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18/06/2014 | FRANCE | N°366307

France | France, Conseil d'État, 2ème / 7ème ssr, 18 juin 2014, 366307


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, dont le siège est 21 ter, rue Voltaire à Paris (75011) et le Groupe d'information et de soutien des immigrés, dont le siège est 3 Villa Marcès à Paris (75011), représentés par leurs présidents respectifs en exercice ; l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et le Groupe d'information et de soutien des immigrés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour

excès de pouvoir la décision, matérialisée par un courrier du 22 janvier ...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, dont le siège est 21 ter, rue Voltaire à Paris (75011) et le Groupe d'information et de soutien des immigrés, dont le siège est 3 Villa Marcès à Paris (75011), représentés par leurs présidents respectifs en exercice ; l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et le Groupe d'information et de soutien des immigrés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision, matérialisée par un courrier du 22 janvier 2013, instaurant l'obligation pour les ressortissants syriens d'être munis à compter du 15 janvier 2013 d'un visa de transit aéroportuaire ;

2°) avant dire droit, le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire supprimer toutes références, notamment sur les sites internet des consulats français, à l'instauration d'un visa de transit aéroportuaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 53-1 ;

Vu la convention de Chicago du 7 décembre 1944 sur l'aviation civile internationale ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001 ;

Vu le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2008-223 du 6 mars 2008 ;

Vu l'arrêté du 10 mai 2010 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire européen de la France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;

1. Considérant que, par note du 22 janvier 2013, la Gouvernement français a notifié à la Commission européenne sa décision de soumettre, à compter du 15 janvier 2013, les ressortissants syriens munis d'un passeport ordinaire passant par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire français à l'obligation d'être muni d'un visa de transit aéroportuaire ; que l'arrêté du 18 mars 2013, publié au Journal officiel du 21 mars suivant, modifie, à cette fin, le 2 de l'annexe D de l'arrêté du 10 mai 2010 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire européen de la France ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, en vertu de l'article 1er du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001, les ressortissants de pays tiers figurant à l'annexe I de ce règlement sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres ; que l'article 3 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) prévoit, en outre, que : " 1. Les ressortissants des pays tiers énumérés à l'annexe IV sont tenus d'être munis d'un visa de transit aéroportuaire lorsqu'ils passent par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire des États membres./ 2. En cas d'urgence due à un afflux massif de migrants clandestins, chaque État membre peut exiger des ressortissants de pays tiers autres que ceux visés au paragraphe 1, qu'ils soient munis d'un visa de transit aéroportuaire lorsqu'ils passent par la zone internationale de transit des aéroports situés sur son territoire. Les États membres notifient à la Commission, avant qu'elles n'entrent en vigueur, ces décisions ainsi que la suppression d'une telle obligation de visa de transit aéroportuaire (...) " ; que les ressortissants syriens ne sont pas au nombre de ceux mentionnés à l'annexe IV de ce règlement ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 211-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret susvisé du 6 mars 2008 : " Un arrêté du ministre chargé de l'immigration détermine la nature des documents prévus au 1° de l'article L. 211-1 sous le couvert desquels les étrangers sont admis à franchir la frontière " ; que l'article 4 de l'arrêté du 10 mai 2010 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire européen de la France dispose que : " Sont (...) dispensés de visa : /- les étrangers transitant par le territoire métropolitain de la France en empruntant exclusivement la voie aérienne, sous réserve qu'ils ne sortent pas des limites de la zone de transit international de l'aéroport durant les escales, à l'exception des étrangers mentionnés à l'annexe D du présent arrêté (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de soumettre les ressortissants syriens munis d'un passeport ordinaire passant par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire français à l'obligation d'être munis d'un visa de transit aéroportuaire, notifiée à la Commission par le représentant du Gouvernement français auprès de l'Union européenne et formalisée par l'arrêté du 18 mars 2013 publié au Journal officiel du 21 mars suivant, doit être regardée comme ayant été prise par le ministre de l'intérieur, qui est en charge de l'immigration ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'irrégularité dont serait entachée la publication de la décision attaquée est sans influence sur sa légalité ;

5. Considérant, enfin, que la circonstance que la décision attaquée n'a pas été notifiée à la Commission avant son entrée en vigueur, comme le prévoit le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009, est également sans incidence sur la légalité de cette décision ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

6. Considérant que l'obligation de disposer d'un visa de transit aéroportuaire, qui ne peut être imposée par les Etats membres, en vertu du règlement du 13 juillet 2009, qu'en cas d'urgence due à un afflux massif de migrants clandestins et qui répond ainsi à des nécessités d'ordre public tenant à éviter, à l'occasion d'une escale ou d'un changement d'avion, le détournement du transit aux seules fins d'entrée en France, ne porte par elle-même aucune atteinte au droit d'asile, ni au droit à la vie ou à la protection contre les traitements inhumains ou dégradants ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en raison du conflit en cours en Syrie, qui a entraîné un important exode de population vers les pays voisins, un nombre important et sans cesse croissant de ressortissants syriens, principalement en provenance du Liban et de Jordanie et devant, en principe, seulement transiter par la zone internationale de transit des aéroports français, a tenté, à compter de l'année 2012, d'entrer irrégulièrement sur le territoire français à l'occasion de ce transit ; que ces circonstances permettent d'établir l'existence d'une situation d'urgence due à un afflux massif de migrants clandestins, qui a d'ailleurs conduit plusieurs autres Etats membres de l'Union européenne, notamment la Belgique, la République tchèque, l'Allemagne, la Grèce, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et l'Autriche, à prendre une décision identique ; qu'il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le ministre de l'intérieur a fait une inexacte application des dispositions de l'article 3 du règlement du 13 juillet 2009 en soumettant les ressortissants syriens munis d'un passeport ordinaire passant par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire français à l'obligation d'être muni d'un visa de transit aéroportuaire ; qu'en tout état de cause, le ministre n'a pas méconnu les stipulations de la convention de Chicago qui prévoient la liberté pour les aéronefs assurant le transport international de passagers de débarquer ceux-ci, sous réserve du droit pour l'Etat où a lieu le débarquement d'imposer les restrictions qu'il pourra juger souhaitables ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et le Groupe d'information et de soutien des immigrés ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et du Groupe d'information et de soutien des immigrés est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, au Groupe d'information et de soutien des immigrés et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème / 7ème ssr
Numéro d'arrêt : 366307
Date de la décision : 18/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - MINISTRES - MINISTRE CHARGÉ DE L'IMMIGRATION - COMPÉTENCE POUR ARRÊTER LA LISTE DES ETATS DONT LES RESSORTISSANTS SONT SOUMIS À L'OBLIGATION D'ÊTRE MUNIS D'UN VISA DE TRANSIT AÉROPORTUAIRE [RJ1].

01-02-02-01-03 Il résulte des dispositions des articles L. 211-1 et R. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration est compétent pour arrêter la liste des Etats dont les ressortissants sont soumis à l'obligation d'être munis d'un visa de transit aéroportuaire pour passer par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire français.

ÉTRANGERS - ENTRÉE EN FRANCE - VISAS DE TRANSIT AÉROPORTUAIRE - 1) AUTORITÉ COMPÉTENTE POUR ARRÊTER LA LISTE DES ETATS DONT LES RESSORTISSANTS SONT SOUMIS À L'OBLIGATION D'ÊTRE MUNIS D'UN TEL VISA - MINISTRE CHARGÉ DE L'IMMIGRATION [RJ1] - 2) CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR SUR LA COMPOSITION DE LA LISTE - CONTRÔLE NORMAL [RJ1].

335-005 1) Il résulte des dispositions des articles L. 211-1 et R. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration est compétent pour arrêter la liste des Etats dont les ressortissants sont soumis à l'obligation d'être munis d'un visa de transit aéroportuaire pour passer par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire français.,,,2) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs retenus par le ministre chargé de l'immigration pour procéder à l'inscription sur cette liste au vu des critères, liés à une urgence due à un afflux massif de migrants clandestins, posés par l'article 3 du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - INSCRIPTION D'UN ETAT SUR LA LISTE DES ETATS DONT LES RESSORTISSANTS SONT SOUMIS À L'OBLIGATION D'ÊTRE MUNIS D'UN VISA DE TRANSIT AÉROPORTUAIRE [RJ1].

54-07-02-03 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs retenus par le ministre chargé de l'immigration pour procéder à l'inscription sur la liste des Etats dont les ressortissants sont soumis à l'obligation d'être munis d'un visa de transit aéroportuaire pour passer par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire français, au vu des critères, liés à une urgence due à un afflux massif de migrants clandestins, posés par l'article 3 du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001.


Références :

[RJ1]

Comp., pour l'état du droit antérieur au règlement (CE) n° 539/2001, CE, 25 juillet 2008, Anafe et GISTI, n° 313710, p. 310.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2014, n° 366307
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Luc Briand
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:366307.20140618
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