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30/12/2014 | FRANCE | N°371502

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 30 décembre 2014, 371502


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 21 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ...; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 08007368 du 13 mai 2013 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2008 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile et refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à

défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;

2°) rég...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 21 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ...; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 08007368 du 13 mai 2013 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2008 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile et refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 2 ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Godet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B...;

1. Considérant que, par une décision du 2 avril 2008, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile de M. A...B..., ressortissant turc dont l'appartenance passée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) n'est pas contestée, au motif qu'il existait de sérieuses raisons de penser qu'il s'était rendu personnellement coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations-Unies ; que, par une décision n° 341430 du 7 mai 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé la décision du 15 février 2010 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours de M. B...contre la décision précitée du 2 avril 2008 du directeur général de l'OFPRA, et a, d'autre part, renvoyé l'affaire à cette cour ; que M. B...se pourvoit en cassation contre la décision du 13 mai 2013 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté, une seconde fois, son recours ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 733-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aujourd'hui reprises au dernier alinéa de l'article R. 733-30 : " La minute de chaque décision est signée par le président de la formation de jugement qui a rendu cette décision et par le secrétaire général de la cour ou par un chef de service " ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le secrétaire général ou un chef de service de la Cour nationale du droit d'asile, dont les fonctions ne les appellent à participer ni à l'audience ni au délibéré, délègue sa signature à l'un des agents de la Cour ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision de la Cour nationale du droit serait irrégulière au seul motif qu'elle est revêtue de la signature d'un agent qui n'est pas au nombre de ceux mentionnés à l'article R. 733-30 précité ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la Cour nationale du droit d'asile, saisie d'une demande d'asile à laquelle l'OFPRA a opposé un refus, y statue à nouveau pour reconnaître ou refuser au demandeur la qualité de réfugié au titre de la protection conventionnelle ou subsidiaire ; qu'à ce titre, il lui appartient, dans l'exercice de son pouvoir d'instruction, de rechercher, afin d'établir les faits sur lesquels reposera sa décision, tous les éléments d'information utiles ; qu'elle peut à ce titre utiliser, sans les verser au dossier, les éléments d'information générale librement accessibles au public dont elle doit alors indiquer l'origine dans sa décision ; qu'en revanche, elle ne peut ensuite fonder sa décision sur les résultats de ses recherches qu'après avoir versé au dossier, afin que les parties puissent en prendre connaissance et les discuter, les pièces qui contiennent des éléments d'information susceptibles de confirmer ou d'infirmer des circonstances de fait propres au demandeur d'asile ou spécifiques à son récit ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que la cour s'est fondée, sans les verser au dossier, sur des rapports et documents librement accessibles au public pour établir que le PKK avait commis des faits constitutifs de violations des droits de l'homme à l'encontre des populations civiles du sud-est de la Turquie, en particulier dans le cadre de sa pratique courante de l'extorsion de fonds ; que, d'une part, il ressort des énonciations de la décision attaquée que ces documents n'ont été utilisés par la cour que pour caractériser, de manière générale, les méthodes du PKK au cours des années durant lesquelles elle a jugé que le requérant avait exercé des " responsabilités intermédiaires " au sein de la branche armée de cette organisation ; qu'il suit de là qu'en fondant sa décision sur ces éléments d'information générale sans les avoir versés au dossier, la cour n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; que, d'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, aucune règle ni aucun principe ne s'oppose à ce qu'elle tienne compte de tels documents, alors même qu'ils ne sont pas disponibles en langue française, dès lors que l'utilisation de tels documents ne fait pas, comme en l'espèce, obstacle à l'exercice par le juge de cassation du contrôle qui lui incombe ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er, paragraphe F, de la convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (...) c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies (...) ; " ; qu'aux termes de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser : (...) b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiées ; / c) qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies (...) " ;

6. Considérant que, pour annuler la décision du 15 février 2010 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant un précédent recours de M.B..., le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, dans sa décision du 7 mai 2012, jugé que la cour avait insuffisamment motivé sa décision en estimant que l'intéressé entrait dans le champ des stipulations précitées de l'article 1er, paragraphe F, de la convention de Genève, sans préciser la nature des crimes qu'il aurait commis ou contribué à commettre, alors même qu'il n'avait pas un rôle dirigeant au sein du PKK ; que, par suite, la cour pouvait, sans méconnaître la chose jugée par la décision du 7 mai 2012, estimer que M. B...avait exercé des " responsabilités intermédiaires " au sein de la branche armée du PKK entre 2002 et février 2006 à Semdinli ;

7. Considérant, en dernier lieu, que si la décision attaquée indique à tort que le PKK n'a jamais été retiré de la liste des organisations terroristes fixées par l'Union européenne alors que, par un arrêt du Tribunal de première instance de l'Union européenne en date du 3 avril 2008, la décision du Conseil de l'Union européenne inscrivant le PKK sur cette liste avait fait l'objet d'une annulation, avant que cette organisation soit à nouveau inscrite sur cette liste par une nouvelle décision du Conseil de l'Union européenne, cette inexactitude n'a eu, par elle-même, aucune incidence sur l'appréciation par la cour, à la date à laquelle elle a statué, du caractère terroriste du PKK ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 371502
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

- UTILISATION D'ÉLÉMENTS D'INFORMATION GÉNÉRALE LIBREMENT ACCESSIBLES AU PUBLIC - 1) OBLIGATION DE VERSEMENT AU DOSSIER - ABSENCE [RJ1] - 2) ELÉMENTS INDISPONIBLES EN LANGUE FRANÇAISE - POSSIBILITÉ POUR LA COUR DE LES UTILISER - EXISTENCE EN L'ESPÈCE - DÈS LORS QUE CELA NE FAIT PAS OBSTACLE AU CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION.

095-08-02-02 1) La Cour nationale du droit d'asile (CNDA), en fondant sa décision sur des éléments d'information générale librement accessibles au public sans les avoir versés au dossier, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure.,,,2) Aucune règle ni aucun principe ne s'oppose à ce qu'elle tienne compte de tels documents, alors même qu'ils ne sont pas disponibles en langue française, dès lors que l'utilisation de tels documents ne fait pas, comme en l'espèce, obstacle à l'exercice par le juge de cassation du contrôle qui lui incombe.

- UTILISATION D'ÉLÉMENTS D'INFORMATION GÉNÉRALE LIBREMENT ACCESSIBLES AU PUBLIC - 1) OBLIGATION DE VERSEMENT AU DOSSIER - ABSENCE [RJ1] - 2) ELÉMENTS INDISPONIBLES EN LANGUE FRANÇAISE - POSSIBILITÉ POUR LA COUR DE LES UTILISER - EXISTENCE EN L'ESPÈCE - DÈS LORS QUE CELA NE FAIT PAS OBSTACLE AU CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION.

095-08-02-03-01 1) La Cour nationale du droit d'asile (CNDA), en fondant sa décision sur des éléments d'information générale librement accessibles au public sans les avoir versés au dossier, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure.,,,2) Aucune règle ni aucun principe ne s'oppose à ce qu'elle tienne compte de tels documents, alors même qu'ils ne sont pas disponibles en langue française, dès lors que l'utilisation de tels documents ne fait pas, comme en l'espèce, obstacle à l'exercice par le juge de cassation du contrôle qui lui incombe.

- SIGNATURE DE LA MINUTE DE CHAQUE DÉCISION PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL OU UN CHEF DE SERVICE - POSSIBILITÉ DE DÉLÉGUER LA SIGNATURE À UN AGENT DE LA COUR - EXISTENCE.

095-08-04 Les dispositions de l'article R. 733-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aujourd'hui reprises au dernier alinéa de l'article R. 733-30, qui prévoient la signature de la minute de chaque décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par le secrétaire général ou un chef de service de la cour, ne font pas obstacle à ce que le secrétaire général ou un chef de service de la cour, dont les fonctions ne les appellent à participer ni à l'audience ni au délibéré, délègue sa signature à l'un des agents de la cour.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 22 octobre 2012, Martazanov, n°328265, p. 367.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2014, n° 371502
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Godet
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:371502.20141230
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