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26/01/2015 | FRANCE | N°360933

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 26 janvier 2015, 360933


Vu 1°, sous le n° 360933, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 10 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), dont le siège est 17, place de la Bourse à Paris (75082) ; le président de l'Autorité des marchés financiers demande au Conseil d'État :

1°) de réformer la décision du 14 juin 2012 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, prononcé à l'encontre de la société Exane une sa

nction pécuniaire de 500 000 euros et à l'encontre de M. A...un avertissement et,...

Vu 1°, sous le n° 360933, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 10 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), dont le siège est 17, place de la Bourse à Paris (75082) ; le président de l'Autorité des marchés financiers demande au Conseil d'État :

1°) de réformer la décision du 14 juin 2012 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, prononcé à l'encontre de la société Exane une sanction pécuniaire de 500 000 euros et à l'encontre de M. A...un avertissement et, d'autre part, ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers en prononçant à l'encontre de M.A..., outre un avertissement, une sanction pécuniaire de 200 000 euros et en portant la sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de la société Exane à 1 000 000 euros ;

2°) d'ordonner la publication de la présente décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu 2°, sous le n° 361999, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 16 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société Exane, dont le siège social est au 16, avenue Matignon à Paris (75008), représentée par son président directeur général ; la société Exane demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la même décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 500 000 euros et ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) subsidiairement, de réduire le montant de la sanction qui lui a été infligée ;

3°) d'ordonner la publication de la décision du Conseil d'État sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

4°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu 3°, sous le n° 362000, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 16 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. Nicolas Chanut, demeurant ... ; M. A... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la même décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a prononcé à son encontre un avertissement et ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) d'ordonner la publication de la décision du Conseil d'État sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique qu'il a acquittée en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 janvier 2015, présentée pour la société Exane ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 janvier 2015, présentée pour M. A... ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 9 janvier 2015, présentées pour l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Vincent, Ohl, avocat du président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société B...et Gavaudan et de M. B...et à Me Foussard, avocat de la société Exane et de M.A...,

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " I. - Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l'Autorité de contrôle prudentiel. / S'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. / II. - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; (...) " ;

2. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a notifié, le 22 juillet 2010, à la société Exane et à M. Nicolas Chanut, président directeur général de cette société, des griefs tirés notamment de la méconnaissance des dispositions de l'article 223-27 du règlement général de l'AMF et de l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, imposant l'obligation de tenir une liste d'initiés et d'établir un dispositif dit " muraille de Chine " en cas de détention d'une information privilégiée, ainsi que des dispositions des articles 314-3, 313-18 et 313-19 du même règlement général, relatives à l'obligation de détection des conflits d'intérêts dans des conditions garantissant l'intégrité du marché et l'intérêt primordial du client ; que la commission des sanctions de l'AMF a prononcé, le 14 juin 2012, à l'encontre de la société Exane une sanction pécuniaire de 500 000 euros et à l'encontre de M. A...un avertissement ; qu'elle a également décidé que sa décision serait publiée sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ; que les requêtes du président de l'Autorité des marchés financiers, de la société Exane et de M. A...sont dirigées contre cette décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la régularité de la décision :

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les manquements motivant les sanctions qui leur ont été infligées se rattachent aux griefs qui leur ont été notifiés dans les conditions rappelées ci-dessus ; que les lettres de notification des griefs précisaient que l'information privilégiée rendant nécessaire la tenue d'une liste d'initiés et l'établissement d'une " muraille de Chine " résultait des mentions figurant dans le mandat donné par le société Paribas Affaires Industrielles Partners (PAI) à la société Exane dans un courrier électronique du 18 juin 2008 précisant le nombre de titres qui devaient être achetés sur le marché, le prix proposé et la stratégie d'achat comportant plusieurs phases successives ; que la circonstance que la notification de griefs comportait une erreur, d'ailleurs relevée par la commission des sanctions dans sa décision, sur le nombre de titres acquis par la société Exane et leur prix d'acquisition ne constitue pas une irrégularité de nature à vicier la procédure de sanction, dès lors qu'elle était sans incidence sur la caractérisation des griefs notifiés ;

4. Considérant, d'autre part, que si l'obligation de motivation à laquelle sont assujetties les sanctions prononcées par la commission des sanctions implique que celles-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, elle n'impose pas qu'il soit répondu à l'intégralité des arguments invoqués devant la commission ; que contrairement à ce que soutiennent la société Exane et M.A..., la décision qu'ils attaquent, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; qu'en précisant que la société Exane aurait dû, compte tenu du caractère privilégié de l'information relative à l'opération globale, n'informer ses préposés chargés de l'acquisition des titres que de la phase en cours et non de l'ensemble de l'opération, la commission a, en tout état de cause, implicitement mais nécessairement écarté l'argument tiré de ce que l'établissement d'une " muraille de Chine " permettant d'isoler ces préposés aurait été incompatible avec la réalisation du mandat de courtage par la société Exane ; que la décision attaquée est également suffisamment motivée quant aux manquements retenus à l'encontre des requérants et à l'imputation de la sanction ;

Sur le bien-fondé de la décision :

En ce qui concerne la caractérisation des manquements :

S'agissant du défaut de tenue d'une liste d'initiés et de mise en place d'une " muraille de Chine " :

5. Considérant que l'article 315-15 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " Le prestataire de services d'investissement met en place des procédures connues sous le nom de " muraille de Chine " dont l'objet est de prévenir la circulation indue d'informations confidentielles, notamment des informations privilégiées définies aux articles 621-1 à 621-3. Ces procédures prévoient notamment : / 1° L'organisation matérielle conduisant à la séparation des entités susceptibles de détenir des informations confidentielles ou privilégiées dans les locaux du prestataire de services d'investissement ; / 2° Les conditions dans lesquelles le responsable de la conformité pour les services d'investissement peut autoriser, dans des circonstances particulières, la transmission d'une information confidentielle d'un service à un autre ou le concours, au bénéfice d'un service, d'une personne concernée d'un autre service. / Le responsable de la conformité pour les services d'investissement surveille l'application des autorisations qu'il délivre. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, établit, met à jour et tient à la disposition de l'Autorité des marchés financiers, dans les conditions prévues par le règlement général de cette dernière, une liste des personnes travaillant en son sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ainsi que des tiers agissant en son nom ou pour son compte ayant accès à ces informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec ce dernier. / Dans les mêmes conditions, ces tiers établissent, mettent à jour et tiennent à la disposition de l'Autorité des marchés financiers une liste des personnes travaillant en leur sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant directement ou indirectement l'émetteur, ainsi que des tiers agissant en leur nom ou pour leur compte ayant accès aux mêmes informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec eux. " ; que l'article 223-27 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit : " Tout émetteur, dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, communique, par écrit, à l'AMF, lorsque cette dernière lui en fait la demande, la liste, établie en application du premier alinéa de l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, des personnes et des tiers ayant accès de manière régulière ou occasionnelle à des informations privilégiées. / La liste des personnes et des tiers ayant accès de manière régulière ou occasionnelle à ces informations privilégiées, établie par les tiers en application du second alinéa de l'article L. 621-18-4 susvisé, est communiquée à l'AMF dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités. " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 621-1 du même règlement : " Une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement. " ;

8. Considérant, en premier lieu, que la commission des sanctions a distingué les griefs tirés du défaut de mise en oeuvre d'une " muraille de Chine " et de l'absence de tenue de liste d'initiés, rappelé les fondements respectifs des deux obligations en cause et précisé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'un manquement à chacune de ces obligations était caractérisé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commission des sanctions aurait commis une erreur de droit en sanctionnant l'absence de tenue de liste d'initiés sur le fondement de l'article 315-15 du règlement général de l'AMF relatif à la mise en oeuvre d'une " muraille de Chine " doit être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de ce que la commission des sanctions se serait fondée sur des éléments postérieurs à la date des faits pour caractériser l'information privilégiée manquent en fait ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Exane a été mandatée par la société Paribas Affaires Industrielles Partners pour acquérir pour le compte de cette dernière un maximum de neuf millions de titres Atos à un prix maximum de 38 euros ; qu'une telle acquisition devait être réalisée en procédant, dans un premier temps, d'une part, à l'achat des titres " au fil de l'eau " au prix du marché, et, d'autre part, à la négociation d'achat de blocs d'actions au meilleur prix puis, dans un second temps, par l'organisation d'une opération d'acquisition de la quotité restante de titres à un prix supérieur au cours de bourse et convenu avec la société PAI ; qu'ainsi, les préposés de la société Exane n'ont pas été informés, contrairement à ce que soutiennent la société et M.A..., d'une opération ordinaire de courtage mais d'une stratégie d'achat particulière comportant deux phases successives de natures différentes pour atteindre l'objectif défini d'acquisition d'un nombre élevé de titres de la société Atos ; qu'il était possible de tirer de ces informations une conséquence positive sur le cours de l'action Atos ; que, par suite, la commission des sanctions de l'AMF a pu légalement estimer, pour retenir leur caractère d'informations privilégiées, que les informations relatives à l'opération d'achat d'actions Atos présentaient un caractère précis ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte également de l'instruction que l'information relative à la stratégie d'achat d'actions Atos comportant deux phases successives de natures différentes était susceptible, en raison du volume d'actions à acquérir et du prix maximum fixé au-dessus du cours de bourse, de provoquer soit des demandes d'achat de la part d'investisseurs intéressés par le titre et anticipant une hausse de celui-ci, soit des reports de décisions de vente afin de pouvoir bénéficier de la prime sur le cours de clôture attachée à l'opération d'acquisition de la quotité restante de titres ; que, par suite, les informations en cause étaient susceptibles d'être utilisées par un investisseur raisonnable détenteur d'actions Atos comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF ; qu'ainsi, les informations communiquées étaient susceptibles d'avoir une influence sensible sur le cours des actions Atos et avaient, par suite, le caractère d'informations privilégiées, ainsi que l'a estimé à bon droit la commission des sanctions sans entacher sa décision de contradiction de motifs ;

12. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent la société Exane et M.A..., plusieurs préposés de la société en charge de l'achat d'actions ont eu communication, avant sa mise en oeuvre, de la stratégie d'achat d'actions Atos et des différentes phases qu'elle comportait ; que, par suite, la commission des sanctions a pu légalement estimer, après avoir constaté que l'information privilégiée avait circulé au sein de la société, qu'étaient constitués les manquements tirés du défaut de tenue d'une liste d'initiés et de mise en place d'une " muraille de Chine " ;

S'agissant de l'absence de détection des conflits d'intérêts et du non-respect du principe de primauté de l'intérêt du client :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-10 du code monétaire et financier : " Les prestataires de services d'investissement doivent : / (...) / 3. Prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d'intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients. Ces conflits d'intérêts sont ceux qui se posent entre, d'une part, les prestataires eux-mêmes, les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ou toute autre personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle et, d'autre part, leurs clients, ou bien entre deux clients, lors de la fourniture de tout service d'investissement ou de tout service connexe ou d'une combinaison de ces services. Lorsque ces mesures ne suffisent pas à garantir, avec une certitude raisonnable, que le risque de porter atteinte aux intérêts des clients sera évité, le prestataire informe clairement ceux-ci, avant d'agir en leur nom, de la nature générale ou de la source de ces conflits d'intérêts " ; qu'aux termes de l'article 313-18 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Le prestataire de services d'investissement prend toute mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d'intérêts se posant lors de la prestation de services d'investissement, de services connexes ou de la gestion d'OPCVM : / 1° Soit entre lui-même, les personnes concernées ou toute personne directement ou indirectement liée au prestataire par une relation de contrôle, d'une part, et ses clients, d'autre part ; / 2° Soit entre deux clients. " ; que l'article 313-19 du même règlement, dans sa rédaction applicable à la date du litige, prévoit que : " En vue de détecter, en application de l'article 313-18, les situations de conflits d'intérêts dont l'existence peut porter atteinte aux intérêts d'un client, le prestataire de services d'investissement prend au moins en compte l'éventualité que les personnes mentionnées à l'article 313-18 se trouvent dans l'une des situations suivantes, que celle-ci résulte de la fourniture de services d'investissement ou de services connexes, ou de la gestion d'OPCVM ou de l'exercice d'autres activités : / 1° Le prestataire ou cette personne est susceptible de réaliser un gain financier ou d'éviter une perte financière aux dépens du client ; / 2° Le prestataire ou cette personne a un intérêt au résultat d'un service fourni au client ou d'une transaction réalisée pour le compte de celui-ci qui est différent de l'intérêt du client au résultat ; / 3° Le prestataire ou cette personne est incité, pour des raisons financières ou autres, à privilégier les intérêts d'un autre client ou d'un groupe de clients par rapport aux intérêts du client auquel le service est fourni ; / 4° Le prestataire ou cette personne exerce la même activité professionnelle que le client ; / 5° Le prestataire ou cette personne reçoit ou recevra d'une personne autre que le client un avantage en relation avec le service fourni au client, sous quelque forme que ce soit, autre que la commission ou les frais normalement facturés pour ce service. " ; que l'article 314-3 du même règlement dispose que " le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des clients et de favoriser l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation sur lesquels il intervient. " ;

14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Exane a annulé l'achat, auprès de sa filiale Exane AM, d'un bloc de 148 453 titres Atos au prix unitaire de 35,95 euros et y a substitué l'achat des mêmes titres au prix de 39 euros dans le cadre de l'opération d'acquisition de la quotité restante de titres, après la clôture du marché, afin de finaliser l'opération d'achat pour le compte de la société PAI ; que la société Exane a également décidé de ne pas conclure la transaction envisagée avec le " hedge fund " Calypso et correspondant à l'achat d'un bloc de 75 000 titres Atos au cours de 36,40 euros, et a reporté l'acquisition de ces titres, au prix de 39 euros, lors de la seconde phase de l'opération ; que ces actions, rendues possibles par la connaissance des différentes phases de l'opération d'acquisition de titres Atos par les préposés d'Exane et réalisées dans l'intérêt d'Exane AM et de Calypso, l'ont été au détriment de la société PAI ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que la commission des sanctions a estimé que la société Exane se trouvait, dans les deux cas, dans une situation de conflits d'intérêts ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société PAI, contactée par Exane, a donné son accord au report de l'achat du bloc de titres Atos possédé par Exane AM, sans néanmoins être informée de l'identité de cette société, ni de ce que l'achat avait déjà été réalisé et devait être annulé ; qu'il est établi que la société PAI n'a été informée par Exane d'aucune autre situation de conflits d'intérêts et n'a pas décidé, contrairement à ce que soutiennent Exane et M.A..., de reporter l'ensemble des achats de blocs d'actions après la clôture du marché ; que la commission des sanctions a, dès lors, pu légalement estimer que la société Exane avait méconnu les règles relatives à la détection des conflits d'intérêts en modifiant les modalités d'achat d'actions Atos au " hedge fund " Calypso afin de faire bénéficier ce dernier de conditions plus avantageuses, au détriment de PAI ; que si la société Exane et M. A... soutiennent que la commission des sanctions a entaché sa décision d'erreurs de droit et d'appréciation en retenant un défaut de détection de conflit d'intérêts dans le cadre de l'opération d'achat d'actions Atos à la société Exane AM, alors que le conflit d'intérêts avait été détecté, il ressort des termes mêmes de sa décision que la commission des sanctions n'a pas, en l'espèce, retenu un tel manquement mais une méconnaissance des dispositions de l'article 314-3 du règlement général de l'AMF ;

16. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que les préposés de la société Exane ont décidé de modifier certaines de leurs décisions d'achat de titres Atos en raison de leur connaissance des différentes phases de l'opération d'acquisition d'une participation minoritaire par PAI et des différences de prix en résultant ; que ces modifications ont été réalisées au détriment de PAI ; que, par suite, la commission des sanctions n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en estimant que la société Exane n'a pas agi " d'une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l'intérêt des clients et favorise l'intégrité des marchés " ;

En ce qui concerne l'imputation des manquements :

17. Considérant que le II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que la commission des sanctions peut prononcer une sanction à l'encontre de certaines personnes morales, notamment les prestataires de services d'investissement, et des personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles ; que l'article 313-6 du règlement général de l'AMF dispose que " la responsabilité de s'assurer que le prestataire de services d'investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance " ;

18. Considérant qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus qu'après avoir estimé que les manquements reprochés à la société Exane étaient constitués, la commission des sanctions a pu légalement les imputer à M. A...en sa qualité de dirigeant de cette société, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé n'a fait valoir aucune circonstance particulière faisant obstacle à la mise en cause de sa responsabilité de dirigeant ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la commission des sanctions aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en lui imputant également les manquements retenus à l'encontre de la société Exane qu'il présidait ;

En ce qui concerne les sanctions prononcées :

19. Considérant qu'en infligeant à la société Exane une sanction pécuniaire d'un montant de 500 000 euros et à M. A...un avertissement, et en décidant la publication de sa décision sur son site internet, la commission des sanctions n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé de sanctions disproportionnées, tant au regard de la gravité et de la nature des manquements reprochés qu'au regard de l'exigence de répression des manquements commis par les prestataires d'investissement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le président de l'Autorité des marchés financiers, la société Exane et M. A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de la commission des sanctions ;

21. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

22. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de la société Exane et de M. A...;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes du président de l'Autorité des marchés financiers, de la société Exane et de M. A...sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Autorité des marchés financiers, la société Exane, M. A..., la société B...et Gavaudan et M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au président de l'Autorité des marchés financiers, à la société Exane, à M. Nicolas Chanut, à la société B...et Gavaudan et à M. C...B....

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 360933
Date de la décision : 26/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2015, n° 360933
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP VINCENT, OHL ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:360933.20150126
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