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22/05/2013 | FRANCE | N°341390

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 22 mai 2013, 341390


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 8 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE00126 du 11 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant que, après avoir annulé l'ordonnance n° 0612281 du 12 novembre 2008 du président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Versailles qui avait rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 avril 2006 de l'inspectrice du travail de

la 9ème section des Hauts-de-Seine autorisant la société Saint-Gobain...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 8 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE00126 du 11 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant que, après avoir annulé l'ordonnance n° 0612281 du 12 novembre 2008 du président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Versailles qui avait rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 avril 2006 de l'inspectrice du travail de la 9ème section des Hauts-de-Seine autorisant la société Saint-Gobain Glass France à le licencier et de la décision du 27 octobre 2006 du ministre du travail, il rejette cette demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Saint-Gobain Glass France une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Régis Fraisse, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon- Caen, Thiriez, avocat de M. A...et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Saint-Gobain Glass France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 28 avril 2006, l'inspectrice du travail de la 9ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Hauts-de-Seine, saisie d'une demande en ce sens par la société Saint-Gobain Glass France, a autorisé le licenciement pour faute de M.A..., qui exerçait les fonctions de responsable " développement verres coulés et verres étirés " et détenait des mandats de délégué syndical, de délégué du personnel et de représentant syndical au comité d'établissement ; qu'un recours gracieux contestant la compétence territoriale de l'inspectrice du travail a été rejeté par une décision du 16 juin 2006 ; que, par une décision du 27 octobre 2006, le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par M. A...contre la décision du 28 avril 2006 ; que, par une ordonnance du 12 novembre 2008, le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté pour tardiveté la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions autorisant son licenciement ; que M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant que, après avoir annulé l'ordonnance du 12 novembre 2008, il a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par sa décision du 28 avril 2006, l'inspectrice du travail a estimé que le refus par M. A... d'effectuer des missions qui lui étaient confiées, accompagné d'actes d'insubordination, constituait une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu notamment de sa position hiérarchique, du préjudice de l'entreprise, ainsi que de la nature persistante et répétée de son comportement ; qu'elle a toutefois écarté comme n'étant pas établi le second grief de son employeur, qui reprochait à M. A...une attitude de dénigrement vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues, de l'entreprise et du groupe ; que, pour rejeter le recours hiérarchique de l'intéressé, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ne s'est également fondé que sur le premier grief reproché au salarié ; que, par suite, en jugeant que l'autorisation de licenciement était fondée non seulement sur le refus par l'intéressé d'effectuer les missions qui lui étaient confiées mais également sur le dénigrement systématique de la stratégie de l'entreprise et que ces faits étaient constitutifs de fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation des décisions autorisant son licenciement ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et, compte tenu de l'annulation de l'ordonnance du 12 novembre 2008 du président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Versailles par l'article 1er de l'arrêt de la cour, de statuer sur la demande de M. A...devant le tribunal administratif ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 412-5 du code du travail : " Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement " ; que le site d'Aubervilliers de la société Saint-Gobain Glass France où était affecté M. A...ne pouvait, eu égard à son manque d'autonomie par rapport au siège social de l'entreprise situé à Courbevoie, être regardé comme un établissement, au sens des dispositions précitées du code du travail ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence territoriale de l'inspectrice du travail de Nanterre doit être écarté ; qu'il en est de même du moyen tiré de l'incompétence de l'inspectrice du travail qui a rejeté le recours gracieux de l'intéressé, dès lors qu'un tel moyen, critiquant le vice propre dont serait entaché ce rejet, ne peut être utilement invoqué au soutien de la demande d'annulation de l'autorisation de licenciement ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, si le requérant soutient que l'ordre du jour du comité d'établissement du 23 février 2006 qui a examiné son licenciement n'a pas été élaboré conjointement par le président et le secrétaire de ce comité, il ressort des pièces du dossier que l'ordre du jour sur ce point a été élaboré conformément aux prescriptions de l'article L. 434-3 du code du travail ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'alors même que la demande d'autorisation de licenciement ne mentionnait que deux des trois mandats détenus par M.A..., elle était accompagnée de diverses pièces, auxquelles elle renvoyait et qui faisaient état du troisième mandat, celui de représentant syndical au comité d'établissement ; que la décision de l'inspectrice du travail vise l'une de ces pièces ; qu'il ne ressort d'aucune de ses mentions, ni d'aucun de ses motifs, que l'inspectrice du travail n'aurait pas pris en compte les trois mandats détenus par M. A...; qu'ainsi, l'inspectrice du travail a été mise à même de procéder aux contrôles qu'elle était tenue d'exercer et a pris sa décision régulièrement ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a refusé à plusieurs reprises d'effectuer les tâches qui lui étaient demandées, notamment les déplacements inhérents à ses fonctions d'expert en verre coulé et verre étiré au sein de l'équipe d'assistance technique à la direction technique internationale ; que si, pour contester le caractère fautif de ces refus, M. A... soutient que ses fonctions d'expert lui auraient été confiées en 2002 en méconnaissance des stipulations de l'article 2 de l'annexe 2 de la convention collective nationale des industries de fabrication mécanique du verre, faute de notification écrite préalable, un tel moyen manque en fait, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces fonctions ont été confiées à M. A...par une note du 1er avril 1999, qui lui a été notifiée et dont il s'est prévalu à plusieurs reprises par la suite ; que les faits qui lui étaient reprochés étaient, eu égard à sa position hiérarchique, constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

10. Considérant, en dernier lieu, que, si M. A...soutient que le ministre a indiqué à tort, dans sa décision du 27 octobre 2006 rejetant son recours hiérarchique, qu'il était représentant syndical au comité d'" entreprise " alors qu'il était représentant syndical au comité d'établissement du siège social, un tel moyen, qui critique un vice propre dont serait entachée la décision du ministre, ne peut être utilement invoqué au soutien de la demande d'annulation de l'autorisation de licenciement ;

11. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions autorisant son licenciement ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Saint-Gobain Glass France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de ladite société présentées à ce même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 11 mai 2010 est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A...tendant à l'annulation des décisions autorisant son licenciement.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Saint-Gobain Glass France et de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la société Saint-Gobain Glass France.

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 341390
Date de la décision : 22/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2013, n° 341390
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Régis Fraisse
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:341390.20130522
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