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12/12/2014 | FRANCE | N°377152

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 12 décembre 2014, 377152


Vu la procédure suivante :

1°, sous le n° 377152, par une requête enregistrée le 7 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. C... A...demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-176 du 18 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département des Deux-Sèvres.

2°, sous le n° 377956, par une requête enregistrée le 16 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme D... B...demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-176 du 18 février 2014 portant

délimitation des cantons dans le département des Deux-Sèvres.

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Vu la procédure suivante :

1°, sous le n° 377152, par une requête enregistrée le 7 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. C... A...demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-176 du 18 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département des Deux-Sèvres.

2°, sous le n° 377956, par une requête enregistrée le 16 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme D... B...demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-176 du 18 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département des Deux-Sèvres.

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Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral, applicable à la date de la signature du décret attaqué : " I.- Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'État après consultation du conseil général (...) " ; que l'article L. 3121-18 de ce code, alors applicable, dispose que : " Tout membre du conseil général a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires du département qui font l'objet d'une délibération " ; que l'article L. 3121-18-1 du même code, alors applicable, précise que : " Le conseil général assure la diffusion de l'information auprès de ses membres élus par les moyens matériels qu'il juge les plus appropriés. / Afin de permettre l'échange d'informations sur les affaires relevant de ses compétences, le conseil général peut, dans les conditions définies par son assemblée délibérante, mettre à disposition de ses membres élus, à titre individuel, les moyens informatiques et de télécommunications nécessaires " ; qu'enfin, l'article L. 3121-19 du même code prévoit que : " Douze jours au moins avant la réunion du conseil général, le président adresse aux conseillers généraux un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises. / (...) / Sans préjudice des dispositions de l'article L. 3121-18, en cas d'urgence, le délai prévu au premier alinéa peut être abrégé par le président sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le jugement par des membres de la section du contentieux du Conseil d'État des présentes requêtes, dirigées contre un décret pris après avis de la section de l'intérieur du Conseil d'État, placerait ce dernier en situation de " juge et partie " et méconnaîtrait ainsi le droit des requérants à être jugé par un tribunal indépendant et impartial garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, dès lors que les membres du Conseil d'État statuant sur ces requêtes n'ont pas pris part à la délibération de l'avis rendu sur le décret attaqué ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, cité au point 2, qu'il appartenait au gouvernement de procéder, par décret en Conseil d'État, à une nouvelle délimitation territoriale de l'ensemble des cantons ;

5. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet des Deux-Sèvres a transmis au conseil général, en vue de la réunion au cours de laquelle celui-ci devait donner son avis sur le projet de décret portant délimitation des cantons dans le département, le projet de décret accompagné de plusieurs cartes et tableaux permettant d'apprécier l'ampleur et les modalités de la nouvelle délimitation, celle-ci ayant au surplus fait l'objet d'une présentation par le préfet au cours de la réunion du conseil général du 17 octobre 2013 ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté qu'en application des dispositions citées au point 2, et dans le respect des délais qu'elles prévoient, le président du conseil général des Deux-Sèvres a adressé aux conseillers généraux, en vue de la réunion du 17 octobre 2013, un rapport accompagné d'une carte, seul l'intitulé de celle-ci ayant été rectifié huit jours avant cette réunion ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la consultation du conseil général aurait été irrégulière ;

6. Considérant, d'autre part, que s'il est soutenu que le décret attaqué est irrégulier faute d'avoir été précédé de la consultation des communes concernées par la nouvelle délimitation cantonale qu'il opère, ni les textes cités au point 2, ni aucun autre texte, non plus qu'aucun principe, notamment pas le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, n'imposent la consultation préalable des communes du département dont les limites cantonales sont modifiées ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des III et IV de l'article L. 3113-2 précité du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées par des considérations géographiques ou par d'autres impératifs d'intérêt général pouvant être apportées à ces règles ; que ni ces dispositions, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposaient au Premier ministre de prévoir que les limites des nouveaux cantons, qui sont des circonscriptions électorales, tiennent comptent des distances entre communes, des liens entre elles, ou de leur caractère urbain ou rural, ni qu'elles coïncident avec celles des anciens cantons, avec le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale ou avec les régions naturelles ;

8. Considérant, par suite, que le moyen soulevé par M. A..., tiré de ce que la nouvelle délimitation des cantons prévue par le décret attaqué ne respecte ni les limites du territoire de la communauté d'agglomération de Niort, ni celles des cantons actuels du département des Deux-Sèvres, ni celles du Marais poitevin, est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, de même, qu'est inopérant le moyen tiré de ce que les trois cantons sur lesquels s'étend la ville de Niort comptent parmi les moins peuplés du département, dès lors qu'aucune méconnaissance des dispositions de l'article L. 3113-2 précité du code général des collectivités territoriales n'est alléguée ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que Mme B..., qui se borne à soutenir que " les limites des cantons et de l'intercommunalité ne sont pas respectées " par la nouvelle délimitation des cantons prévue par le décret attaqué, laquelle conduirait " à des incohérences évidentes ", notamment faute de coïncider avec les limites des territoires du Haut Val de Sèvre et du Mellois, et avec celles de la communauté d'agglomération de Niort, n'est pas fondée à soutenir, alors qu'il n'est pas contesté que la nouvelle délimitation respecte les critères définis par l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, que le décret attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant, en sixième lieu, que la circonstance qu'une autre délimitation des cantons, comprenant le territoire de la communauté d'agglomération de Niort ou permettant de " tenir compte de la réalité historique, géographique, économique, administrative et humaine des territoires du Mellois et du Haut Val de Sèvre " aurait été envisageable sans méconnaître les critères définis par l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;

12. Considérant, en septième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de M. A... et de Mme B... ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de M. A... et de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à Mme D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 377152
Date de la décision : 12/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2014, n° 377152
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:377152.20141212
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