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11/02/2015 | FRANCE | N°370089

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 11 février 2015, 370089


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Reims République Développement, dont le siège est 123 rue du Château, à Boulogne-Billancourt (92110) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision nos 1706 T, 1728 T à 1751 T du 3 avril 2013 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui accorder l'autorisation préalable requise en vue de procéder à la création, à Reims (Marne), d'un ensemble commercial d'une surface de

vente totale de 7 230,50 m² ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'amé...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Reims République Développement, dont le siège est 123 rue du Château, à Boulogne-Billancourt (92110) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision nos 1706 T, 1728 T à 1751 T du 3 avril 2013 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui accorder l'autorisation préalable requise en vue de procéder à la création, à Reims (Marne), d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 7 230,50 m² ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande d'autorisation dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 janvier 2015, présentée par la société Reims République Développement ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 16 novembre 2012, la commission départementale d'aménagement commercial de la Marne a autorisé la société Reims République Développement à créer un ensemble commercial de 7 230,50 m² à Reims ; que, saisie sur recours de plusieurs sociétés exploitant des activités commerciales dans la zone de chalandise, la Commission nationale d'aménagement commercial a, par une décision du 3 avril 2013, refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que la société Reims République Développement demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;

2. Considérant, en premier lieu, que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en l'espèce, la commission nationale a satisfait à cette obligation ; que le moyen tiré de ce qu'elle aurait entaché sa décision d'une insuffisance de motivation doit donc être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la commission nationale disposait des éléments lui permettant d'apprécier la conformité du projet à l'ensemble des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce ; que, contrairement à ce que soutient la société Reims République Développement, la commission nationale ne s'est pas fondée, pour refuser l'autorisation sollicitée, sur la circonstance que les informations qui avaient été fournies par la société pétitionnaire ne lui permettaient pas de se prononcer sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire ; que, dès lors, elle n'était pas tenue d'inviter la société pétitionnaire à compléter son dossier préalablement au rejet de la demande d'autorisation ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. " ; que la décision par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial, qui ne statuait pas sur une demande de la société Reims République Développement, a refusé à celle-ci l'autorisation demandée, ne pouvait, en application de ces dispositions, intervenir avant que la société ait été mise à même de présenter ses observations ; que toutefois, si la commission nationale a relevé que la ville de Reims avait bénéficié de subventions importantes au titre du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), cette mention n'est qu'un élément de fait relatif au motif tiré de l'atteinte au commerce de proximité ; que la commission n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en n'invitant pas expressément la société requérante à présenter ses observations sur cet élément de fait, dès lors que la question de l'atteinte au commerce de proximité était largement débattue devant elle ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que lorsque l'instruction fait apparaître que, pour satisfaire aux objectifs fixés par le législateur en matière d'aménagement du territoire ou de développement durable, des aménagements sont nécessaires, l'autorisation ne peut être accordée que si la réalisation de tels aménagements à l'ouverture de l'ensemble commercial est suffisamment certaine ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 10 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur : " 3. Les conditions d'octroi de l'autorisation pour un nouvel établissement ne doivent pas faire double emploi avec les exigences et les contrôles équivalents ou essentiellement comparables en raison de leur finalité, auxquels est déjà soumis le prestataire dans un autre État membre ou dans le même État membre. (...) ", qu'aux termes de l'article 13 de la même directive : " 1. Les procédures et formalités d'autorisation doivent être claires, rendues publiques à l'avance et propres à garantir aux parties concernées que leur demande sera traitée avec objectivité et impartialité. " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même directive : " Les États membres ne subordonnent pas l'accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de l'une des exigences suivantes : (...) 5) l'application au cas par cas d'un test économique consistant à subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande du marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente (...) " ;

7. Considérant qu'à l'appui de son moyen tiré de ce que les dispositions nationales applicables méconnaîtraient tant les dispositions précitées de la directive du 12 décembre 2006 que le principe de liberté d'établissement énoncé à l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la société requérante se borne à faire valoir qu'elles feraient " double emploi " avec d'autres contrôles auxquels les porteurs de projets d'aménagement commercial sont soumis, que les critères qu'elles instaurent seraient insuffisamment clairs et objectifs, et qu'elles conduiraient à instituer un test économique incompatible avec l'article 14 de la directive ; que, cependant, la procédure que les dispositions nationales rappelées ci-dessus organisent ne saurait faire " double emploi " avec d'autres procédures administratives, telles que le permis de construire, certaines autorisations spécifiques à la protection de l'environnement ou les règles régissant les établissements accueillant du public, qui ont une finalité différente ; que ces mêmes dispositions édictent des critères clairs et objectifs ; qu'elles n'instituent pas de " test économique " ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, les moyens tirés de la méconnaissance du droit de l'Union européenne doivent être écartés ;

8. Considérant, d'autre part, que, pour refuser l'autorisation sollicitée, la commission nationale a relevé que le projet entraînerait des flux importants de circulation sur des axes déjà saturés et que les adaptations et aménagements routiers nécessaires n'étaient pas suffisamment certains ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'ensemble commercial litigieux provoquera un accroissement significatif de la circulation automobile sur des axes déjà très fréquentés, de nature à conduire à leur saturation et à créer des risques en termes de sécurité ; que si le pétitionnaire a prévu la création de voies situées sur l'emprise foncière du projet, permettant d'assurer la desserte des différents éléments du programme immobilier, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la réalisation des adaptations et des aménagements routiers à l'échelle de l'agglomération n'était pas suffisamment certaine ; que, par suite, c'est à bon droit que la commission nationale, qui pouvait légalement tenir compte du fait que les difficultés de circulation provoquées par le projet d'aménagement commercial se conjugueraient à celles provoquées par les autres parties du projet, lequel inclut des commerces, des bureaux, des services et des logements, a estimé que le projet ne satisfaisait pas au critère relatif aux flux de transports ; qu'il résulte de l'instruction que, quel que soit le bien-fondé des autres motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial, celle-ci aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Reims République Développement n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, au titre de ces mêmes dispositions, la somme de 3 000 euros à verser à la société Sodapp et la somme de 3 000 euros à verser à l'EURL Biston ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Reims République Développement est rejetée.

Article 2 : La société Reims République Développement versera à la société Sodapp et à l'EURL Biston la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Reims République Développement, à la société Sodapp, à l'EURL Biston et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera adressée à la société MCG France, au magasin " Création-Cuir-Daim, Laurent Mathieu ", au magasin " Espace Chaussures ", à la SARL Tamoues, à la société New Art, à la SARL Amandine Boutique, à la boulangerie-pâtisserie Lamaix, aux établissements Lecorchet, au magasin de chaussures Calou, au salon Alain Dralet, à l'institut " Feeling au féminin ", à la SAS Guiset Benoit, au magasin CetD Photo, à l'opticien Optika Saint Thomas, à la cordonnerie Stop Services, au magasin Au Jardin Fleuri, à la pharmacie Saint Thomas, à la boucherie-charcuterie Digrazia Roger, à la pharmacie du Progrès, au bar-brasserie Anvers, au magasin Le Marigny, au tapissier décorateur Tradi Décor et au bar-brasserie Le Saint Thomas.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 370089
Date de la décision : 11/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES. ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION. AMÉNAGEMENT COMMERCIAL. - RÉGIME D'AUTORISATION DES PROJETS D'EXPLOITATION COMMERCIALE ISSU DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 (DITE LOI LME) - MÉCONNAISSANCE DE LA LIBERTÉ D'ÉTABLISSEMENT (ART. 49 DU TFUE) ET DE LA DIRECTIVE DU 12 DÉCEMBRE 2006 (DIRECTIVE SERVICES) - ABSENCE.

14-02-01-05 La procédure organisée par les dispositions des articles L. 752-1 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 (dite loi LME), soumettant certains projets d'exploitation commerciale à autorisation ne font pas « double emploi » avec d'autres procédures administratives, telles que le permis de construire, certaines autorisations spécifiques à la protection de l'environnement ou les règles régissant les établissements accueillant du public, qui ont une finalité différente. Ces mêmes dispositions édictent des critères clairs et objectifs et n'instituent pas de « test économique ». Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient, pour ces motifs, contraires à la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ainsi qu'au principe de liberté d'établissement énoncé à l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) doit être écarté.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2015, n° 370089
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370089.20150211
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