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04/06/2014 | FRANCE | N°365364

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème ssr, 04 juin 2014, 365364


Vu la décision du 19 juin 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Auxiliaire de Parcs dirigées contre l'arrêt n° 10BX00906 du 20 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il s'est prononcé sur la demande d'octroi d'intérêts et sur la somme due par la commune de Brive-la-Gaillarde sur la demande de remboursement des redevances versées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

:

- le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,

- les conclusions ...

Vu la décision du 19 juin 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Auxiliaire de Parcs dirigées contre l'arrêt n° 10BX00906 du 20 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il s'est prononcé sur la demande d'octroi d'intérêts et sur la somme due par la commune de Brive-la-Gaillarde sur la demande de remboursement des redevances versées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Auxiliaire de Parcs (SAP), et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Brive-la-Gaillarde ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par des conventions du 28 octobre 1993, la commune de Brive-la-Gaillarde a délégué à la société Auxiliaire de Parcs (SAP) la gestion du service public du stationnement payant sur voirie et l'exploitation de deux parcs de stationnement publics souterrains ; que le tribunal administratif de Limoges, d'une part, a annulé ces contrats, sur déféré préfectoral, en raison de leur durée excessive, par un jugement du 30 mai 1996, devenu définitif et, d'autre part, par un jugement du 16 décembre 2004, a condamné la SAP à indemniser la commune ; que, par une décision du 17 mars 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 1er avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux avait confirmé la condamnation de la SAP ; que la cour, saisie comme juge du renvoi, a, par l'arrêt attaqué, condamné la commune à verser à la SAP une somme de 502 229 euros ; que, par une décision du 19 juin 2013, le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a admis les conclusions du pourvoi de la SAP dirigées contre cet arrêt qu'en tant qu'il s'est prononcé sur la demande d'octroi d'intérêts sur la somme due par la commune de Brive-la-Gaillarde et sur la demande de remboursement des redevances versées ; que, par la voie du pourvoi incident, la commune de Brive-la-Gaillarde demande l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 décembre 2004 et rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur le pourvoi incident de la commune de Brive-la-Gaillarde :

2. Considérant, en premier lieu, qu'après avoir souverainement relevé que la SAP, en dépit de la circonstance qu'elle avait confié à sa filiale une part importante des missions qui lui étaient contractuellement dévolues, assurait vis-à-vis de la commune la responsabilité de l'exécution du contrat de concession, en supportait la charge financière et en intégrait les résultats dans ses comptes, appréciation, exempte de dénaturation, dont il se déduisait que le contrat de délégation de service public n'avait été ni cédé ni subdélégué à cette filiale, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la SAP était fondée, nonobstant cette circonstance, à rechercher la responsabilité quasi contractuelle de la commune de Brive-la-Gaillarde à raison des préjudices consécutifs à l'annulation du contrat de concession ;

3. Considérant, en second lieu, que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité ou annulé peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, non pas à ce que les sommes versées en exécution du contrat fassent l'objet d'une répétition, mais au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où le contrat en cause est une concession de service public, il peut notamment, à ce titre, demander à être indemnisé de la valeur non amortie, à la date à laquelle les biens nécessaires à l'exploitation du service font retour à l'administration, des dépenses d'investissement qu'il a consenties, ainsi que du déficit qu'il a, le cas échéant, supporté à raison de cette exploitation, compte tenu notamment des dotations aux amortissements, pour autant toutefois qu'il soit établi que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, dans le cadre de l'examen de la responsabilité quasi-contractuelle de la commune de Brive-la-Gaillarde, en ne tenant pas compte des recettes d'exploitation du service perçues par la SAP et, en particulier, en ne déduisant pas les sommes correspondantes du montant des dépenses utiles que la commune devait être condamnée à verser à cette société ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident de la commune de Brive-la-Gaillarde doit être rejeté ;

Sur le pourvoi de la société Auxiliaire de Parcs :

5. Considérant, en premier lieu, que, pour rejeter la demande de la SAP tendant au remboursement des redevances qu'elle a versées à la commune, la cour a relevé que ces redevances ne constituaient pas, pour la société, des dépenses d'investissement mais une charge correspondant au droit d'exploitation des parcs de stationnement concédés ; qu'en déniant ainsi aux sommes versées par la SAP en contrepartie du droit d'exploiter ces parcs pendant la durée de la concession tout caractère de dépenses utiles, la cour a commis une erreur de droit ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAP a demandé à être indemnisée avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 1997 et capitalisation de ces intérêts à compter du 5 août 1999 ; qu'en omettant de se prononcer sur cette demande de capitalisation, la cour n'a pas répondu à l'ensemble des conclusions dont elle était saisie ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il rejette la demande de remboursement des redevances et en tant qu'il ne statue pas sur la demande de capitalisation des intérêts ;

8. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il incombe, par suite, au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la SAP a acquitté une somme de 17 millions de francs, soit 2 591 633,29 euros, au titre des trois premiers versements de la redevance fixe capitalisée sur la durée de la concession, d'un montant de 41 millions de francs, prévue par l'article 31 du contrat de concession ; qu'il n'est pas contesté que cette somme correspond à l'amortissement des travaux de construction des ouvrages exploités, financés par la commune ; que la SAP est fondée à demander le remboursement de la valeur non amortie de la redevance fixe capitalisée, soit 2 459 563,60 euros ; que, dès lors, la condamnation de la commune de Brive-la-Gaillarde à indemniser la SAP doit être fixée au total à la somme de 2 459 563,60 euros ;

10. Considérant, en second lieu, que la SAP a droit aux intérêts au taux légal, à compter du 5 mars 1997, date de réception de sa réclamation préalable, sur cette somme ; qu'ayant demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré le 5 août 1999 au greffe de la cour, elle a droit à la capitalisation des intérêts échus à cette date et à chaque échéance annuelle ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Brive-la-Gaillarde doit être condamnée à verser à la SAP la somme totale de 2 459 563,60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 1997 et capitalisation des intérêts à compter du 5 août 1999 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Brive-la-Gaillarde et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Brive-la-Gaillarde une somme de 3 000 euros à verser à la SAP en application de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de remboursement des redevances versées à la commune de Brive-la-Gaillarde par la société Auxiliaire de Parcs et qu'il n'a pas statué sur la demande de capitalisation des intérêts présentée par cette dernière.

Article 2 : Le pourvoi incident de la commune de Brive-la-Gaillarde est rejeté.

Article 3 : La commune de Brive-la-Gaillarde est condamnée à verser à la société Auxiliaire de Parcs une somme de 2 459 563,60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 1997 et capitalisation des intérêts à compter du 5 août 1999 ainsi qu'à chaque échéance annuelle.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : La commune de Brive-la-Gaillarde versera à la société Auxiliaire de Parcs une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Brive-la-Gaillarde en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Auxiliaire de Parcs et à la commune de Brive-la-Gaillarde.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 365364
Date de la décision : 04/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2014, n° 365364
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:365364.20140604
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