La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2014 | FRANCE | N°367013

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 28 novembre 2014, 367013


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fédération Réseau sortir du nucléaire, dont le siège est 9, rue Dumenge à Lyon (69004), l'association Alsace nature, dont le siège est situé 8, rue Adèle Riton à Strasbourg (67000), l'association Stop Transports - Halte au Nucléaire, dont le siège est 5, rue de Mundolsheim à Schiltigheim (67300), l'association Stop Fessenheim, dont le siège est 13, rue Berthe Molly à Colmar (68000) et l'association pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, dont le si

ège est 16, chemin de la Croisette à Freconrupt (67130) ; la fédéra...

Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fédération Réseau sortir du nucléaire, dont le siège est 9, rue Dumenge à Lyon (69004), l'association Alsace nature, dont le siège est situé 8, rue Adèle Riton à Strasbourg (67000), l'association Stop Transports - Halte au Nucléaire, dont le siège est 5, rue de Mundolsheim à Schiltigheim (67300), l'association Stop Fessenheim, dont le siège est 13, rue Berthe Molly à Colmar (68000) et l'association pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, dont le siège est 16, chemin de la Croisette à Freconrupt (67130) ; la fédération Réseau sortir du nucléaire et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, d'une part, la décision n° 2011-DC-0231 du 4 juillet 2011 en tant que, par cette décision, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a fixé à Electricité de France (EDF) des prescriptions complémentaires applicables au radier du réacteur n° 1 du site électronucléaire de Fessenheim, d'autre part, la décision du 18 décembre 2012 de l'ASN donnant son accord pour la mise en oeuvre des travaux de renforcement du radier du réacteur n° 1 de cette centrale, enfin, la décision implicite née du silence gardé par l'ASN sur leur demande tendant au retrait ou à l'abrogation de ces deux décisions ;

2°) de mettre à la charge de l'ASN la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret du 3 février 1972 autorisant Electricité de France à créer une centrale nucléaire à Fessenheim (Haut-Rhin) ;

Vu le décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la fédération Réseau sortir du nucléaire, de l'association Alsace nature, de l'association Stop transports - halte au nucléaire, de l'association Stop Fessenheim et de l'association pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat d'Electricité de France, et de la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, de la fédération chimie énergie CFDT, de la fédération de l'énergie et des mines FO et de la fédération CFE-CGC Energies ;

1. Considérant que la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, la fédération chimie énergie CFDT, la fédération de l'énergie et des mines FO et la fédération CFE-CGC Energies justifient d'un intérêt suffisant au maintien des décisions attaquées, qui visent à renforcer la résistance du radier du réacteur n° 1 de la centrale nucléaire de Fessenheim en cas d'accident grave ; qu'ainsi, leur intervention en défense est recevable ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par la société EDF :

2. Considérant que, s'il résulte de l'instruction que les travaux en cause ont été achevés au 30 juin 2013, cette circonstance n'a pas pour effet de priver d'objet la requête dirigée contre les décisions attaquées du 4 juillet 2011 et du 19 décembre 2012 qui ont autorisé ces travaux ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par la société EDF doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 4 juillet 2011 et du 19 décembre 2012 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 593-1 du code de l'environnement : " Les installations nucléaires de base énumérées à l'article L. 593-2 sont soumises au régime légal défini par les dispositions du présent chapitre et du chapitre VI du présent titre en raison des risques ou inconvénients qu'elles peuvent présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement. " ; qu'il appartient à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dans le cadre de sa mission de contrôle de la sûreté nucléaire, de demander à l'exploitant d'effectuer les travaux qu'elle estime nécessaires afin d'assurer la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1, ainsi que d'autoriser l'exploitant à effectuer les travaux qu'il projette ; que le I et le II de l'article L. 593-14 du même code disposent que : " Une nouvelle autorisation est requise en cas de : 1° Changement d'exploitant de l'installation ; / 2° Modification du périmètre de l'installation ; /3° Modification notable de l'installation. / A l'exception des demandes motivées par les cas mentionnés au 1° et au 2° du I qui font l'objet d'une procédure allégée dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, cette nouvelle autorisation est accordée selon la procédure, qui comprend une enquête publique réalisée conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier, et sous les conditions prévues aux articles L. 593-7 à L. 593-13. " ; qu'aux termes du 2° de l'article 31 du décret du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives : " Constitue une modification notable d'une installation nucléaire de base au sens des dispositions du II de l'article 29 de la loi du 13 juin 2006 : 1° Un changement de sa nature ou un accroissement de sa capacité maximale ; / 2° Une modification des éléments essentiels pour la protection des intérêts mentionnés au I de l'article 28 de la loi du 13 juin 2006, qui figurent dans le décret d'autorisation en application de l'article 16 ; / 3° Un ajout, dans le périmètre de l'installation, d'une nouvelle installation nucléaire de base. / L'exploitant qui veut modifier de façon notable son installation adresse une demande d'autorisation aux ministres chargés de la sûreté nucléaire dans les conditions définies aux articles 7 et 8. Le dossier accompagnant la demande porte sur l'installation telle qu'elle résulterait de la modification envisagée et précise l'impact de cette modification sur les différents éléments de l'autorisation en cours. / La demande est instruite et fait l'objet d'une décision selon les modalités définies au chapitre II du titre III. (...) " ; que l'article 26 du même décret prévoit qu'en cas de projet de modification de l'installation ne relevant pas de l'article 31, l'exploitant déclare à l'ASN les travaux envisagés et ne peut les mettre en oeuvre sans accord exprès de cette autorité ; qu'en vertu de ce même article, si l'ASN estime que la modification envisagée met en cause de façon notable les conditions de création de l'installation, elle invite l'exploitant, dans le cas où il confirmerait son projet, à déposer auprès des ministres chargés de la sûreté nucléaire une demande de modification de l'autorisation de création ; que le décret du 3 février 1972 autorisant la création de la centrale nucléaire de Fessenheim énonce en son point 6 à titre d'élément essentiel pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 que l'intégrité de l'enceinte de confinement devra être maintenue en toutes circonstances ;

4. Considérant qu'au vu de la décision n° 2011-DC-0213 de l'ASN du 5 mai 2011 prescrivant à EDF de procéder à une évaluation complémentaire de la sûreté de certaines de ses installations nucléaires de base au regard de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (Japon) et du rapport de conclusions du troisième réexamen de sûreté du réacteur n° 1 de la centrale nucléaire de Fessenheim, l'ASN a notamment, par la décision attaquée du 4 juillet 2011, fixé à EDF la prescription complémentaire suivante : " Avant le 30 juin 2013, le radier du bâtiment réacteur sera renforcé afin d'augmenter très fortement sa résistance au corium en cas d'accident grave avec percement de la cuve. / EDF soumettra pour accord à l'ASN avant le 31 décembre 2011 le dossier analysant les solutions envisageables et justifiant les modifications de l'installation proposées pour atteindre cet objectif. " ; que, par la décision également contestée du 19 décembre 2012, l'ASN a donné son accord pour que soit mise en oeuvre la modification proposée par EDF pour atteindre cet objectif, consistant à épaissir le radier du puits de cuve et à permettre, en cas d'accident grave avec percement de la cuve, un étalement du corium sur le radier du réacteur dans une zone de collecte, également épaissie ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que ces travaux doivent permettre de multiplier par plus de trois la durée minimale de percement du radier en cas d'accident grave avec percement de la cuve, sans porter atteinte, contrairement à ce qui est soutenu, à l'intégrité de l'enceinte de confinement, laquelle est au nombre des éléments essentiels de l'installation mentionnés par le décret du 3 février 1972 ; que, par suite, eu égard à leur nature et à leur ampleur, les travaux visant à renforcer la résistance du radier de la centrale ne sauraient être regardés comme une modification notable d'une installation nucléaire de base au sens des dispositions du 3° du I de l'article L. 593-1 du code de l'environnement et du 2° de l'article 31 du décret du 2 novembre 2007 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les travaux en cause n'auraient pu être décidés qu'au terme de la procédure prévue en cas de modification notable d'une installation nucléaire de base ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aussi longtemps qu'aucun décret de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement n'est intervenu, après la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 593-25 du code de l'environnement, une installation nucléaire de base est autorisée à fonctionner, dans des conditions de sûreté auxquelles il appartient à l'ASN de veiller en vertu de l'article L. 592-1 du même code ; qu'il incombe ainsi à l'Autorité d'évaluer la sûreté des installations nucléaires existantes, de s'assurer, à tout moment, du respect des prescriptions de sûreté par les exploitants et de prendre les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement ; que les déclarations du Président de la République invoquées par les associations requérantes et la décision de créer une délégation interministérielle à la fermeture de la centrale ne sauraient, en l'absence du décret prévu à l'article L. 593-25 du code de l'environnement, avoir d'incidence sur l'accomplissement par l'ASN des missions qui lui incombent en vue d'assurer la sûreté des installations nucléaires de base ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, eu égard à ces déclarations et à la création de cette délégation, l'ASN aurait dû revenir sur ses décisions et, faute de l'avoir fait, aurait commis une erreur d'appréciation, ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1333-1 du code de la santé publique : " Les activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants et ci-après dénommées activités nucléaires, émanant soit d'une source artificielle, qu'il s'agisse de substances ou de dispositifs, soit d'une source naturelle lorsque les radionucléides naturels sont traités ou l'ont été en raison de leurs propriétés radioactives, fissiles ou fertiles, ainsi que les interventions destinées à prévenir ou réduire un risque radiologique consécutif à un accident ou à une contamination de l'environnement, doivent satisfaire aux principes suivants : / 1° Une activité nucléaire ou une intervention ne peut être entreprise ou exercée que si elle est justifiée par les avantages qu'elle procure, notamment en matière sanitaire, sociale, économique ou scientifique, rapportés aux risques inhérents à l'exposition aux rayonnements ionisants auxquels elle est susceptible de soumettre les personnes ; / 2° L'exposition des personnes aux rayonnements ionisants résultant d'une de ces activités ou interventions doit être maintenue au niveau le plus faible qu'il est raisonnablement possible d'atteindre, compte tenu de l'état des techniques, des facteurs économiques et sociaux et, le cas échéant, de l'objectif médical recherché ; / 3° L'exposition d'une personne aux rayonnements ionisants résultant d'une de ces activités ne peut porter la somme des doses reçues au-delà des limites fixées par voie réglementaire, sauf lorsque cette personne est l'objet d'une exposition à des fins médicales ou de recherche biomédicale. " ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé l'ASN, à laquelle il revient de s'assurer du respect des règles de protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants, y compris de ceux chargés des travaux de maintenance, que les mesures prises par EDF satisfaisaient aux exigences posées par cet article ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l'Autorité, qui disposait des éléments nécessaires fournis par EDF sur les mesures de radioprotection et qui a sollicité l'avis de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus en autorisant EDF à réaliser les travaux de renforcement du radier et en contrôlant leur exécution ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions attaquées ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils ont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que la société EDF demande au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, de la fédération chimie énergie CFDT, de la fédération de l'énergie et des mines FO et de la fédération CFE-CGC Energies est admise.

Article 2 : La requête de la fédération Réseau sortir du nucléaire et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société EDF présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la fédération Réseau sortir du nucléaire premier requérant dénommé, à l'Autorité de sûreté nucléaire, à la société EDF, à la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, premier intervenant dénommé et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Les autres requérants et intervenants seront informés de la présente décision, respectivement par la SCP Boré et Salve de Bruneton et par la SCP Baraduc et Duhamel, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représentent devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 367013
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-03-04 ENERGIE. INSTALLATIONS NUCLÉAIRES. - MODIFICATION NOTABLE D'UNE INSTALLATION NUCLÉAIRE DE BASE REQUÉRANT UNE MODIFICATION DE L'AUTORISATION PRÉALABLE DE CRÉATION - TRAVAUX DE RENFORCEMENT DU RADIER - ABSENCE.

29-03-04 En vertu des I et II de l'article L. 593-14 du code de l'environnement, une modification de l'autorisation de création de l'installation nucléaire de base (INB) est requise en cas de modification notable de l'installation, telle que précisée par l'article 31 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007.... ,,En l'espèce, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son accord à des travaux, tendant à la mise en oeuvre d'une prescription complémentaire de cette même autorité, consistant à épaissir le radier du puits de cuve et à permettre, en cas d'accident grave avec percement de la cuve, un étalement du corium sur le radier du réacteur dans une zone de collecte, également épaissie. Il résulte de l'instruction que ces travaux doivent permettre de multiplier par plus de trois la durée minimale de percement du radier en cas d'accident grave avec percement de la cuve, sans porter atteinte, contrairement à ce qui est soutenu, à l'intégrité de l'enceinte de confinement, laquelle est au nombre des éléments essentiels de l'installation mentionnés par le décret du 3 février 1972. Par suite, eu égard à leur nature et à leur ampleur, les travaux visant à renforcer la résistance du radier de la centrale ne sauraient être regardés comme une modification notable d'une installation nucléaire de base au sens des dispositions du 3° du I de l'article L. 593-1 du code de l'environnement et du 2° de l'article 31 du décret du 2 novembre 2007.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2014, n° 367013
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:367013.20141128
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award