRE INDEMNISABLE, À CE TITRE, D'UNE PERTE D'AUTONOMIE À UN ÂGE ANORMALEMENT PRÉCOCE - EXISTENCE.

60-04-01-01 Cas de la victime d'une faute médicale ayant eu pour conséquence un syndrome neurologique qui sollicite, après avoir été indemnisée de son préjudice, une indemnisation complémentaire en raison d'une aggravation de ce dernier. Constitue une aggravation du préjudice pouvant ouvrir droit à une indemnisation complémentaire la circonstance que le syndrome, bien que ne s'étant pas lui-même aggravé, ait eu pour conséquence directe une perte d'autonomie à un âge anormalement précoce.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2013, n° 347883
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:347883.20130422
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