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07/11/2013 | FRANCE | N°360929

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 07 novembre 2013, 360929


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 février 2012 par lequel le maire de Paris a délivré un permis de construire à la SCI 1 rue de la Mire pour la réhabilitation d'un bâtiment situé 1, rue de la Mire. Par une ordonnance n° 1209284 du 25 juin 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de cet arrêté.



Procédure devant le Conseil d'Etat

1° Par un pourvoi sommaire et un mémoire co...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 février 2012 par lequel le maire de Paris a délivré un permis de construire à la SCI 1 rue de la Mire pour la réhabilitation d'un bâtiment situé 1, rue de la Mire. Par une ordonnance n° 1209284 du 25 juin 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de cet arrêté.

Procédure devant le Conseil d'Etat

1° Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 360929 les 10 et 23 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ville de Paris, représentée par Me Foussard, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1209284 du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 25 juin 2012 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. et MmeA... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2012, M. et Mme A..., représentés par Me Brouchot, concluent au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une intervention, enregistrée le 7 février 2013, la SCI 1 rue de la Mire, représentée par la SCP Delaporte, Briard, Trichet, demande que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions du pourvoi de la ville de Paris.

2° Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 360956 les 11 juillet 2012, 25 juillet 2012 et 7 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI 1 rue de la Mire, représentée par la SCP Delaporte, Briard, Trichet, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1209284 du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 25 juin 2012 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. et MmeA... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A...la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2013, M. et MmeA..., représentés par Me Brouchot, concluent au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI 1 rue de la Mire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Versini-Monod, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole a été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la ville de Paris, à Me Brouchot, avocat de M. et MmeA..., et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SCI 1 rue de la Mire.

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il y a lieu de joindre, pour statuer par une seule décision, les pourvois de la ville de Paris et de la SCI 1 rue de la Mire dirigés contre la même ordonnance du 25 juin 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution du permis de construire délivré par le maire de Paris le 15 février 2012 en vue de la réhabilitation d'un bâtiment situé 1, rue de la Mire dans le 18e arrondissement de Paris.

Sur la prétendue intervention de la SCI 1 rue de la Mire au soutien du pourvoi de la ville de Paris :

2. La SCI 1 rue de la Mire, partie à l'instance devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, avait qualité pour se pourvoir en cassation contre l'ordonnance attaquée et a d'ailleurs saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation dans le délai de recours contentieux. Par suite, le mémoire qu'elle a présenté à l'appui du pourvoi de la ville de Paris a le caractère non d'une intervention mais d'un nouveau mémoire à l'appui de son propre pourvoi.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. En premier lieu, l'article R. 742-2 du code de justice administrative, qui dispose que " Les ordonnances mentionnent (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application " et qui est applicable aux ordonnances des juges des référés en vertu de l'article R. 522-11 du même code, ne faisait pas obligation au juge des référés du tribunal administratif de Paris, qui avait visé le code de l'urbanisme, de viser en outre les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris.

4. En second lieu, le juge des référés a précisé les éléments sur lesquels il se fondait pour estimer que l'affichage du permis de construire n'avait pas été de nature à faire courir le délai de recours contentieux et a désigné avec précision le moyen de la requête dont il considérait qu'il était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de son ordonnance doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête au fond :

5. Aux termes de l'articles R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ", qui prévoit que la mention du permis doit être affichée sur le terrain. En vertu de l'article A. 424-16 du même code, le panneau d'affichage du permis " indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; (...) ". En jugeant que le panneau apposé sur la façade de l'immeuble situé 1, rue de la Mire ne mentionnait pas la nouvelle hauteur de la construction et qu'aucune mention ne permettait d'apprécier cette hauteur avec une précision suffisante, et en en déduisant, compte tenu de la surélévation autorisée par le permis litigieux, que l'affichage n'avait pas été de nature à faire courir le délai de recours contentieux, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit et a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

En ce qui concerne l'appréciation de l'urgence :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

7. Si, en règle générale, l'urgence s'apprécie compte tenu des justifications fournies par le demandeur quant au caractère suffisamment grave et immédiat de l'atteinte que porterait un acte administratif à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre, il en va différemment de la demande de suspension d'un permis de construire pour laquelle, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où le bénéficiaire du permis ou l'autorité qui l'a délivré justifient de circonstances particulières tenant, notamment, à l'intérêt s'attachant à ce que la construction soit édifiée sans délai.

8. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés que ni la SCI 1 rue de La Mire ni la ville de Paris n'ont invoqué devant ce juge l'intérêt qui se serait attaché à l'exécution rapide des travaux autorisés par le permis litigieux. Par suite, en jugeant que la condition d'urgence était remplie au seul motif que les travaux avaient commencé et étaient susceptibles d'entraîner des conséquences difficilement réversibles, sans rechercher les conséquences que la suspension pouvait avoir pour la SCI 1 rue de la Mire, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit.

En ce qui concerne l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis litigieux :

9. Aux termes du 1° de l'article UG 8.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris, relatif aux façades comportant des baies constituant l'éclairement premier de pièces principales : " Lorsque des façades ou parties de façade de constructions en vis-à-vis sur un même terrain comportent des baies constituant l'éclairement premier de pièces principales, elles doivent être édifiées de telle manière que la distance de l'une d'elles au point le plus proche de l'autre soit au moins égale à 6 mètres. Toute pièce principale doit être éclairée par au moins une baie comportant une largeur de vue égale à 4 mètres au minimum. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la façade du bâtiment objet du permis litigieux est implantée à moins de 6 mètres de la façade de l'immeuble situé en vis-à-vis et que le permis autorise la création d'une baie en rez-de-chaussée et l'agrandissement d'une baie existante au premier étage. Eu égard aux caractéristiques des pièces dont ces baies constitueront l'éclairement premier, malgré les dénominations retenues par les plans joints au dossier de la demande de permis, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis litigieux, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que les travaux autorisés créeraient ou agrandiraient des baies constituant l'éclairement premier d'une pièce principale et ainsi aggraveraient la non-conformité des bâtiments existants aux règles de distance posées par l'article UG 8.1 du plan local d'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la ville de Paris et de la SCI 1 rue de la Mire tendant à l'annulation de l'ordonnance du 25 juin 2012 doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la ville de Paris et de la SCI 1 rue de la Mire le versement par chacune d'elles d'une somme de 1 500 euros à M. et MmeA... au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois de la ville de Paris et de la SCI 1 rue de la Mire sont rejetés.

Article 2 : La ville de Paris et la SCI 1 rue de la Mire verseront à M. et Mme A...une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris, à la SCI 1 rue de la Mire et à M. et MmeA....


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 360929
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2013, n° 360929
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Versini-Monod
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : FOUSSARD ; BROUCHOT ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360929.20131107
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