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13/12/2013 | FRANCE | N°358334

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 13 décembre 2013, 358334


Vu le pourvoi, enregistré le 6 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la commune de Piscop, représentée par son maire ; la commune de Piscop demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11VE02803 du 7 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant comme juridiction de renvoi après cassation sur l'appel de la SARL Partner dirigé contre le jugement n° 0305100/0305620/0509786/0510360/0510370 du 31 mai 2007 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'a condamnée à verser une indemnité de 1 594 915,

30 euros à cette société en réparation des préjudices ayant résulté p...

Vu le pourvoi, enregistré le 6 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la commune de Piscop, représentée par son maire ; la commune de Piscop demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11VE02803 du 7 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant comme juridiction de renvoi après cassation sur l'appel de la SARL Partner dirigé contre le jugement n° 0305100/0305620/0509786/0510360/0510370 du 31 mai 2007 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'a condamnée à verser une indemnité de 1 594 915,30 euros à cette société en réparation des préjudices ayant résulté pour elle, pendant la période comprise entre le 9 février 1995 et le 31 mai 2007, des arrêtés de péril dont ont fait l'objet des bâtiments lui appartenant, ainsi que d'une décision du maire du 23 décembre 1996 portant opposition à déclaration de travaux ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions devant la cour administrative d'appel de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Partner, le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour la commune de Piscop ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la commune de Piscop et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Partner, de la SCI la Piscopoise, du syndicat des copropriétaires du domaine de Châteauvert et de M. B... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Partner, la SCI la Piscopoise, le syndicat des copropriétaires du domaine de Châteauvert et M. A...B...ont recherché la responsabilité de la commune de Piscop au titre de décisions prises entre 1992 et 2005, par lesquelles son maire a déclaré des bâtiments leur appartenant en état de péril, s'est opposé à la réalisation de travaux sur ces bâtiments et a rejeté une demande de raccordement au réseau d'assainissement, ainsi qu'au titre de la volonté de nuire révélée, selon eux, par la réitération de ces décisions défavorables ; que si le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement du 31 mai 2007, a rejeté l'ensemble des demandes des requérants, la cour administrative d'appel de Versailles, par un premier arrêt du 28 mai 2009, a condamné la commune à verser à M. B... une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice ayant résulté pour lui de la décision du 23 décembre 1996 s'opposant illégalement au ravalement de plusieurs bâtiments ; que, par une décision n° 330107 du 18 juillet 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il ne se prononçait pas sur les dommages occasionnés à la SARL Partner par la décision du 23 décembre 1996 et en tant qu'il se prononçait sur les dommages occasionnés aux requérants par les autres décisions du maire de la commune de Piscop ; que, statuant sur renvoi par un arrêt du 7 février 2012, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que la responsabilité de la commune de Piscop était engagée au titre des arrêtés de péril pris entre 1995 et 2005 et de la décision du 23 décembre 1996 et condamné cette commune à verser à la SARL Partner une indemnité de 1 594 915,30 euros en réparation des préjudices résultant de ces décisions ; que la commune de Piscop se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Piscop faisait notamment valoir que les décisions illégales du maire de Piscop n'étaient pas à l'origine des préjudices allégués par la SARL Partner dès lors, d'une part, que l'immeuble lui appartenant était inachevé et à l'abandon depuis quarante ans et, d'autre part, qu'il avait été construit sur le fondement d'un permis de construire illégal et sur un terrain devenu inconstructible ; que la cour a omis de répondre à ces moyens et ne s'est pas prononcée sur l'existence d'un lien direct et certain entre les décisions litigieuses et les préjudices allégués ; qu'ainsi la cour a insuffisamment motivé son arrêt sur ces points ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur les préjudices subis par la SARL Partner ;

3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond dans la limite de la cassation prononcée ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire de Piscop a pris, les 13 mai et 18 juin 1992, 9 février et 24 avril 1995, 28 juillet 2003 et 6 septembre 2005, sur le fondement des articles L. 511-1 et L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, des arrêtés de péril imminent ou de péril ordinaire visant l'immeuble dont est propriétaire la SARL Partner ; que si les deux premiers de ces arrêtés ont été rapportés avant l'intervention d'une décision juridictionnelle, les quatre autres ont été annulés par quatre jugements du tribunal administratif de Versailles ; que, par une décision du 23 décembre 1996, le maire de la commune de Piscop s'est fondé sur un arrêté de péril du 24 avril 1995 pour s'opposer à des travaux concernant le ravalement de l'immeuble en cause ; que cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 décembre 2002 ;

5. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que, lors de son achat le 4 octobre 1990 par la SARL Partner, l'immeuble en cause était inachevé et en mauvais état mais ne menaçait pas ruine ; qu'ainsi, les arrêtés de péril pris par le maire de Piscop n'étaient pas légalement justifiés ;

Sur les préjudices de la SARL Partner :

6. Considérant, d'une part, que la SARL Partner demande à être indemnisée des pertes de loyers subies du fait des décisions illégales du maire de Piscop ; qu'eu égard au fait que l'immeuble en cause, inachevé et dégradé lors de son achat, était impropre à tout usage sans de très importants travaux, dont il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait eu la capacité d'assumer le coût, le caractère direct et certain de lien de causalité entre les décisions illégales du maire de Piscop et le préjudice causé par l'impossibilité de louer l'immeuble ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme établi ;

7. Considérant, d'autre part, que la SARL Partner demande à être indemnisée des coûts résultant de l'aggravation de la dégradation de l'immeuble résultant de ces mêmes décisions ; que l'immeuble, s'il était en mauvais état avant même l'intervention de ces décisions, a toutefois poursuivi sa dégradation au cours de la période considérée ; qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre les décisions illégales du maire de Piscop et la poursuite de cette dégradation ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi par la SARL Partner du fait des illégalités fautives commises par le maire en allouant à cette société une somme de 100 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de l'immeuble ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande et qu'il y a lieu de condamner la commune de Piscop à verser à la SARL Partner la somme de 100 000 euros au titre du préjudice subi par elle du fait des décisions illégales du maire de Piscop, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2003, date de réception par la commune de sa réclamation préalable ; que la SARL PARTNER a demandé la capitalisation des intérêts le 6 octobre 2011 ; qu'à cette date, il était dû plus d'un an d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande au 6 octobre 2011 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SARL Partner et la commune de Piscop au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 11VE02803 de la cour administrative d'appel de Versailles du 7 février 2012 est annulé en tant qu'il statue sur les préjudices subis par la SARL Partner.

Article 2 : La commune de Piscop est condamnée à verser à la SARL Partner la somme de 100 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2003. Les intérêts échus à la date du 6 octobre 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement n° 0305100/0305620/0509786/0510360/0510370 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 31 mai 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SARL Partner et la commune de Piscop au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Piscop, à la SARL Partner, à la SCI la Piscopoise, au syndicat des copropriétaires du domaine de Châteauvert et à M. A...B....

Copie pour information en sera adressée au préfet du Val d'Oise.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 358334
Date de la décision : 13/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2013, n° 358334
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:358334.20131213
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