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30/12/2013 | FRANCE | N°365610

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 30 décembre 2013, 365610


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 12 septembre 2008 par laquelle le conseil municipal de la Motte-en-Provence a refusé d'acquérir la parcelle cadastrée section F n° 36 leur appartenant et d'enjoindre à la commune de régulariser la vente. Par un jugement n° 0806219 du 25 novembre 2010, rectifié d'une erreur matérielle par une ordonnance du 30 novembre 2010, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette délibération et enjoint à la commun

e de la Motte-en-Provence de dresser l'acte authentique en vue de l'acquisiti...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 12 septembre 2008 par laquelle le conseil municipal de la Motte-en-Provence a refusé d'acquérir la parcelle cadastrée section F n° 36 leur appartenant et d'enjoindre à la commune de régulariser la vente. Par un jugement n° 0806219 du 25 novembre 2010, rectifié d'une erreur matérielle par une ordonnance du 30 novembre 2010, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette délibération et enjoint à la commune de la Motte-en-Provence de dresser l'acte authentique en vue de l'acquisition du bien en litige.

Par un arrêt n° 11MA00461 du 29 novembre 2012, rectifié d'une erreur matérielle par une ordonnance du 12 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de la Motte-en-Provence à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 novembre 2010.

Procédure devant le Conseil d'Etat

1° Sous le n° 365610, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 janvier et 29 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de la Motte-en-Provence demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 11MA00461 de la cour administrative d'appel de Marseille du 29 novembre 2012 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de M. et Mme B...;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2013, M. et Mme B... concluent au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de la Motte-en-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 365611, par une requête, enregistrée le 29 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de la Motte-en-Provence demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de l'arrêt n° 11MA00461 de la cour administrative d'appel de Marseille du 29 novembre 2012 ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2013, M. et Mme B... concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Motte-en-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la commune de La Motte-en-Provence, et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et MmeB... ;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Le pourvoi et la requête de la commune de la Motte-en-Provence tendent à l'annulation et au sursis à exécution du même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l'acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu'il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur des services fiscaux ". Aux termes de l'article R. 211-7 du même code : " Toute proposition faite en application du premier alinéa de l'article L. 211-5 est établie dans les formes prescrites par l'arrêté prévu par l'article R. 213-5. (...) / Dès réception de la proposition, le maire en transmet copie au directeur des services fiscaux en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis. (...) / Il est alors procédé comme indiqué aux articles R. 213-7 à R. 213-12 (...) ". En vertu du (c) de l'article R. 213-8 du même code, lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré, le titulaire du droit de préemption peut notifier au propriétaire son offre d'acquérir à un prix proposé par lui. En vertu de l'article R. 213-10 du même code, le propriétaire dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de cette offre pour notifier sa réponse au titulaire du droit de préemption et, en particulier, lui notifier " qu'il accepte le prix ou les nouvelles modalités proposés ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération du 6 décembre 2007, la commune de la Motte-en-Provence a institué un droit de préemption urbain dans les zones U et NA de son plan d'occupation des sols. M. et Mme B...ont, par un courrier du 10 janvier 2008, proposé au maire de la Motte-en-Provence d'acquérir une parcelle leur appartenant, située en zone NA, au prix de 15 euros le mètre carré. Par une lettre du 7 mars 2008, après avoir sollicité l'avis de France Domaine, le maire leur a fait part de ce que la commune était prête à acquérir la parcelle au prix de 61 000 euros résultant de l'estimation réalisée par les services fiscaux. Par un courrier du 11 mars 2008, M. et Mme B...ont accepté cette offre. Par une délibération du 12 septembre 2008, le conseil municipal de la commune, appelé à se prononcer sur la validité des démarches précédemment engagées entre l'ancien maire et M. et MmeB..., a refusé d'acquérir la parcelle.

4. En premier lieu, la contestation de l'acte, qu'il s'agisse d'une délibération du conseil municipal ou d'une décision du maire, par lequel une commune ou son représentant décide de l'acquisition d'un bien destiné à faire partie du domaine privé de celle-ci relève de la compétence du juge administratif. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Marseille a examiné la légalité de la délibération du 12 septembre 2008 en tenant compte de l'existence et de la nature de la décision du maire du 7 mars 2008, sans se prononcer sur les droits éventuellement acquis par M. et Mme B...au titre de la procédure d'acquisition engagée. Par suite, la commune de La Motte-en-Provence n'est pas fondée à soutenir que la cour se serait prononcée, en méconnaissance de la compétence du juge judiciaire, sur l'existence d'un échange de consentements donnant lieu à la conclusion d'un contrat de droit privé.

5. La commune requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que la délibération litigieuse constituerait un acte d'exécution d'un contrat de droit privé dont la juridiction administrative serait incompétente pour connaître.

6. En deuxième lieu, la cour a relevé qu'à la suite de la proposition de vente de M. et Mme B...reçue en mairie le 14 janvier 2008 et de l'estimation du bien soumis au droit de préemption par le service des domaines à 61 000 euros, le maire de la Motte-en-Provence avait proposé aux propriétaires, au nom de la commune, par sa lettre du 2 mars 2008, d'acquérir leur terrain au prix fixé par ce service. Elle n'a, ce faisant, pas dénaturé les faits de l'espèce. En outre, contrairement à ce que soutient la commune, il résulte des dispositions des articles R. 211-7 et R. 213-8 du code de l'urbanisme que, pour l'application de l'article L. 211-5 de ce code, le titulaire du droit de préemption peut notifier au propriétaire son offre d'acquérir à un prix inférieur à celui proposé par le propriétaire et n'a pas à adresser une copie de cette offre au directeur des services fiscaux, seule la proposition du propriétaire devant lui être transmise. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ses constatations, qui caractérisaient une proposition d'acquisition d'un bien soumis au droit de préemption à un prix déterminé et une offre du titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois à compter de cette proposition, que l'acquisition envisagée s'inscrivait dans le cadre de la procédure définie à l'article L. 211-5 du code de l'urbanisme, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la proposition des époux B...n'ait pas été établie dans les formes prescrites par l'arrêté prévu par l'article R. 213-5.

7. En troisième lieu, si, par une erreur de plume, elle a fait mention d'une décision de préemption, la cour a caractérisé l'existence d'une offre du titulaire du droit de préemption d'acquérir le bien dans le délai de deux mois à compter de la proposition de ses propriétaires, conformément à l'article L. 211-5 du code de l'urbanisme. Elle n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en regardant la décision du 7 mars 2008, par laquelle le maire de la Motte-en-Provence a présenté à M. et Mme B...une offre d'achat de leur parcelle, comme une décision individuelle créatrice de droits.

8. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits qu'à la double condition que cette décision soit illégale et que le retrait intervienne dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise. Les circonstances que le maire n'aurait pas eu compétence pour prendre la décision du 7 mars 2008 ou que celle-ci n'aurait pas été transmise au contrôle de légalité, si elles étaient de nature, à les supposer fondées, à l'entacher d'illégalité ou à affecter son caractère exécutoire, étaient en revanche sans incidence sur son existence. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la commune ne pouvait utilement se prévaloir de telles irrégularités, qui ne sont pas de nature à conférer à la décision qu'elles entachent le caractère d'un acte inexistant, pour soutenir qu'elle aurait pu valablement retirer la décision du 7 mars 2008 au-delà du délai de quatre mois.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la commune de la Motte-en-Provence doit être rejeté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande des époux B...tendant à ce que la requête d'appel soit déclarée tardive et certains de ses moyens nouveaux en cassation.

Sur la requête à fin de sursis à exécution de l'arrêt attaqué :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ".

11. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi formé par la commune de la Motte-en-Provence contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 29 novembre 2012 est rejeté. Par suite, les conclusions à fin de sursis de cet arrêt sont devenues sans objet.

Sur les dépens :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de la commune de la Motte-en-Provence dans les instances n°s 365610 et 365611.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et MmeB..., qui ne sont pas, dans les présentes instances, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Motte-en-Provence une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B...au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi n° 365610 de la commune de la Motte-en-Provence est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 365611 de la commune de la Motte-en-Provence tendant au sursis à exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 29 novembre 2012.

Article 3 : La contribution pour l'aide juridique est laissée à la charge de la commune de la Motte-en-Provence.

Article 4 : La commune de la Motte-en-Provence versera à M. et Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de la Motte-en-Provence présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 365611 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de la Motte-en-Provence et à M. et Mme A...B....


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 365610
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2013, n° 365610
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:365610.20131230
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