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14/11/2014 | FRANCE | N°363005

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 14 novembre 2014, 363005


Vu, 1°, sous le n° 363005, la requête, enregistrée le 24 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la commune de Neuilly-Plaisance, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 20 juillet 2012 portant déclaration d'utilité publique d'un ouvrage d'énergie électrique et mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Rosny-sous-Bois et Neuilly-Plaisance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative ;

Vu, 2°, sous le n° 363721, l'ordonnance du...

Vu, 1°, sous le n° 363005, la requête, enregistrée le 24 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la commune de Neuilly-Plaisance, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 20 juillet 2012 portant déclaration d'utilité publique d'un ouvrage d'énergie électrique et mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Rosny-sous-Bois et Neuilly-Plaisance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°, sous le n° 363721, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Montreuil, enregistrée le 30 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat par laquelle le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme B...A..., Mme E...C...et l'Association Danger Pylône Santé qui demandent au juge administratif d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2012 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a approuvé le projet de modification des lignes électriques à 225 000 volts Plaisance-Romainville, entre les pylônes n°5 et 10, et Romainville-Villevaudé Z Galère, entre les pylônes nos 46 et 49 ;

....................................................................................

Vu, 3°, sous le n° 363722, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Montreuil, enregistrée le 5 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme B...A..., Mme E...C...et l'Association Danger Pylône Santé et par laquelle elles demandent au juge administratif d'annuler l'arrêté interministériel du 20 juillet 2012 portant déclaration d'utilité publique d'un ouvrage d'énergie électrique et mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Rosny-sous-Bois et Neuilly-Plaisance ;

....................................................................................

Vu, 4°, sous le n° 363723, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Montreuil, enregistrée le 30 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat par laquelle le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la commune de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) qui demande au juge administratif :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2012 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a approuvé le projet de modification des lignes électriques à 225 000 volts Plaisance-Romainville, entre les pylônes n° 5 et 10, et Romainville-Villevaudé Z Galère, entre les pylônes n°s 46 et 49 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montreuil le 24 septembre 2012, présentée par la commune de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis), représentée par son maire ; elle demande au juge administratif d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2012 mentionné ci-dessus, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de la société RTE.

Sur la connexité :

1. Considérant qu'en vertu de l'article R. 341-1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, saisi d'une requête ressortissant à sa compétence en premier et dernier ressort, est également compétent pour connaître de conclusions connexes relevant normalement de la compétence de premier ressort d'un tribunal administratif ;

2. Considérant que, sous les nos 363005 et 363722, la commune de Neuilly-Plaisance, d'une part, et MmeA..., MmeC..., ainsi que l'Association Danger Pylône Santé, d'autre part, demandent l'annulation de l'arrêté interministériel du 20 juillet 2012 portant déclaration d'utilité publique d'un ouvrage d'énergie électrique et mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Rosny-sous-Bois et Neuilly-Plaisance ; que, sous le n° 363721 et le n° 363723, MmeA..., Mme C...et l'Association Danger Pylône Santé, d'une part, et la commune de Neuilly-Plaisance, d'autre part, demandent l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2012 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a approuvé le projet de modification des lignes électriques à 225 000 volts Plaisance-Romainville, entre les pylônes n° 5 et n° 10, et Romainville -Villevaudé Z Galère, entre les pylônes n° 46 et n° 49 ;

3. Considérant que le litige relatif à la modification de lignes électriques n'est en l'espèce pas lié à la solution du litige portant sur la légalité de la déclaration d'utilité publique faisant l'objet des requêtes n° 363005 et n° 363722 ; que, dès lors, il n'existe pas entre les deux demandes un lien de connexité au sens des dispositions susmentionnées de l'article R. 341-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par suite, d'attribuer le jugement des requêtes n° 363721 et n° 363723 au tribunal administratif de Montreuil ;

Sur la jonction des requêtes n° 363005 et n° 363722 :

4. Considérant que les requêtes de la commune de Neuilly-Plaisance d'une part, et de MmeA..., Mme C...et de l'association Danger Pylône Santé d'autre part, sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur l'intervention de MmeA..., de Mme C...et de l'Association Danger Pylône Santé à l'appui de la requête n° 363005 :

5. Considérant que MmeA..., Mme C...et l'association Danger Pylône Santé justifient, eu égard à leur qualité de propriétaires de parcelles concernées par la déclaration d'utilité publique attaquée pour les premières, à son objet statutaire pour la dernière et aux questions soulevées par le litige, d'un intérêt de nature à les rendre recevables à intervenir dans la présente instance devant le Conseil d'Etat ; que leur intervention doit, par suite, être admise ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne les signataires de l'arrêté attaqué :

6. Considérant que, par arrêté du 20 juillet 2012, publié au Journal officiel du 27 juillet 2012, la ministre de l'égalité des territoires et du logement d'une part, et la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie d'autre part, ont déclaré d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, les travaux de modification de la ligne électrique aérienne à deux circuits à 225 000 volts Plaisance-Romainville entre les pylônes n°s 5 et 10, ainsi que les travaux de modification de la ligne électrique aérienne à deux circuits à 225 000 volts Romainville-Villevaudé-Z-Galère entre les pylônes n°s 46 et 49, sur le territoire des communes de Rosny-sous-Bois et Neuilly-Plaisance, dans le département de la Seine-Saint-Denis ; que cet arrêté a été signé, par délégation, respectivement par le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, et par le directeur de l'énergie ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 7 du décret du 11 juin1970, la déclaration d'utilité publique des ouvrages d'électricité en vue de l'exercice des servitudes est prononcée par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'électricité et du ministre chargé de l'urbanisme lorsqu'il est fait application des dispositions du code de l'urbanisme relatives à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur aurait dû signer l'arrêté attaqué n'est pas fondé ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; que, si les noms patronymiques des deux signataires de l'arrêté attaqué sont précédés de la seule initiale de leur prénom, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que leur auteur peut être identifié sans ambiguïté ; que dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article 4 de la loi précitée ;

En ce qui concerne l'étude d'impact :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative. La déclaration d'utilité publique est précédée d'une étude d'impact et d'une enquête publique dans les cas prévus au chapitre II ou au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. " ; qu'en application de ces dispositions, une étude d'impact a été présentée dans le dossier de déclaration d'utilité publique ; que cette étude indique que le projet a pour objet de permettre la construction du bâtiment de l'école du bois à Rosny-sous-Bois ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application d'une convention du 19 mai 1956, passée entre le propriétaire de la parcelle où est situé le pylône n° 8 de la ligne à haute tension, qui prévoyait que, dans l'hypothèse où le propriétaire souhaiterait bâtir une construction, EDF serait tenu de modifier ou de déplacer les ouvrages établis sur sa propriété, la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 30 juin 2010, suite à l'instance engagée par le propriétaire des lieux pour construire un bâtiment, a condamné la société Réseau transport d'électricité (RTE) à déplacer le pylône n° 8 dans les trois mois sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ; qu'en indiquant que le projet avait pour objet de permettre la construction du bâtiment de l'école du bois à Rosny-sous-Bois, l'étude d'impact a décrit sans ambiguïté l'objet du projet ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les motifs réels de l'opération auraient été occultés par l'étude d'impact doit être écarté ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Rosny-sous-Bois a, par lettre du 2 mai 2011, fait part de la nécessité de prendre en compte la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 située sur le territoire de sa commune ; qu'à la suite de son observation, l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique a été modifiée sur ce point ; que l'existence de la ZNIEFF a bien été prise en compte par le commissaire enquêteur ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact aurait omis l'existence de la ZNIEFF n'est pas fondé ;

En ce qui concerne le dossier d'enquête publique :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2010, qu'en janvier 2005, M. D...a demandé à la société RTE de déplacer le pylône n° 8 pour construire un bâtiment et que, le 4 mars 2007, le tribunal de grande instance de Bobigny ordonnait à RTE de déplacer ce pylône ; qu'ainsi qu'il a été indiqué précédemment, en mentionnant que le projet avait pour objet de permettre la construction d'un bâtiment à Rosny-sous-Bois, le dossier d'enquête n'est entaché d'aucune insuffisance en ce qui concerne les motifs réels de l'opération ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des différentes pièces du dossier soumis à enquête que le pylône n° 49 de la ligne électrique aérienne à deux circuits à 225 000 volts Romainville-Villevaudé-Z-Galère était identifié comme directement concerné par l'opération de modification des lignes électriques en cause ; que, dès lors, le moyen selon lequel ce pylône n'aurait pas été initialement pris en compte dans le nouveau tracé manque en fait ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 414-4 du code l'environnement : " Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 (...)/ 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations " ; qu'en application de ces dispositions, une évaluation du projet a été réalisée en novembre 2010 ; que, par lettre du 4 février 2011, le ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique a saisi la formation " autorité environnementale " du conseil général de l'environnement et du développement durable de l'étude d'impact du projet de modification des lignes qui, dans son avis délibéré le 27 avril 2011, joint au dossier d'enquête publique, a indiqué que " l'étude d'impact comporte un dossier d'évaluation des incidences du projet sur les sites Natura 2000 et notamment sur le plateau d'Avron - qui est l'une des 14 entités constituant le site Natura 2000 dénommé " sites de Seine Saint Denis " - qui est suffisamment détaillé " ; qu'en outre, ainsi qu'il ressort de l'avis de cette autorité et du résumé non technique figurant au dossier, que cette évaluation s'est traduite par différentes mesures complémentaires parmi lesquelles la pose de balises avifaunes, la création de deux mares et des adaptations dans les modalités d'organisation du chantier ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'évaluation des incidences sur le site de Natura 2000 aurait été insuffisante doit être écarté ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que, si les requérantes soutiennent que le dossier de l'enquête aurait dû mentionner le réaménagement du parc du plateau d'Avron, prévu pour 2016, elles n'apportent, en tout état de cause, aucun élément de nature à justifier de la matérialité de ce projet à la date à laquelle la procédure a été engagée ;

15. Considérant qu'il s'ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le dossier de l'enquête public était insuffisant ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne l'utilité publique du projet :

16. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; que les travaux de modification de la ligne électrique aérienne à deux circuits à 225 000 volts Plaisance-Romainville entre les pylônes nos 5 et 10 ont pour objet la réalisation du bâtiment de l'école du bois et la suppression, sur le terrain où sera construit ce bâtiment, du pylône n° 8 en application de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2010 ; que, s'il est soutenu qu'elle tire son origine d'une convention signée le 19 mai 1956 entre EDF et le propriétaire du terrain, prévoyant qu'en cas de projet de construction de la part de ce dernier, EDF déplacerait les ouvrages à moins que le propriétaire ne consente à leur maintien moyennant le versement d'une indemnité à raison de l'obstacle apporté à la réalisation du projet, l'opération projetée, en ce qu'elle vise à améliorer la continuité et la sécurité de l'approvisionnement en électricité du nord-est parisien et permettre, en outre, le regroupement de deux circuits d'acheminement de l'électricité sur une portion des lignes Romainville-Plaisance et Romainville-Villevaudé, présente par elle-même un caractère d'utilité publique ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis émis par le commissaire-enquêteur que le projet, dont les impacts visuel, esthétique et écologique notamment en matière de biodiversité sont positifs au regard de la balance des coûts et de l'efficacité, apporte des améliorations et favorise la réalisation d'un vaste parc intercommunal ; que les inconvénients inhérents au déplacement d'une partie de la ligne existante ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer aux travaux projetés leur caractère d'utilité publique ; qu'il n'appartient pas au juge de se prononcer sur l'avantage comparé de solutions techniques alternatives, tel l'enfouissement des lignes ; qu'ainsi les moyens selon lesquels ce projet ne présenterait pas d'utilité publique, ne serait pas celui présentant le plus d'avantages ou aurait des incidences néfastes sur le site de Natura 2000 ne peuvent qu'être écartés ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

17. Considérant qu'ainsi qu'il a été indiqué précédemment, l'opération en cause de modification des lignes électriques revêt un caractère d'utilité publique ; qu'aux termes de l'article L. 323-7 du code de l'énergie traitant de la traversée des propriétés privées par les ouvrages de transport et de distribution, " Lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L. 323-4 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L'indemnité qui peut être due à raison des servitudes est fixée, à défaut d'accord amiable, par le juge judiciaire " ; qu'en conséquence, l'arrêté contesté n'a, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de toute personne au respect de ses biens ;

En ce qui concerne la mise en compatibilité des documents d'urbanisme :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 323-4 du code de l'énergie : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements. La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit (...)/ 4° De couper les arbres et branches d'arbres qui, se trouvant à proximité des conducteurs aériens d'électricité, gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute, occasionner des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages. " ; que le passage d'une ligne de transport d'énergie électrique à très haute tension est incompatible, compte tenu des servitudes qu'il entraîne, avec le classement des terrains surplombés comme espaces boisés protégés ; qu'en procédant à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Rosny-sous-Bois et de Neuilly-Plaisance, l'arrêté attaqué a tiré, notamment pour la sécurité des personnes et des biens et pour la sécurité de l'alimentation électrique du secteur, les conséquences des modifications apportées aux deux lignes de transport d'énergie électrique en cause ; qu'en prononçant cette mise en compatibilité, les ministres en charge de l'énergie et de l'industrie n'ont pas fait une inexacte application de la loi ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que la mise en compatibilité serait inutile ou que le commissaire enquêteur aurait émis un avis défavorable sur ce point doivent être écartés ;

En ce qui concerne les risques pour la personne humaine :

19. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé " ; qu'aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ;

20. Considérant qu'une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être déclarée d'utilité publique ; qu'il appartient dès lors à l'autorité compétente de l'Etat, saisie d'une demande tendant à ce qu'un projet soit déclaré d'utilité publique, de rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution ; que, si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en oeuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d'une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d'autre part, à l'intérêt de l'opération, les mesures de précaution dont l'opération est assortie afin d'éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives ; qu'il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l'acte déclaratif d'utilité publique et au vu de l'argumentation dont il est saisi, de vérifier que l'application du principe de précaution est justifiée, puis de s'assurer de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en oeuvre et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution ;

21. Considérant que, si aucun lien de cause à effet entre l'exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence et un risque accru de survenance de leucémie chez l'enfant n'a été démontré, plusieurs études ont, malgré leurs limites, mis en évidence une corrélation statistique significative entre le facteur de risque invoqué par les requérants et l'occurrence d'une telle pathologie supérieure à la moyenne ; que le contenu de ces études ne peut être remis en cause par les deux études produites par la société RTE qui, par la date à laquelle elles ont été rendues publiques, ne peuvent refléter l'état des connaissances à la date de l'acte attaqué ; que, dans ces conditions, l'existence d'un tel risque doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l'état des connaissances scientifiques pour justifier l'application du principe de précaution ;

22. Considérant que, si les requérantes soutiennent que le nouveau tracé de la ligne de transport d'énergie est de nature à faire courir un risque à la personne humaine, il ressort des pièces du dossier que le maître d'ouvrage a pris en compte, dans l'étude d'impact, l'état actuel des connaissances scientifiques relatives au risque potentiel d'exposition à des champs électromagnétiques de très basse fréquence ; qu'il a informé le public de ce risque ; qu'il a retenu un tracé éloignant la ligne de la zone résidentielle de la rue Jules Guesde en évitant tout établissement accueillant des personnes particulièrement exposées à ce risque potentiel ; qu'il a mis en place une dispositif de surveillance des ondes électromagnétiques émises par l'ouvrage en cause ;

23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les exigences découlant de l'article 5 de la Charte de l'environnement ont été pleinement satisfaites et que le moyen tiré de la méconnaissance de ses dispositions doit être écarté ;

24. Considérant que les requérantes soutiennent, par une argumentation identique à celle qu'elles développent au soutien de leur moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution, que l'arrêté attaqué serait également incompatible avec le droit à la santé qu'elles estiment garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société RTE, les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté interministériel du 20 juillet 2012 ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Neuilly-Plaisance, d'une part, et de MmeA..., de Mme C...et de l'association Danger Pylône Santé, d'autre part, la somme de 2 000 euros à verser à la société RTE, au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les affaires nos 363721 et 363723 sont renvoyées au tribunal administratif de Montreuil.

Article 2 : L'intervention de MmeA..., de Mme C...et de l'association Danger Pylône Santé dans l'affaire n° 363005 est admise.

Article 3 : Les requêtes de la commune de Neuilly-Plaisance d'une part et de MmeA..., de Mme C...et de l'association Danger Pylône Santé d'autre part, sont rejetées.

Article 4 : La commune de Neuilly-Plaisance, d'une part, et MmeA..., Mme C...et l'association Danger Pylône, d'autre part, verseront respectivement à la société RTE la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Neuilly-Plaisance, à Mme B...A..., à Mme E...C..., à l'association Danger Pylône Santé, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et à la société Réseau transport d'électricité (RTE).


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 363005
Date de la décision : 14/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 2014, n° 363005
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:363005.20141114
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