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02/02/2015 | FRANCE | N°370451

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 02 février 2015, 370451


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

L'EARL Domaine de Trépaloup a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions de l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) du 23 mars 2010 l'excluant du bénéfice des aides aux distillations de crise au titre de la campagne 2008-2009 et du 22 juin 2010 rejetant le recours formé contre cette décision. Par un jugement n°1002074 du 5 juillet 2011, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 11MA037

38 du 23 mai 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugeme...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

L'EARL Domaine de Trépaloup a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions de l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) du 23 mars 2010 l'excluant du bénéfice des aides aux distillations de crise au titre de la campagne 2008-2009 et du 22 juin 2010 rejetant le recours formé contre cette décision. Par un jugement n°1002074 du 5 juillet 2011, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 11MA03738 du 23 mai 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de FranceAgriMer du 22 juin 2010, rejeté la demande de l'EARL Domaine de Trépaloup tendant à l'annulation de cette décision ainsi que le surplus des conclusions de la requête d'appel de FranceAgriMer.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 23 juillet 2013, 23 octobre 2013 et 24 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EARL Domaine de Trépaloup demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11MA03738 du 23 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille, en tant qu'il lui fait grief ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de FranceAgriMer ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 ;

- le règlement (CE) n° 1282/2001 de la Commission du 28 juin 2001 ;

- l'arrêté du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 31 juillet 2009 relatif aux modalités d'octroi de l'aide à la distillation de crise pour la campagne 2008-2009 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'EARL Domaine de Trépaloup et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;

FranceAgriMer a produit une note en délibéré, enregistrée le 20 janvier 2015.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole : " (...) 4. La campagne de production pour les produits relevant du présent règlement, ci-après dénommée " campagne ", commence le 1er août de chaque année et se termine le 31 juillet de l'année suivante " ; qu'aux termes de l'article 18 du même règlement : " (...) 2. Les producteurs de moût et de vin et les commerçants autres que les détaillants déclarent chaque année les quantités de moût et de vin qu'ils détiennent, que celles-ci proviennent de la récolte de l'année ou de récoltes antérieures (...) " ; qu'aux termes de l'article 30 de ce règlement : " 1. Une mesure de distillation de crise peut être prise en cas de perturbation exceptionnelle du marché due à d'importants excédents et/ou à des problèmes de qualité./ 2. La mesure a pour but : a) de résorber les poches d'excédents / et / b) d'assurer la continuité des approvisionnements d'une récolte à l'autre./ 3. La mesure est facultative pour les producteurs (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 1282/2001 de la Commission du 28 juin 2001 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil précité : " 1. Les personnes physiques ou morales ou groupements de ces personnes, autres que les consommateurs privés et les détaillants, présentent chaque année aux autorités compétentes des Etats membres une déclaration de stocks de moûts de raisins, de moûts de raisins concentrés, de moûts de raisins concentrés rectifiés et de vins qu'ils détiennent à la date du 31 juillet (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du même règlement : " 2. Les déclarations visées à l'article 6 sont présentées au plus tard le 10 septembre pour les quantités détenues à la date du 31 juillet. Toutefois les Etats membres peuvent fixer une ou des dates antérieures " ; qu'aux termes de l'article 12 du même règlement : " Les assujettis à l'obligation de présentation des déclarations de récolte, de commercialisation et/ou de traitement ou de stocks, qui n'ont pas présenté ces déclarations aux dates prévues à l'article 11 sont, sauf cas de force majeure, exclus du bénéfice des mesures prévues aux articles 24, 29, 30, 34 et 35 du règlement (CE) n° 1493/1999 pour la campagne en cause ainsi que pour la campagne suivante. / Toutefois, le dépassement des délais visés au premier alinéa ne donne lieu qu'à une diminution de 15 % des montants à verser pour la campagne en cours, lorsque les délais précités sont dépassés dans la limite de cinq jours ouvrables et de 30 % lorsqu'ils sont dépassés dans la limite de dix jours ouvrables " ;

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte clairement de ces dispositions que la déclaration prévue à l'article 18 du règlement (CE) n° 1493/1999 porte sur les quantités de moût et de vin détenues au 31 juillet de chaque année ; qu'ainsi, cette déclaration de stock est due à l'issue de la campagne de production qui court du 1er août de l'année précédente au 31 juillet de l'année en cours ; qu'un défaut de déclaration ou un retard supérieur à dix jours par rapport à l'échéance mentionnée à l'article 11 du règlement (CE) n° 1282/2001 ou, le cas échéant, par rapport à l'échéance fixée par les autorités nationales entraîne, sauf cas de force majeure, l'exclusion du bénéfice d'une éventuelle aide à la distillation de crise pour la campagne à l'issue de laquelle la déclaration est due, ainsi que pour la campagne suivante ;

3. Considérant, d'autre part, que les dispositions citées au point 1 n'imposent pas qu'une mesure d'aide à la distillation de crise décidée en cours de campagne ne porte que sur des vins produits lors de campagnes précédentes, ni n'excluent qu'une telle mesure porte sur les vins produits lors de la campagne en cours ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'aide refusée par FranceAgriMer à l'EARL Domaine de Trépaloup par sa décision du 22 juin 2010, seule désormais en litige, est celle prévue par l'arrêté du 31 juillet 2009 " relatif aux modalités d'octroi de l'aide à la distillation de crise pour la campagne 2008-2009 " ; que cette aide visait, conformément d'ailleurs à l'intitulé de cet arrêté, à faciliter la distillation de vins produits lors de la campagne 2008-2009, les autorités françaises ayant constaté que l'évaluation qui pouvait être faite, au printemps 2009, de l'utilisation de ces vins et de l'évolution subséquente des stocks conduisait à conclure, alors même que cette campagne n'était pas achevée, à un risque de " surstock " qu'il était opportun de résorber avant l'arrivée de la récolte suivante ;

5. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, la cour a commis une erreur de droit en jugeant qu'une mesure d'aide à la distillation de crise " est nécessairement prise l'année suivant la déclaration de stocks concernée par cette mesure " ; que l'EARL est fondée à demander pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le bénéfice de l'aide à la distillation prévue par l'arrêté du 31 juillet 2009 précité ne pouvait légalement être subordonné qu'au dépôt régulier, par les demandeurs, de leur déclaration de stock 2009, due à l'issue de la campagne concernée par la mesure d'aide, et de leur déclaration de stock 2008, due à l'issue de la campagne précédente ; que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Nîmes a jugé que l'administration ne pouvait, sans méconnaître la réglementation communautaire, prévoir, ainsi qu'elle l'a fait dans l'arrêté du 31 juillet 2009, que l'aide serait refusée en cas de défaillance dans le dépôt des déclarations de stock 2007 et 2008 ;

8. Considérant, en second lieu, que s'il est constant que l'EARL Domaine de Trépaloup a produit avec plus de dix jours de retard sa déclaration de stock 2007, due à l'issue de la campagne de production 2006-2007, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce retard ne pouvait légalement justifier un refus d'aide à la distillation qu'au titre de la campagne 2006-2007 et de la campagne 2007-2008 ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nîmes a jugé que FranceAgriMer ne pouvait légalement se fonder sur ce retard pour refuser à l'EARL Domaine de Trépaloup le bénéfice de l'aide à la distillation prévue par l'arrêté du 31 juillet 2009 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que FranceAgriMer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nîmes a annulé sa décision du 22 juin 2010 refusant à l'EARL Domaine de Trépaloup, au seul motif qu'elle n'avait pas régulièrement déposé sa déclaration de stock 2007, le bénéfice de l'aide à la distillation de crise pour la campagne 2008-2009 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 5 000 euros à verser à l'EARL Domaine de Trépaloup au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'EARL Domaine de Trépaloup, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 23 mai 2013 est annulé en tant qu'il annule le jugement du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Nîmes et rejette la demande de l'EARL Domaine de Trépaloup tendant à l'annulation de la décision de FranceAgriMer du 22 juin 2010 refusant à l'EARL le bénéfice de l'aide à la distillation de crise pour la campagne 2008-2009.

Article 2 : L'appel formé par FranceAgriMer contre le jugement du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il annule sa décision du 22 juin 2010 est rejeté.

Article 3 : FranceAgriMer versera à l'EARL Domaine de Trépaloup la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de FranceAgriMer présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'EARL Domaine de Trépaloup et à l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 370451
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2015, n° 370451
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370451.20150202
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