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02/07/2014 | FRANCE | N°368896

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 02 juillet 2014, 368896


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour M. C...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de Me A...Ricard est engagée faute d'avoir soulevé devant la cour administrative d'appel de Versailles le moyen tiré de ce que les commandements de payer des 9 août 2001 et 22 juin 2004 ne mentionnaient pas les voies et délais de recours contre ces actes de poursuites, lui permettant d'obtenir la décharge de ses cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années

1992 à 1994, 1996 et 1998 et des contributions sociales dues au titre...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour M. C...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de Me A...Ricard est engagée faute d'avoir soulevé devant la cour administrative d'appel de Versailles le moyen tiré de ce que les commandements de payer des 9 août 2001 et 22 juin 2004 ne mentionnaient pas les voies et délais de recours contre ces actes de poursuites, lui permettant d'obtenir la décharge de ses cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 1992 à 1994, 1996 et 1998 et des contributions sociales dues au titre de l'année 1996 ;

2°) de condamner Me Ricard au versement d'une indemnité de 209 773,82 euros correspondant au préjudice subi par M.B..., ainsi qu'aux intérêts de droit depuis le jour de la demande et à la capitalisation desdits intérêts ;

3°) de mettre à la charge de Me Ricard la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le montant de la contribution pour l'aide juridique qu'il a acquittée en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2014, présentée pour M. B...;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juin 2014, présentée pour Me Ricard ;

Vu l'ordonnance du 10 septembre 1817, notamment son article 13 modifié par le décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B...et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Me Ricard ;

1. Considérant que M. C...B..., qui exerce la profession d'avocat, a saisi, le 12 mai 2006, le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la décharge d'une somme globale de 170 685,77 euros résultant de douze avis à tiers détenteur émis le 9 janvier 2006 et correspondant à des cotisations de taxes foncières au titre des années 1992 à 1994, 1996 et 1997, à des cotisations de taxe d'habitation au titre des années 1992 à 1997, 1999 et 2000, à des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 1992 à 1994, 1996 et 1998 et à des contributions sociales au titre de l'année 1996 ; que M. B...a notamment soutenu, à l'appui de sa demande, que l'action en recouvrement des sommes était prescrite au motif que les commandements de payer que l'administration fiscale prétendait lui avoir adressés les 9 août 2001 et 22 juin 2004 n'avaient pu interrompre le délai de prescription ; que, par un jugement du 5 octobre 2006, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. B...en jugeant notamment que le délai de prescription de l'action en recouvrement n'était pas expiré, du fait, d'une part, que les commandements de payer du 22 juin 2004 avaient été régulièrement notifiés à M. B...et, d'autre part, que la prescription ne pouvait pas être invoquée faute de l'avoir été dans les deux mois suivant la notification des avis à tiers détenteur ; que M. B...a fait appel de ce jugement et a demandé à Me A...Ricard de le représenter dans cette instance ; que ce dernier a fait valoir que le jugement du 5 octobre 2006 était irrégulier dès lors que ni M. B..., ni son mandataire n'avaient été avertis de la date de l'audience ; que, par un arrêt du 14 avril 2008, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, après avoir relevé que le tribunal administratif avait statué en premier et dernier ressort sur la partie du litige relative au recouvrement des cotisations de taxe d'habitation et de taxe foncière, renvoyé au Conseil d'État cette partie des conclusions de la requête ; qu'elle a, d'autre part, sur la partie du litige relative au recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales, annulé le jugement du tribunal administratif pour vice de procédure et, évoquant l'affaire, écarté le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement dans les mêmes termes que les premiers juges puis rejeté la demande de décharge de M. B...; que, dans deux pourvois, enregistrés sous les nos 317755 et 321024, Me Ricard a demandé au Conseil d'État l'annulation, respectivement, de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 14 avril 2008 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...en décharge des sommes correspondant aux cotisations d'impôt sur le revenu et aux contributions sociales et du jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 octobre 2006 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...en décharge des sommes correspondant aux cotisations de taxe foncière et de taxe d'habitation ; que Me Ricard a repris dans ses mémoires les moyens précédemment formulés et y a ajouté un moyen tiré de ce que les commandements de payer des 9 août 2001 et 22 juin 2004 ne mentionnaient pas les voies et délais de recours contre ces actes de poursuites ; que, par un arrêt du 12 octobre 2011, le Conseil d'État statuant au contentieux n'a pas admis le pourvoi n° 317755 formé à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel au motif qu'aucun des moyens soulevés n'était de nature à permettre l'admission du pourvoi ; qu'en revanche, par un arrêt du même jour, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé le jugement du tribunal administratif pour vice de forme puis, réglant l'affaire au fond, a déchargé M. B...des cotisations de taxe foncière et de taxe d'habitation au motif que le ministre des finances n'ayant pas apporté la preuve que les commandements de payer du 22 juin 2004 mentionnaient les voies et délais de recours, M. B... était toujours recevable à invoquer la prescription de l'action en recouvrement dans les deux mois de la notification des avis à tiers détenteur, et que les commandements de payer du 9 août 2001, faute d'avoir été régulièrement notifiés, n'avaient pu interrompre le délai de prescription de l'action en recouvrement ;

2. Considérant que M. B...soutient qu'en ne soulevant pas devant la cour administrative d'appel de Versailles le moyen tiré de ce que les commandements de payer des 9 août 2001 et 22 juin 2004 ne mentionnaient pas les voies et délais de recours contre ces actes de poursuites, Me Ricard lui a fait perdre une chance sérieuse d'obtenir la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 1992 à 1994, 1996 et 1998 et des contributions sociales au titre de l'année 1996 ; qu'il demande que soit engagée la responsabilité civile de cet avocat, en réparation du préjudice causé, qu'il évalue à 209 773,82 euros ;

3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée par le décret du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation : " Les actions en responsabilité civile professionnelle engagées à l'encontre d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont portées, après avis du conseil de l'ordre, devant le Conseil d'État, quand les faits ont trait aux fonctions exercées devant le tribunal des conflits et les juridictions de l'ordre administratif, et devant la Cour de cassation dans les autres cas " ; que les faits en cause ont trait à l'appel devant la cour administrative d'appel de Versailles formé par Me Ricard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le compte du requérant ; que, dès lors, le Conseil d'État est compétent pour connaître de la requête de M. B...;

Sur le recours incident de Me Ricard :

4. Considérant que si le conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation doit être saisi pour avis avant qu'une action en responsabilité civile professionnelle soit engagée devant le juge compétent à l'encontre d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'avis ainsi rendu est dépourvu de toute portée contraignante ; qu'il appartient au justiciable et à l'avocat de faire valoir devant le juge tous les éléments permettant à ce dernier de se prononcer sur l'existence d'une faute de l'avocat, sur la perte de chance sérieuse de succès du recours contentieux pour lequel il a été mandaté et enfin, dans l'affirmative, sur la détermination de l'étendue du préjudice, quelles qu'aient été les appréciations portées sur ces questions par le conseil de l'Ordre lorsqu'il a été saisi ; que, par suite, les conclusions, présentées à titre incident par Me Ricard, tendant à la réformation de l'avis du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont, en tout état de cause, irrecevables ;

Sur la responsabilité de Me Ricard :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que seuls les commandements de payer du 22 juin 2004 ont été regardés par les juges du fond comme interruptifs du délai de prescription ; qu'ils ont été régulièrement présentés à M. B...mais n'ont pas été retirés à la poste par ce dernier ; qu'ainsi, Me Ricard n'a pas été mis à même d'en disposer du fait de l'attitude de son client ; que le recto de ces commandements de payer, produit par l'administration pour justifier de leur caractère interruptif du délai de prescription, seul contesté alors devant la cour administrative d'appel, révèle qu'ils ont été établis sur la base d'un formulaire comportant normalement les indications désormais contestées par le requérant ; qu'il aurait été loisible, dans ces conditions, à l'administration d'en produire le verso si les mentions y figurant avaient été contestées devant la cour ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le moyen tiré de ce que les commandements de payer des 9 août 2001 et 22 juin 2004 ne comportaient pas l'indication des voies et délais de recours aurait été de nature à entraîner la décharge des impositions litigieuses ; que, par suite, en ne soulevant pas un tel moyen, Me Ricard n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de Me Ricard à raison d'une perte de chance sérieuse d'obtenir une décision plus favorable de la cour administrative d'appel de Versailles ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 du même code relatives au remboursement de la contribution pour l'aide juridique ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Me Ricard tendant à la réformation de l'avis du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation du 28 mars 2013 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C...B...et à Me A...Ricard. Copie en sera adressée pour information à l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 368896
Date de la décision : 02/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2014, n° 368896
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:368896.20140702
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