La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2014 | FRANCE | N°356894

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 12 février 2014, 356894


Vu 1°, sous le n° 356894, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 février et 11 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le Conseil national des barreaux, dont le siège est 22, rue de Londres à Paris (75009) ; le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l

'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 361457, ...

Vu 1°, sous le n° 356894, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 février et 11 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le Conseil national des barreaux, dont le siège est 22, rue de Londres à Paris (75009) ; le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 361457, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 juillet et 30 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Conseil national des barreaux, dont le siège est 22, rue de Londres à Paris (75009), représenté par son président ; le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-783 du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu 3°, sous le n° 361543, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 30 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Ordre des avocats de Paris, dont le siège est 11, place Dauphine à Paris (75003) ; l'Ordre des avocats de Paris demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2012-783 du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire du code des procédures civiles d'exécution ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 janvier 2014, présentée pour la Caisse des dépôts et consignations ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code civil ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code des procédures civiles d'exécution ;

Vu l'ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816 ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 ;

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Vu le décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du Conseil national des barreaux, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de l'Ordre des avocats de Paris ;

1. Considérant que les requêtes nos 361457 et 361543 du Conseil national des barreaux et de l'Ordre des avocats de Paris sont dirigées contre le même décret ; que ces requêtes présentent à juger les mêmes questions que la requête n° 356894 du Conseil national des barreaux ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que le désistement du Conseil national des barreaux de ses requêtes n° 356894 et n° 361457 est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

3. Considérant que les conclusions de la requête no 361543 de l'Ordre des avocats de Paris doivent être regardées comme tendant à l'annulation du seul article 1er du décret du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire du code des procédures civiles d'exécution, qui crée l'article R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution ;

4. Considérant qu'aux termes du I de l'article 7 de la loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires : " Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d'ordonnance à l'adoption de la partie législative du code des procédures civiles d'exécution. / Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, notamment en matière de prescription, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet. " ; qu'aux termes de l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, issu de l'ordonnance du 19 décembre 2011, applicable en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire d'un immeuble saisi : " L'acte notarié de vente n'est établi que sur consignation du prix et des frais de la vente auprès de la Caisse des dépôts et consignations et justification du paiement des frais taxés. " ; que ces dispositions se sont substituées à l'article 2203 du code civil, qui prévoyait que: " L'acte notarié de vente n'est établi que sur consignation du prix et des frais de vente et justification des frais taxés " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction résultant du décret attaqué, applicable en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire d'un immeuble saisi : " Le prix de vente de l'immeuble ainsi que toute somme acquittée par l'acquéreur à quelque titre que ce soit sont consignés auprès de la Caisse des dépôts et consignations et acquis aux créanciers participant à la distribution ainsi que, le cas échéant, au débiteur, pour leur être distribués. / En cas de défaut de conclusion de la vente du fait de l'acquéreur et sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires relatives à son droit de rétractation, les versements effectués par celui-ci restent consignés pour être ajoutés au prix de vente dans la distribution. " ; que ces dispositions se sont substituées à celles de l'article 56 du décret du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble, qui prévoyaient que : " Le prix de vente de l'immeuble ainsi que toute somme acquittée par l'acquéreur à quelque titre que ce soit sont consignés et acquis aux créanciers participant à la distribution ainsi que, le cas échéant, au débiteur, pour leur être distribués. / En cas de défaut de conclusion de la vente du fait de l'acquéreur et sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires relatives à son droit de rétractation, les versements effectués par celui-ci restent consignés pour être ajoutés au prix de vente dans la distribution. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 518-17 du code monétaire et financier : " La Caisse des dépôts et consignations est chargée de recevoir les consignations de toute nature, en numéraire ou en titres financiers, prévues par une disposition législative ou réglementaire ou ordonnées soit par une décision de justice soit par une décision administrative. " ; qu'aux termes de l'article L. 518-19 du même code : " Les juridictions et administrations ne peuvent autoriser ou ordonner des consignations auprès de personnes physiques et d'organismes autres que la Caisse des dépôts et consignations (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816 : " Seront, en conséquence, versés dans ladite caisse : (...) / 14° Enfin toutes les consignations ordonnées par des lois, même dans les cas qui ne sont pas rappelés ci-dessus, soit que lesdites lois n'indiquent pas le lieu de consignation, soit qu'elles désignent une autre caisse. " ;

7. Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'article R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution, que les dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 19 décembre 2011, qui ont créé l'article L. 322-4 du même code, en imposant la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations des sommes acquittées par l'acquéreur en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire d'un immeuble saisi, n'auraient pas procédé à une codification " à droit constant " des dispositions de l'article 2203 du code civil et auraient, pour ce motif , méconnu le I de l'article 7 de la loi du 22 décembre 2010 ; qu'il résulte cependant des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'une loi prévoit une consignation sans en indiquer le lieu, cette consignation ne peut être effectuée qu'auprès de la Caisse des dépôts et consignations ; qu'ainsi, la modification apportée à l'article 2203 du code civil par l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution n'a ni pour objet ni pour effet de modifier l'état du droit relatif aux conditions dans lesquelles la consignation doit intervenir en cas de vente amiable autorisée au cours d'une procédure de saisie immobilière ; que, par suite, les auteurs de l'ordonnance n'ont pas méconnu le champ de l'habilitation conférée par la loi du 22 décembre 2010 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'article R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution serait illégal en ce qu'il a été pris en application de l'article L. 322-4 du même code issu de l'article 1er de l'ordonnance du 19 décembre 2011, qui serait lui-même illégal, doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes raisons, les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution doivent être regardées comme se bornant à réitérer celles de l'article 56 du décret du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble ; que, par suite, le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière n'avait pas, en tout état de cause, à être consulté préalablement à leur édiction ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne: " Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. " ; qu'aux termes du 1 de l'article 106 du même traité : " Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus. " ;

10. Considérant, d'une part, que l'activité de consignation prévue par l'article R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution est directement liée à l'exercice par le juge de sa mission juridictionnelle de contrôle des ventes amiables sur autorisation judiciaire des immeubles saisis ; que l'obligation de consignation s'impose au débiteur poursuivi et à l'acquéreur de l'immeuble saisi et peut faire l'objet de mesures de contrainte, en application des dispositions de l'article L. 518-20 du code monétaire et financier, selon lesquelles : " Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations peut décerner ou faire décerner par les préposés de la caisse des contraintes contre toute personne qui, tenue de verser des sommes dans ladite caisse ou dans celle de ses préposés, est en retard de remplir ses obligations. Il est procédé, pour l'exécution desdites contraintes, comme pour celles qui sont décernées en matière d'enregistrement, et la procédure est communiquée aux procureurs près les tribunaux. " ; qu'ainsi, l'activité de consignation prévue par l'article R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution participe à l'exercice de l'autorité publique et ne constitue pas une activité économique au sens du droit de l'Union européenne ;

11. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui, au demeurant, n'est pas assorti de précisions suffisantes, notamment en ce qui concerne le marché pertinent sur lequel la Caisse des dépôts et consignations devrait abuser d'une position dominante, ne saurait en tout état de cause être accueilli, dès lors que le décret attaqué ne peut être regardé comme ayant par lui-même pour objet ou pour effet de placer la Caisse des dépôts et consignations en situation d'abuser automatiquement d'une position dominante sur un ou plusieurs marchés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ni de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, l'Ordre des avocats de Paris n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 1er du décret du 30 mai 2012 ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que la circonstance que la Caisse des dépôts et consignations ait été appelée en cause pour produire des observations n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'instance ; que dès lors qu'elle n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition si elle n'avait pas été mise en cause, elle ne peut présenter une demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est donné acte du désistement du Conseil national des barreaux de ses requêtes n° 356894 et n° 361457.

Article 2 : La requête de l'Ordre des avocats de Paris et les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des barreaux, à l'Ordre des avocats de Paris, au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la Caisse des dépôts et consignations.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 356894
Date de la décision : 12/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

13-05 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES. CAISSES D'ÉPARGNE ET AUTRES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS. - CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS - MISSION DE RECEVOIR LES CONSIGNATIONS DE TOUT NATURE - CONSÉQUENCE - LOI PRÉVOYANT UNE CONSIGNATION SANS EN INDIQUER LE LIEU - CONSIGNATION OBLIGATOIREMENT EFFECTUÉE AUPRÈS DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS.

13-05 Il résulte des dispositions des articles L. 518-17 et suivants du code monétaire et financier et de l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816 que, lorsqu'une loi prévoit une consignation sans en indiquer le lieu, cette consignation ne peut être effectuée qu'auprès de la Caisse des dépôts et consignations.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 fév. 2014, n° 356894
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Samuel Gillis
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:356894.20140212
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award