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17/10/2014 | FRANCE | N°358904

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 17 octobre 2014, 358904


Vu le pourvoi, enregistré le 27 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX01850 du 21 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur la requête de Mme C...A...épouseD..., après avoir annulé le jugement n° 1100902 du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Toulouse rejetant la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janv

ier 2011 du préfet de la Haute-Garonne refusant de lui délivrer un titre ...

Vu le pourvoi, enregistré le 27 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX01850 du 21 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur la requête de Mme C...A...épouseD..., après avoir annulé le jugement n° 1100902 du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Toulouse rejetant la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2011 du préfet de la Haute-Garonne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de remettre à l'intéressée un certificat de résidence d'un an dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de MmeA..., épouseD... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à l'entrée, au séjour et à l'emploi des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Aubry, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A...;

1. Considérant que, pour juger que l'arrêté du 26 janvier 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer un titre de séjour à MmeA..., épouseD..., et l'a obligée à quitter le territoire, portait à la vie privée et familiale de celle-ci une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi, en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enjoindre au préfet de remettre à l'intéressée un certificat de résidence d'un an, la cour a relevé que celle-ci était depuis plus de neuf ans en France, qu'elle était mariée avec un compatriote, qu'elle avait eu avec celui-ci trois enfants, qui étaient nés en France, y avaient toujours vécu et, pour deux d'entre eux, y étaient scolarisés, que son mari avait droit à un titre de séjour et que de nombreuses attestations témoignaient de la bonne insertion de la famille en France ;

2. Considérant, en premier lieu, que le ministre ne saurait soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en prenant en compte, pour apprécier l'atteinte portée à la vie privée et familiale de MmeA..., épouseD..., ses neuf années de présence en France au motif que l'intéressée était consciente de résider irrégulièrement sur le territoire national ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si le ministre relève, au demeurant pour la première fois en cassation, que MmeA..., épouseD..., aurait été complice de la dissimulation frauduleuse à la faveur de laquelle M. D...a obtenu un certificat de résidence de dix ans en 2004 et qu'elle serait ainsi elle-même coupable de fraude et s'il en déduit que la cour ne pouvait, sans erreur de droit, prendre en compte la période postérieure à 2004 pour apprécier la réalité de la vie privée et familiale de l'intéressée et de l'atteinte qui lui était portée, un tel moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ; qu'en effet, lorsque l'autorité compétente envisage de prendre une mesure de refus d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, qui prive un étranger du droit au séjour en France, il lui incombe notamment de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée ; que s'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manoeuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures à ces manoeuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en se livrant, sans erreur de droit, à l'appréciation analysée au point 1 ci-dessus, la cour n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de qualification juridique ;

5. Considérant, enfin, qu'en enjoignant au préfet, après avoir caractérisé l'existence d'une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressée, de délivrer à MmeB..., épouseD..., un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à l'entrée, au séjour et à l'emploi des ressortissants algériens et de leurs familles, la cour a nécessairement entendu se référer au certificat de résidence prévu au 5) de cet article, qui vise les ressortissants algériens dont les liens personnels et familiaux sont tels que le refus d'autoriser leur séjour porterait une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale ; que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, en ordonnant la délivrance d'un tel titre, la cour n'a pas méconnu la portée de ces stipulations ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros qui sera versée à MmeA..., épouseD..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Mme D...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à Madame C...A..., épouseD....


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 358904
Date de la décision : 17/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 oct. 2014, n° 358904
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Aubry
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:358904.20141017
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