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08/10/2014 | FRANCE | N°361920

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 08 octobre 2014, 361920


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Orchestre symphonique de Bretagne, dont le siège est 42A, rue Saint Melaine, à Rennes (35108) cedex 3; l'association Orchestre symphonique de Bretagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11NT01416 du 14 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement n° 0801854 du 15 mars 2011 du tribunal administratif de Rennes et la décision du 25 février 2008 pa

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Orchestre symphonique de Bretagne, dont le siège est 42A, rue Saint Melaine, à Rennes (35108) cedex 3; l'association Orchestre symphonique de Bretagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11NT01416 du 14 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement n° 0801854 du 15 mars 2011 du tribunal administratif de Rennes et la décision du 25 février 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section d'Ille-et-Vilaine a autorisé le licenciement de Mme B...A...;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A...;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Orban, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'association Orchestre symphonique de Bretagne et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'insuffisance professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A...exerçait les fonctions de chef de pupitre altos au sein de l'orchestre symphonique de Bretagne ; que des problèmes d'ordre relationnel avaient perturbé le fonctionnement du pupitre en 2002 et 2003 avant d'être résolus par une médiation de la direction de l'orchestre et du délégué du personnel impliquant les membres du pupitre ; que des difficultés relationnelles sont à nouveau apparues à partir de 2006 entre la salariée et plusieurs des musiciens composant le pupitre, ainsi que des dysfonctionnements dans la coordination avec les autres pupitres et le violon soliste ; qu'après l'échec d'une nouvelle médiation organisée avec les délégués du personnel, les membres du pupitre et le violon soliste et le refus de la salariée de retrouver un poste d'instrumentiste dans des conditions de salaire équivalentes, le directeur de l'association gérant l'orchestre symphonique de Bretagne a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier MmeA..., déléguée syndicale et membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ; que la décision de l'inspecteur du travail du 25 février 2008 autorisant le licenciement était fondée sur deux motifs, tirés l'un de l'insuffisance professionnelle de la salariée, l'autre du caractère fautif de son comportement ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé qu'aucun de ces deux motifs n'était légalement justifié ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les fonctions de chef de pupitre nécessitent, outre des qualités d'instrumentiste, des capacités d'encadrement afin notamment d'assurer la coordination artistique des instrumentistes du pupitre et du pupitre avec le reste de l'orchestre et sa direction ; que, par suite, une insuffisance professionnelle peut résulter d'une carence dans l'exercice des fonctions d'encadrement inhérentes à ce poste ; qu'il appartenait dès lors à la cour administrative d'appel de Nantes de rechercher quelle était la part des difficultés relationnelles et des dysfonctionnements constatés qui relevaient d'une insuffisance professionnelle de la chef de pupitre, puis si cette éventuelle insuffisance était susceptible de justifier son licenciement ;

4. Considérant qu'en relevant que les difficultés relationnelles au sein du pupitre n'étaient pas exclusivement imputables à MmeA..., la cour administrative d'appel de Nantes a nécessairement estimé que ces difficultés lui étaient partiellement imputables ; qu'une telle imputabilité, même partielle, étant susceptible de caractériser une défaillance dans les fonctions d'encadrement, la cour ne pouvait, sans entacher son arrêt d'une erreur de droit, déduire de ce seul constat d'une imputabilité partielle que les performances de Mme A...ne caractérisaient pas une insuffisance professionnelle ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association Orchestre symphonique de Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Orchestre symphonique de Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 14 juin 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans la limite de la cassation ainsi prononcée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association Orchestre symphonique de Bretagne est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Orchestre symphonique de Bretagne et à Mme B...A....

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 361920
Date de la décision : 08/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 oct. 2014, n° 361920
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Orban
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361920.20141008
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