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05/07/2013 | FRANCE | N°362630

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 05 juillet 2013, 362630


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 25 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204634 du 24 août 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision par laquelle le directeur général de l'aviation civile a implicitement re

jeté sa demande de poursuite de son activité au-delà de son 57ème anniv...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 25 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204634 du 24 août 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision par laquelle le directeur général de l'aviation civile a implicitement rejeté sa demande de poursuite de son activité au-delà de son 57ème anniversaire, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le maintenir en activité dans l'attente du jugement à intervenir sur le fond et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de l'autoriser à poursuivre provisoirement son activité sous réserve de son aptitude physique ou de réexaminer sa demande de poursuite d'activité dans des délais utiles à l'effectivité d'un maintien ou d'une réintégration ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

Vu la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 ;

Vu la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le directeur général de l'aviation civile a implicitement rejeté la demande formulée le 26 mars 2012 par M. A... B...tendant à ce qu'il soit autorisé à poursuivre son activité d'ingénieur du contrôle de la navigation aérienne au-delà de son 57ème anniversaire ; que, par une ordonnance du 24 août 2012 contre laquelle M. B...se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de suspension qu'il a présentée contre cette décision de rejet ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, dans sa rédaction issue du III de l'article 38 de la loi du 9 novembre 2010 : " La limite d'âge des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est fixée à cinquante-neuf ans, sans possibilité de report " ; qu'aux termes du XIX de l'article de la loi du 9 novembre 2010: " L'âge auquel la pension peut être liquidée par les agents mentionnés aux I à XVII du présent article évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l'article 22. La limite d'âge de ces agents évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l'article 28 et au II de l'article 31 (...) " ; qu'aux termes de l'article 31 de la même loi, dans sa rédaction issue de l'article 88 de la loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 : " I. - Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d'âge est inférieure à soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l'entrée en vigueur de la présente loi, la limite d'âge est fixée : / 1° A cinquante-sept ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-cinq ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1965 ; / 2° A cinquante-neuf ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-sept ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963 ; / 3° A soixante ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-huit ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962 ; / 4° A soixante et un ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à cinquante-neuf ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1961 ; / 5° A soixante-deux ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à soixante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1960 ; / 6° A soixante-quatre ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à soixante-deux ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1958. / II. - Cette limite d'âge est fixée par décret dans la limite respective des âges mentionnés au I pour les fonctionnaires atteignant avant le 1er janvier 2015 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite applicable antérieurement à la présente loi et, pour ceux atteignant cet âge entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2014, de manière croissante à raison : / 1° De quatre mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2011 ; / 2° De cinq mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le report de la limite d'âge, prévu par l'article 31 de la loi du 9 novembre 2010, s'applique aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne qui atteignent, à compter du 1er juillet 2011, l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite qui était applicable antérieurement à la loi du 9 novembre 2010, soit l'âge de 50 ans ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B..., qui est né le 14 octobre 1955, a atteint l'âge de 50 ans avant le 1er juillet 2011 ; qu'ainsi, en jugeant que le moyen tiré de ce que le directeur général de l'aviation civile aurait, en refusant la demande de maintien en activité présentée par M.B..., méconnu les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 en vigueur à la date de cette demande, n'était pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le juge des référés n'a, eu égard à son office, pas commis d'erreur de droit ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes, d'une part, de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 : " Les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne sont chargés d'assurer les services de la circulation aérienne dans les organismes de contrôle désignés dans les conditions fixées par le décret statutaire du corps et d'exécuter dans l'administration de l'aviation civile des missions d'encadrement, d'instruction, d'étude ou de direction de service ou de partie de service. / Le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est régi par un statut spécial fixé par décret en Conseil d'Etat, après avis du comité technique compétent. Ce statut peut, en raison des sujétions et des responsabilités exceptionnelles attachées aux fonctions de ces ingénieurs, déroger aux dispositions des articles 12 et 16 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à celles de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat " ; qu'il résulte de ces dispositions que les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne appartiennent à un corps classé en catégorie active de fonctionnaires civils et sont en principe régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; qu'aux termes, d'autre part, de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, dans sa rédaction issue de l'article 34 de la loi du 9 novembre 2010 : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique (...)" ;

4. Considérant que le dispositif général de maintien en activité prévu par l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 a pour objet de permettre le maintien en activité des fonctionnaires appartenant à des corps classés en catégorie active sans remettre en cause les limites d'âge propres à ces corps et résultant des dispositions à caractère statutaire qui leur sont propres ; que le droit du fonctionnaire au maintien en activité s'applique ainsi réserve faite des dispositions du statut spécial dont il relève qui auraient pour objet d'interdire la prolongation de son activité ; que les dispositions spéciales à caractère statutaire de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne s'opposent à tout prolongement de l'activité au-delà de la limite d'âge qu'il fixe ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 34 de la loi du 9 novembre 2010, qui ont pour seul objet de modifier l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 afin de tenir compte du passage progressif de 65 à 67 ans de l'âge légal de départ à la retraite sans en modifier le champ d'application, ne sont pas applicables aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ; que, par suite, en jugeant que le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les dispositions de l'article 34 de la loi 9 novembre 2010 n'était pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, le juge des référés n'a, eu égard à son office, pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, eu égard à l'office du juge des référés, et sauf lorsqu'est soulevée l'incompatibilité manifeste de dispositions législatives avec les règles du droit de l'Union européenne, un moyen pris de la contrariété de la loi à des engagements internationaux n'est pas, en l'absence d'une décision juridictionnelle ayant statué en ce sens, rendue soit par le juge administratif saisi au principal, soit par le juge compétent à titre préjudiciel, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte dont la suspension est demandée ; qu'eu égard à l'office que lui attribue les articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 fixant, dans leur rédaction alors applicable, la limite d'âge des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne à cinquante-sept ans sans possibilité de report ne font pas apparaître une méconnaissance manifeste de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 invoquée par M. B... et n'a été déclarée incompatibles avec les règles du droit de l'Union européenne ni par le juge saisi au principal ni par le juge compétent à titre préjudiciel ; que, par suite, en jugeant que n'était pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le moyen tiré de ce que la décision prise par le directeur général de l'aviation civile serait fondée sur une disposition législative incompatible avec les objectifs de cette directive, le juge des référés n'a, eu égard à son office, pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il découle de ce qu'il a été dit au point 4, que le moyen tiré de ce que le juge des référés aurait entaché son ordonnance de dénaturation en jugeant qu'il n'y avait pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée doit être écarté ;

7. Considérant, enfin, que si M. B...a soutenu devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille que la décision contestée méconnaissait les dispositions de l'article 34 de la loi du 9 novembre 2010 modifiant l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 relatif au dispositif général de maintien en activité des fonctionnaires au-delà de la limite d'âge prévue par leur statut de corps ou de cadre d'emplois, ce moyen était inopérant, l'article 34 de la loi précitée n'étant pas applicable, ainsi qu'il a été dit au point 4, aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ; qu'ainsi, l'absence de mention de ce moyen dans l'ordonnance attaquée n'a pas le caractère d'une insuffisance de motivation et n'est pas de nature à affecter la régularité de celle-ci ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le pourvoi, le juge des référés n'était pas tenu de mentionner l'argument venant au soutien du moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 avec les objectifs de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, tiré de ce que le rejet opposé par le directeur général de l'aviation civile aux demandes de poursuite d'activité des contrôleurs aériens au-delà du 57ème anniversaire était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 362630
Date de la décision : 05/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2013, n° 362630
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:362630.20130705
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