La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2015 | FRANCE | N°372987

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 11 février 2015, 372987


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le syndicat national des magistrats-Force Ouvrière, dont le siège est 46, rue des petites écuries à Paris (75010) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Président de la République et la décision du 25 juin 2013 du garde des sceaux, ministre de la justice par lesquelles sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 71-257 du 7 avril 1971 relatif au collège des magistrats des cours et tribunaux et

du ministère de la justice a été rejetée ;

2°) de mettre à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le syndicat national des magistrats-Force Ouvrière, dont le siège est 46, rue des petites écuries à Paris (75010) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Président de la République et la décision du 25 juin 2013 du garde des sceaux, ministre de la justice par lesquelles sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 71-257 du 7 avril 1971 relatif au collège des magistrats des cours et tribunaux et du ministère de la justice a été rejetée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant que l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature institue une commission d'avancement, commune aux magistrats du siège et du parquet, dont la composition est précisée à l'article 35 de cette ordonnance et qui est chargée, notamment, d'arrêter le tableau d'avancement ainsi que les listes d'aptitudes aux fonctions, de recevoir les contestations des magistrats relatives à leur évaluation professionnelle et de donner un avis sur les intégrations directes et les détachements dans le corps judiciaire ; qu'aux termes de l'article 13-1 de cette ordonnance : " Un collège de magistrats des cours et tribunaux du ministère de la justice élit les magistrats du corps judiciaire appelés à siéger à la commission d'avancement en application du 4° de l'article 35. (...) " ; que l'article 13-5 de cette même ordonnance dispose : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent chapitre. " ; que le syndicat requérant demande l'annulation du rejet de sa demande d'abrogation du décret du 7 avril 1971 relatif au collège des magistrats des cours et tribunaux et du ministère de la justice, qui fixe les règles de composition de cette instance et le mode de désignation de ses membres appelés à élire les membres de la commission d'avancement ;

2. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 2 du décret litigieux dont le syndicat requérant demandait l'abrogation n'étaient plus en vigueur à la date de sa demande ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité devant le scrutin en tant qu'elles prévoient des modalités de répartition différentes des sièges au sein du collège des magistrats, selon, d'une part, que les magistrats exercent leurs fonctions dans des cours d'appel ou dans des tribunaux et, d'autre part, l'effectif de magistrats affectés dans chaque juridiction est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les attributions de la commission d'avancement, définies à l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, et celles du collège des magistrats, définies à l'article 13-1 de cette même ordonnance, sont étrangères à la détermination des conditions de travail des magistrats ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en autorisant la présentation de candidatures personnelles au scrutin permettant la désignation des membres du collège des magistrats, sans mandat exprès de la part d'organisations syndicales, le décret litigieux méconnaîtrait les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, aux termes desquelles " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. ", doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les magistrats relèvent d'un statut spécifique et constitutionnellement garanti, défini par l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; que leur sont également applicables les dispositions du statut général de la fonction publique auxquelles renvoie expressément l'ordonnance organique, ainsi que les principes généraux du droit de la fonction publique, sauf dispositions particulières de leur statut ;

5. Considérant que l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires exclut expressément les magistrats de l'ordre judiciaire de son champ d'application ; que les dispositions de l'article 9 bis de cette loi instituant un monopole de présentation par les organisations syndicales des candidats aux élections professionnelles de la fonction publique, auxquelles ne renvoie pas l'ordonnance du 22 décembre 1958, ne sont, par suite, en tout état de cause, pas applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire ; qu'aucun principe général du droit de la fonction publique n'impose une telle exclusivité pour les élections au sein du collège des magistrats ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en permettant la présentation de candidatures individuelles, sans mandat syndical, le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions législatives garantissant le respect de cette exclusivité ne peut être accueilli ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que les attributions de la commission d'avancement ne sont pas définies par le décret litigieux mais par l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que les compétences dévolues à la commission d'avancement ne permettraient pas aux organisations syndicales représentatives d'exercer pleinement leurs droits et attributions ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions du décret litigieux ne présentent aucune difficulté d'interprétation ; qu'elles ne sauraient dès lors méconnaître, pour ce motif, ni l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme, ni le principe de sécurité juridique ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête du syndicat national des magistrats-Force Ouvrière doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat national des magistrats-Force Ouvrière est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national des magistrats-Force Ouvrière, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée pour information au Président de la République.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 372987
Date de la décision : 11/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2015, n° 372987
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:372987.20150211
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award