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21/06/2013 | FRANCE | N°356515

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 21 juin 2013, 356515


Vu le pourvoi, enregistré le 6 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0900820 du 6 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à la SCI JPPS la somme de 16 859 euros, en réparation des préjudices subis par celle-ci au titre de la période comprise entre le

1er avril 2007 et le 28 février 2009, en raison du refus opposé ...

Vu le pourvoi, enregistré le 6 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0900820 du 6 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à la SCI JPPS la somme de 16 859 euros, en réparation des préjudices subis par celle-ci au titre de la période comprise entre le 1er avril 2007 et le 28 février 2009, en raison du refus opposé par le préfet de la Gironde à sa demande de concours de la force publique aux fins d'assurer l'exécution d'une ordonnance d'expulsion de l'occupant d'un bien lui appartenant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la SCI JPPS ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une ordonnance du 10 septembre 2001, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné l'expulsion de Mme B...A...d'un appartement situé 75 rue du général de Larminat à Bordeaux, dont la société JPPS avait fait l'acquisition en 2000 ; que cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 28 avril 2003 ; que Mme A...a formé le 3 juin 2008 un recours en révision contre cet arrêt en produisant un document établissant que, lors de l'acquisition de ce bien, la SCI JPPS s'était engagée à la laisser occuper son appartement ; que la cour d'appel de Bordeaux, par arrêt en date du 30 juin 2009, a fait droit à ce recours en révision et constaté que Mme A...n'était pas occupante sans droit ni titre ; que cette cour a, en conséquence, rétracté son arrêt du 28 avril 2003, infirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux du 10 septembre 2001 et débouté la SCI JPPS de sa demande d'expulsion ; qu'en réponse à la communication de la demande formée par la SCI JPPS tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice qu'elle avait subi du fait du refus d'accorder le concours de la force publique à l'expulsion de MmeA..., au titre de la période comprise entre le 1er avril 2007 et le 28 février 2009, le préfet de la Gironde a produit en défense devant le tribunal administratif de Bordeaux l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 30 juin 2009 ; que le tribunal administratif, estimant que cet arrêt n'était pas de nature à faire obstacle à l'engagement de la responsabilité de l'Etat, a condamné celui-ci à verser la somme de 16 859 euros au titre du refus de concours de la force publique opposé à la SCI JPPS ; que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : " L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation " ; que, toutefois, en jugeant que la circonstance que la cour d'appel de Bordeaux, rétractant son arrêt du 28 avril 2003, avait infirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux du 10 septembre 2001 et débouté la SCI JPPS de sa demande d'expulsion ne faisait pas légalement obstacle à l'engagement de la responsabilité de l'Etat au titre du refus de concours de la force publique, alors que, eu égard aux motifs et aux effets de cette rétractation, la SCI JPPS ne pouvait légitimement réclamer la réparation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi, le tribunal administratif de Bordeaux a entaché son jugement d'erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est fondé à en demander l'annulation ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par l'effet de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 30 juin 2009 déboutant la SCI JPPS de sa demande d'expulsion de MmeA..., l'Etat s'est trouvé exonéré de toute responsabilité pour refus de concours de la force publique à l'égard de cette société, qui ne pouvait légitimement prétendre à être indemnisée du préjudice qu'elle avait subi ; que, dès lors, les conclusions indemnitaires formées par la SCI JJPS tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice causé par le refus de lui accorder le concours de la force publique, au titre de la période comprise entre le 1er avril 2007 et le 28 février 2009, doivent être rejetées ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées, tant devant le tribunal administratif de Bordeaux que devant le Conseil d'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement n° 0900820 du tribunal administratif de Bordeaux du 6 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI JPPS devant le tribunal administratif de Bordeaux ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à la SCI JPPS.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 356515
Date de la décision : 21/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE - DEMANDE D'EXÉCUTION D'UNE DÉCISION DE JUSTICE AYANT FAIT L'OBJET D'UNE RÉTRACTATION PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE QUI L'AVAIT RENDUE - PRÉJUDICE INDEMNISABLE - ABSENCE - EU ÉGARD AUX MOTIFS ET AUX EFFETS DE LA RÉTRACTATION.

37-05-01 Demande d'exécution d'une décision de justice ayant fait l'objet d'une rétractation par la juridiction judiciaire qui l'avait rendue.,,,Eu égard aux motifs et aux effets de la rétractation, la personne au bénéfice de laquelle cette décision avait été rendue ne peut légitimement réclamer la réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de son inexécution.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE - DEMANDE D'EXÉCUTION D'UNE DÉCISION DE JUSTICE AYANT FAIT L'OBJET D'UNE RÉTRACTATION PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE QUI L'AVAIT RENDUE - PRÉJUDICE INDEMNISABLE - ABSENCE - EU ÉGARD AUX MOTIFS ET AUX EFFETS DE LA RÉTRACTATION.

60-02-03-01-03 Demande d'exécution d'une décision de justice ayant fait l'objet d'une rétractation par la juridiction judiciaire qui l'avait rendue.,,,Eu égard aux motifs et aux effets de la rétractation, la personne au bénéfice de laquelle cette décision avait été rendue ne peut légitimement réclamer la réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de son inexécution.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - PRÉJUDICE - ABSENCE OU EXISTENCE DU PRÉJUDICE - ABSENCE - DEMANDE D'EXÉCUTION D'UNE DÉCISION DE JUSTICE AYANT FAIT L'OBJET D'UNE RÉTRACTATION PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE QUI L'AVAIT RENDUE - PRÉJUDICE INDEMNISABLE - ABSENCE - EU ÉGARD AUX MOTIFS ET AUX EFFETS DE LA RÉTRACTATION.

60-04-01-01-01 Demande d'exécution d'une décision de justice ayant fait l'objet d'une rétractation par la juridiction judiciaire qui l'avait rendue.,,,Eu égard aux motifs et aux effets de la rétractation, la personne au bénéfice de laquelle cette décision avait été rendue ne peut légitimement réclamer la réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de son inexécution.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2013, n° 356515
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Gounin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:356515.20130621
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