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23/06/2014 | FRANCE | N°370201

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 juin 2014, 370201


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le syndicat de la juridiction administrative (SJA), dont le siège est au tribunal administratif de Montpellier, au 6 rue Pitot, à Montpellier Cedex 2 (34063) ; le syndicat de la juridiction administrative (SJA) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la circulaire n° 104347 du 27 février 2013 du secrétaire général du Conseil d'Etat relative à la mise en oeuvre du compte épargne-temps (CET) dans le corps des tribunaux administratifs et cours

administratives d'appel, en tant que celle-ci prévoit la prora...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le syndicat de la juridiction administrative (SJA), dont le siège est au tribunal administratif de Montpellier, au 6 rue Pitot, à Montpellier Cedex 2 (34063) ; le syndicat de la juridiction administrative (SJA) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la circulaire n° 104347 du 27 février 2013 du secrétaire général du Conseil d'Etat relative à la mise en oeuvre du compte épargne-temps (CET) dans le corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, en tant que celle-ci prévoit la proratisation des droits à réduction du temps de travail à proportion des jours de congés pris à ce titre, d'autre part, la décision du 17 mai 2003 du secrétaire général du Conseil d'Etat rejetant son recours gracieux formé contre cette circulaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 modifié ;

Vu le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 modifié ;

Vu le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié ;

Vu le décret n° 2004-675 du 5 juillet 2004 ;

Vu l'arrêté du 5 juillet 2004 relatif à la mise en oeuvre du compte épargne-temps dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

1. Considérant que le syndicat requérant demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 27 février 2013 du secrétaire général du Conseil d'Etat relative à la mise en oeuvre du compte épargne-temps dans le corps des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en tant qu'elle prescrit que le compte épargne-temps des membres de ce corps doit être diminué en fonction des congés pris au titre de la réduction du temps de travail ;

2. Considérant que l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 121-9 du code de justice administrative prévoit que le secrétaire général du Conseil d'Etat " prend les mesures nécessaires (...) à la gestion du corps des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel " ; que, par la circulaire attaquée, le secrétaire général du Conseil d'Etat a fait usage des prérogatives qu'il tire de ces dispositions en indiquant les modalités de fonctionnement des comptes épargne-temps des membres de ce corps telles qu'elles résultent des dispositions pertinentes des décrets du 29 avril 2002 et du 5 juillet 2004 ainsi que de l'arrêté du 5 juillet 2004 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée serait entachée d'incompétence doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le décret du 29 avril 2002 a institué un compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, ouvrant des droits à congés supplémentaires par le report sur ce compte de jours de réduction du temps de travail ainsi que de jours de congés annuels ; qu'aux termes du 3e alinéa de l'article 1er du décret du 5 juillet 2004 portant adaptation du compte épargne-temps aux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, " Par dérogation à l'article 3 [du décret du 29 avril 2002], ce compte est alimenté chaque année par le report d'un nombre de jours de réduction du temps de travail fixé par arrêté interministériel et proportionnel à la durée des services effectivement accomplis au cours de l'année dans un tribunal administratif, dans une cour administrative d'appel ou au Conseil d'Etat " ; que selon l'article 3 de l'arrêté du 5 juillet 2004 pris pour son application : " Le compte épargne-temps est alimenté chaque année au titre de l'année civile écoulée par le report de huit jours de réduction du temps de travail. En cas d'affectation en juridiction pendant une partie seulement de l'année, d'exercice des fonctions à temps partiel ou de congé autre que le congé annuel et les jours de fractionnement, ce nombre est réduit à due proportion. " ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le nombre de jours susceptibles d'alimenter le compte épargne-temps des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est fixé en principe à 8 jours par an, chiffre qui peut être réduit en fonction de la durée de services effectivement accomplis au cours de l'année par chaque intéressé ; que, si l'article 9 du décret du 29 avril 2002, auquel le décret du 5 juillet 2004 ne déroge pas, prévoit que les jours de congé pris au titre du compte épargne-temps " sont assimilés à une période d'activité ", il ne résulte ni de cette disposition, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ni d'aucune autre disposition que ces jours de congé devraient être regardés comme des " services effectivement accomplis " en considération desquels l'alimentation forfaitaire du compte épargne-temps de ces personnels peut être ajustée ; que, pour l'application du décret du 5 juillet 2004, l'arrêté du 5 juillet 2004 susvisé a précisé que, à l'exception des jours pris au titre du congé annuel ou du congé de fractionnement, les autres jours de congés, parmi lesquels ceux pris au titre du compte épargne-temps, doivent être décomptés des jours de service effectivement accomplis ; que, dès lors, en précisant, par la circulaire attaquée, que le report de huit jours de réduction du temps de travail au titre de l'année civile écoulée doit être réduit à due proportion des jours de congé pris au titre des jours épargnés sur le compte épargne-temps, le secrétaire général du Conseil d'Etat n'a ni méconnu le sens et la portée des dispositions règlementaires qu'il entendait expliciter, ni réitéré une règle contraire à une norme juridique supérieure ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'il aurait commis une erreur de droit doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée aurait dû être soumise au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel doit être écarté dès lors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que cette circulaire se borne à interpréter et préciser l'application des dispositions réglementaires en cause, sans édicter par elle-même aucune règle nouvelle ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la règle de proratisation contestée est justifiée par la situation particulière des magistrats administratifs, dont le compte épargne-temps est alimenté de façon forfaitaire, en raison de leur rythme de travail spécifique, et non selon le régime de droit commun instauré par le décret du 29 avril 2002 ; qu'il s'ensuit que l'auteur de la circulaire attaquée a pu réitérer cette règle sans méconnaître le principe d'égalité ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 juillet 2004 : " Les droits à congés exercés au titre du compte épargne-temps doivent être pris par journées entières (...) " ; que si la règle de proratisation contestée peut aboutir à ce que le compte épargne-temps des magistrats administratifs soit alimenté par des fractions de journées, celles-ci peuvent être additionnées au fil des ans pour constituer des journées entières qui pourront alors être utilisées à titre de congés ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la règle contestée reviendrait à priver les magistrats d'une partie de leurs droits à congés doit être écarté ;

9. Considérant que la disposition contestée de la circulaire n'a ni pour objet ni pour effet de diminuer le compte épargne-temps des magistrats administratifs en fonction des congés annuels qu'ils auront utilisés, mais seulement en fonction des congés pris au titre de la réduction du temps de travail ; qu'elle n'est donc pas contraire à l'article 3 de l'arrêté du 5 juillet 2004 qui prévoit que le compte épargne-temps est réduit en cas de congé " autre que le congé annuel et les jours de fractionnement " ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par le garde des sceaux, ministre de la justice, que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la circulaire du secrétaire général du Conseil d'Etat relative à la mise en oeuvre du compte épargne-temps dans le corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat de la juridiction administrative (SJA) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat de la juridiction administrative (SJA), à la garde des sceaux, ministre de la justice et au secrétaire général du Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 370201
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2014, n° 370201
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:370201.20140623
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