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16/07/2014 | FRANCE | N°372435

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 16 juillet 2014, 372435


Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la SCCV Lisieux Développement, dont le siège est 123 rue du Château à Boulogne-Billancourt (92100), représentée par son représentant légal, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SCCV Lisieux Développement demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision nos 1843T et 1844T du 25 juin 2013 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui

délivrer l'autorisation requise en vue de créer un ensemble commercia...

Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la SCCV Lisieux Développement, dont le siège est 123 rue du Château à Boulogne-Billancourt (92100), représentée par son représentant légal, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SCCV Lisieux Développement demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision nos 1843T et 1844T du 25 juin 2013 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui délivrer l'autorisation requise en vue de créer un ensemble commercial au sein de la zone d'activités commerciales " Les Hauts de Glos " d'une surface de vente totale de 17 543 m² à Glos (Calvados), de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 752-1, L. 752-6, L. 752-17 et suivants du code de commerce, en tant qu'ils définissent le principe, les critères et la procédure de délivrance des autorisations d'exploitation commerciale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 72 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que la requérante soutient que les articles L. 752-1, L. 752-6, L. 752-17 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, sont contraires à la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyens et au principe de la libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution ;

3. Considérant que, au titre de la liberté d'entreprendre, la requérante soutient que les dispositions attaquées sont contraires à cette liberté en tant qu'elles soumettent l'exploitation des commerces de détail mentionnés à l'article L. 752-1 du code de commerce à autorisation préalable ; qu'il ressort des termes de l'article L. 752-6 du code de commerce que lorsqu'elles statuent sur une demande d'autorisation d'exploitation commerciale, les commissions d'aménagement commercial se prononcent " sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs " au regard de critères d'évaluation que sont, en matière d'aménagement du territoire, " l'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ", " l'effet du projet sur les flux de transport " et " les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme " et, en matière de développement durable, " la qualité environnementale du projet " et " son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ; que les objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs fixés par la loi sont d'intérêt général ; que l'autorisation d'exploitation commerciale ne pouvant être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet ces objectifs, l'atteinte à la liberté d'entreprendre qui résulte de ces dispositions est en rapport avec les objectifs que le législateur s'est assignés ; que cette atteinte est proportionnée à leur réalisation, alors même qu'ils sont également poursuivis par d'autres législations ;

4. Considérant que, si la société requérante soutient que les dispositions en vertu desquelles les autorisations d'exploitation commerciale sont délivrées sont contraires à la liberté d'entreprendre en tant que les critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce méconnaissent l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, une telle méconnaissance ne saurait, en tout état de cause, caractériser par elle-même une atteinte à un droit ou une liberté garanti par la Constitution susceptible d'être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

5. Considérant que la société requérante soutient que les dispositions contestées méconnaissent également la liberté d'entreprendre dès lors qu'elles laissent la Commission nationale d'aménagement commercial fixer elle-même ses critères d'appréciation sans qu'aient été prévues par le législateur les garanties procédurales suffisantes ; qu'il résulte toutefois de ces dispositions que, s'il appartient aux commissions départementales d'aménagement commercial puis à la Commission nationale d'aménagement commercial, saisie au titre du recours prévu à l'article L. 752-17 du code de commerce, d'apprécier, sous le contrôle de la juridiction compétente, la conformité de situations de fait et de projets aux critères fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce, cette faculté d'appréciation ne saurait s'analyser comme l'attribution d'une délégation de compétence permettant à la commission nationale de définir des critères supplémentaires s'ajoutant à ceux prévus par le législateur ; que le législateur pouvait confier aux commissions d'aménagement commercial la compétence de délivrer ces autorisations sans méconnaître la liberté d'entreprendre ; qu'il résulte des articles 34 et 37 de la Constitution que les règles procédurales relatives à l'examen de ces demandes d'autorisation n'avaient pas à être fixées par le législateur lui-même ;

6. Considérant que, selon l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement " dans les conditions prévues par la loi " ; que le législateur, auquel il appartient de répartir les compétences en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme entre l'Etat et les collectivités territoriales, a pu, sans méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales, attribuer aux commissions d'aménagement commercial la compétence de délivrer les autorisations d'exploitation commerciale au nom de l'Etat, en dépit de ce que le rejet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale fait obstacle à la délivrance d'un permis de construire à ce projet ; que ce principe n'implique pas qu'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale respectant les règles d'aménagement du territoire édictées par les collectivités territoriales et leurs groupements dans le cadre de leurs compétences ne puisse être refusée au regard, notamment, des objectifs et critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce ; que le législateur a d'ailleurs prévu, par les dispositions de l'article L. 751-2 du code de commerce, que siègent parmi les membres des commissions départementales d'aménagement commercial le maire de la commune d'implantation ainsi que, lorsque cette commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement ou que celle-ci est membre d'un syndicat mixte ou d'un établissement public de coopération intercommunale chargé du schéma de cohérence territoriale, les présidents de ces établissements ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux, que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 752-1, L. 752-6, L. 752-17 et suivants du code de commerce portent atteinte aux droits et liberté garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCCV Lisieux Développement.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile de construction vente Lisieux Développement, à l'association Cap Lisieux, à l'association " Lisieux au coeur " et à la SAS Bricorama France.

Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial, au Premier ministre, au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 372435
Date de la décision : 16/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2014, n° 372435
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:372435.20140716
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