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02/06/2014 | FRANCE | N°374291

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 02 juin 2014, 374291


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 décembre 2009 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé d'abroger l'arrêté du 4 juillet 2007 portant à son égard interdiction permanente d'exercer quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans des structures temporaires d'accueil collectif à caractère éducatif. Par un jugement n° 100482 du 11 octobre 2012, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par

un arrêt n° 12NT03159 du 31 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Nantes...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 décembre 2009 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé d'abroger l'arrêté du 4 juillet 2007 portant à son égard interdiction permanente d'exercer quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans des structures temporaires d'accueil collectif à caractère éducatif. Par un jugement n° 100482 du 11 octobre 2012, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12NT03159 du 31 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B...contre le jugement du tribunal administratif de Rennes.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 décembre 2013 et 5 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 12NT03159 de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 octobre 2013 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Denis Combrexelle, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M.B....

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Le premier alinéa de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et de sport, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer à l'encontre de toute personne dont la participation à un accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ou à l'organisation d'un tel accueil présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4, ainsi que de toute personne qui est sous le coup d'une mesure de suspension ou d'interdiction d'exercer prise en application de l'article L. 212-13 du code du sport, l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils ".

3. Ces dispositions permettent à l'autorité administrative, pour assurer la protection des mineurs bénéficiant d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif hors du domicile parental à l'occasion des vacances ou des loisirs, de prononcer une mesure d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils, lorsqu'il existe " des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale " de ces mineurs.

4. M. B...soutient que ces dispositions, d'une part, portent une atteinte disproportionnée à la liberté du travail et au droit d'obtenir un emploi, garantis par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, et au principe du libre choix de ses collaborateurs par l'employeur, conséquence de la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, d'autre part, en l'absence de garanties suffisantes de nature à assurer la protection de ces principes, sont entachées d'incompétence négative. Toutefois, en premier lieu, la loi définit de façon suffisamment précise, au regard des exigences de l'article 34 de la Constitution, les conditions d'application de cette mesure de police, que l'autorité compétente est tenue, même en l'absence de disposition explicite en ce sens, d'abroger à la demande de l'intéressé si les circonstances qui ont pu motiver légalement son intervention ont disparu et qu'il est établi qu'il n'existe plus aucun risque pour les mineurs. En second lieu, le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, le droit d'obtenir un emploi et la liberté d'entreprendre et, d'autre part, l'exigence constitutionnelle de protection des mineurs qui découle des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946.

5. M. B...soutient également que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi, dès lors que les personnes frappées d'une incapacité d'exercice en vertu de l'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles peuvent demander à en être relevées par le juge pénal. Toutefois, les personnes qui font l'objet d'une mesure d'interdiction sur le fondement de l'article L. 227-10 du même code, à la suite d'un examen par l'autorité administrative compétente des risques que présenterait leur participation à un accueil de mineurs ou à l'organisation d'un tel accueil pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs, sont dans une situation différente des personnes frappées d'une incapacité d'exercice en raison de leur condamnation pour certains délits. Compte tenu de l'objet de l'article L. 227-10, le principe d'égalité n'imposait pas au législateur de prévoir au profit des premières un mécanisme de relèvement équivalent à celui existant au profit des secondes.

6. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

7. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ".

8. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel de Nantes que, alors qu'aucune ordonnance de clôture de l'instruction n'avait été prise et que la date de l'audience, indiquée dans l'avis adressé aux parties, était fixée au jeudi 10 octobre 2013, l'unique mémoire en défense du ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative a été enregistré au greffe de la cour le vendredi 4 octobre 2013 et communiqué par télécopie à l'avocat de M. B...le même jour à 13 h 30. Ce mémoire ne se bornait pas à reprendre l'argumentation que le préfet d'Ille-et-Vilaine avait présentée en première instance mais comportait des développements plus circonstanciés et était accompagné de pièces nouvelles, dont l'une au moins confortait son appréciation. L'instruction ayant été close, par application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant la date de l'audience, soit le dimanche 6 octobre 2013 à minuit, et n'ayant pas été rouverte, le requérant n'a pas disposé, avant la clôture de l'instruction, d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense de l'administration. Il est, par suite, fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 octobre 2013 est annulé.

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 374291
Date de la décision : 02/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2014, n° 374291
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Denis Combrexelle
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:374291.20140602
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