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08/11/2013 | FRANCE | N°372783

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 08 novembre 2013, 372783


Vu la requête, enregistrée le 14 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SARL Média Bonheur, représentée par son représentant légal, dont le siège est 5, rue de la Motte, BP 60 à Pléneuf Val André (22370) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 10 juillet 2013 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa candidature présentée dans le

cadre de l'appel aux candidatures du 24 juillet 2012 pour l'attribution de fréqu...

Vu la requête, enregistrée le 14 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SARL Média Bonheur, représentée par son représentant légal, dont le siège est 5, rue de la Motte, BP 60 à Pléneuf Val André (22370) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 10 juillet 2013 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa candidature présentée dans le cadre de l'appel aux candidatures du 24 juillet 2012 pour l'attribution de fréquences en vue de la diffusion d'un service de radio intitulé " Radio Bonheur " dans le ressort du Comité territorial de l'audiovisuel de Rennes, pour les zones de Brest, Lorient, Nantes et Rennes ;

2°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution des décisions nos 2013-585, 2013-586, 2013-588, 2013-590 ,2013-590, 2013-591, 2013-593 et 2013-595 du 10 juillet 2013 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la SARL Virgin Radio Réseau Nord, la SAS Radio Nostalgie Réseau, la SAS Radio Classique, la SA MFM Développement, la SA SERC, la SAS Rire et Chansons et la SAS Radio Nostalgie à diffuser des programmes de radio dans le ressort du Comité territorial de l'audiovisuel de Rennes, pour les zones de Brest, Lorient, Nantes et Rennes, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours en annulation introduit par ailleurs à leur encontre ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre sous astreinte, au Conseil supérieur de l'audiovisuel de réexaminer sa candidature pour l'attribution d'une fréquence au sein du ressort du Comité territorial de l'audiovisuel de Rennes, pour les zones de Brest, Lorient, Nantes et Rennes ;

4°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que les décisions contestées préjudicient de manière grave et immédiate à ses intérêts en ce qu'elles portent atteinte aux perspectives de développement de la société et engendrent des pertes significatives sur les recettes publicitaires ;

- le prononcé d'une suspension éviterait les perturbations qu'une annulation ultérieure ne manquerait pas de causer aux habitudes d'écoute des auditeurs de la zone desservie ou à l'exécution des contrats conclus par le bénéficiaire de l'autorisation ;

- il existe des doutes sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 dès lors que les conditions de quorum n'ont pas été respectées ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreurs d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des principes fixés par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 dès lors que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a considéré que les candidatures présentées par la société requérante étaient susceptibles d'intéresser un moins large public que les candidatures retenues ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreurs d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des principes fixés par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 dès lors que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a veillé ni à un juste équilibre entre réseaux nationaux et services locaux, régionaux et thématiques indépendants ni à la diversification des opérateurs et a l'interdiction des abus de position dominante ;

Vu les décisions dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation des décisions contestées présentée pour la SARL Média Bonheur ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2013, présenté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les allégations de la société requérante n'établissent en rien que les décisions en cause seraient de nature à préjudicier de manière grave et immédiate à ses intérêts, non plus qu'à un quelconque intérêt public ;

- il n'existe pas de moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées dès lors que la procédure ayant conduit à l'adoption des décisions contestées a été régulière en ce que huit membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel siégeaient lors de l'adoption de ces décisions ;

- le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas entaché d'erreurs d'appréciation ni d'une erreur de droit ses décisions du 10 juillet 2013, dès lors qu'il a veillé à concilier l'ensemble des impératifs prioritaires, critères et objectifs fixés par les dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre de 1986 ;

Vu les observations, enregistrées le 30 octobre 2013, présentées par la SA MFM Développement ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2013, présenté pour la SAS Radio Nostalgie Réseau, la SAS Radio Nostalgie et la SAS Rire et Chansons, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SARL Média Bonheur au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elles soutiennent que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- il n'existe pas de moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées dès lors que les motifs des décisions ne sont entachés d'aucune erreur d'appréciation ;

- les décisions contestées ne méconnaissent pas l'objectif de diversification des opérateurs posé par l'article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2013, présenté pour la SARL Virgin Radio Réseau Nord qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SARL Média Bonheur au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- il n'existe pas de moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées dès lors qu'elles ne sont pas entachées d'erreur d'appréciation ni d'erreur de droit ;

- les décisions contestées ne méconnaissent pas l'objectif de diversification des opérateurs posé par l'article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la SA SERC - Fun Radio et à la SAS Radio Classique ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 novembre 2013, présenté pour la SARL Média Bonheur, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Média Bonheur, d'autre part, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ainsi que la SARL Virgin Radio Réseau Nord, la SAS Radio Nostalgie Réseau, la SAS Radio Nostalgie, la SAS Rire et Chansons, la SAS Radio Classique, la SA MFM Développement et la SA SERC - Fun Radio ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 novembre 2013 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Média Bonheur ;

- les représentants de la société Média Bonheur ;

- les représentants du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

- Me Barthélemy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SARL Virgin Radio Réseau Nord ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SAS Radio Nostalgie Réseau, de la SAS Radio Nostalgie et de la SAS Rire et Chansons ;

- Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SAS Radio Classique ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l'audiovisuel " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (...) 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; (...) / Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part " ;

3. Considérant que, par une décision en date du 10 juillet 2013 prise sur le fondement des dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté la candidature de la SARL Média Bonheur pour l'exploitation d'un service radiophonique intitulé " Radio Bonheur " dans le ressort du Comité territorial de l'audiovisuel de Rennes, pour les zones de Brest, Lorient, Nantes et Rennes ; que, par des décisions du même jour, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a attribué de nouvelles fréquences dans ces zones à la SARL Virgin Radio Réseau Nord, à la SAS Radio Nostalgie Réseau, à la SAS Radio Classique, à la SA MFM Développement, à la SA SERC, à la SAS Rire et Chansons et à la SAS Radio Nostalgie ;

4. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

5. Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 10 juillet 2013, la société Média Bonheur fait valoir que l'exécution de ces décisions constituerait un obstacle sérieux pour ses perspectives de développement dans les zones de Brest, Lorient, Nantes et Rennes ; que ces décisions engendreraient des pertes significatives sur ses recettes publicitaires ; que l'utilisation des fréquences par les radios concurrentes ayant déjà commencé, il importe de suspendre l'utilisation de ces fréquences dans l'attente de la décision au fond ;

6. Considérant toutefois que si les décisions dont la suspension est demandée ont pour effet de priver la société Média Bonheur de possibilités de développement dans des zones dans lesquelles elle n'est pas présente, cette seule circonstance, alors d'ailleurs qu'aucun élément précis ne permet d'établir le préjudice économique invoqué, n'est pas de nature à porter une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts de la radio requérante ; qu'en outre, aucune circonstance n'apparaît de nature, en cas d'annulation pour excès de pouvoir des décisions contestées, à faire obstacle à la restitution des fréquences pour l'exécution de la chose jugée ; qu'ainsi l'exécution des décisions contestées n'entraîne pas, dans les circonstances de l'espèce, de conséquences suffisamment graves pour un intérêt public ou pour les intérêts qu'entend défendre la société Média Bonheur justifiant que l'exécution des décisions soit suspendue dans l'attente du jugement de la requête au fond ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence, requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour justifier la suspension immédiate des décisions contestées, n'étant pas remplie, la requête de la société requérante ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du même code ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge, sur le fondement de ces mêmes dispositions, la somme de 2 000 euros à verser, d'une part, à la SARL Virgin Radio et, d'autre part, à la SAS Radio Nostalgie Réseau, à la SAS Radio Nostalgie et à la SAS Rire et Chansons ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SARL Média Bonheur est rejetée.

Article 2 : la SARL Média Bonheur versera, d'une part, la somme de 2 000 euros à la SARL Virgin Radio et, d'autre part, la somme de 2 000 euros aux SAS Radio Nostalgie Réseau, à la SAS Radio Nostalgie et à la SAS Rire et Chansons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Média Bonheur, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la SARL Virgin Radio Réseau Nord, à la SAS Radio Nostalgie Réseau, à la SAS Radio Nostalgie, à la SAS Rire et Chansons, à la SAS Radio Classique, à la SA MFM Dévelopement et à la SA SERC - Fun Radio.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 372783
Date de la décision : 08/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 2013, n° 372783
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:372783.20131108
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