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13/02/2015 | FRANCE | N°376864

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 13 février 2015, 376864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société anonyme Groupe Bigard a saisi le tribunal de grande instance de Dieppe d'une demande tendant à faire dire par ce tribunal que les contrats de bail à construction et de crédit-bail conclus avec la commune de Forges-les-Eaux avaient été exécutés et que les ventes à son profit, moyennant le versement de la somme d'un euro symbolique, de trois parcelles cadastrées section AL n° 228, 249, 250, 293, 294 et 295 situées sur le territoire de cette commune étaient parfaites.

Par une ordonnance

de mise en état du 11 juillet 2013, le président du tribunal de grande instance de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société anonyme Groupe Bigard a saisi le tribunal de grande instance de Dieppe d'une demande tendant à faire dire par ce tribunal que les contrats de bail à construction et de crédit-bail conclus avec la commune de Forges-les-Eaux avaient été exécutés et que les ventes à son profit, moyennant le versement de la somme d'un euro symbolique, de trois parcelles cadastrées section AL n° 228, 249, 250, 293, 294 et 295 situées sur le territoire de cette commune étaient parfaites.

Par une ordonnance de mise en état du 11 juillet 2013, le président du tribunal de grande instance de Dieppe a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à ce que le tribunal administratif se soit prononcé sur l'appartenance au domaine public ou privé de ces biens.

Par un jugement n° 1302725 du 28 janvier 2014, le tribunal administratif de Rouen a déclaré que les parcelles cadastrées section AL n° 228, 249, 250, 293, 294 et 295 situées sur le territoire de la commune de Forges-les-Eaux et les constructions qui y sont implantées appartiennent au domaine public de la commune de Forges-les-Eaux sous réserve qu'elle en soit propriétaire.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 mars et 27 juin 2014 et 15 janvier 2015, la société Groupe Bigard demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2014 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de dire, à titre principal, que les parcelles cadastrées section AL n° 228, 249, 250, 293, 294 et 295 situées sur le territoire de la commune de Forges-les-Eaux n'appartiennent pas au domaine public de la commune et, à titre subsidiaire, que les parcelles AL n° 228, 294 et 295 correspondant à l'atelier de découpe ne relèvent pas du domaine public de la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Forges-les-Eaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

-le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 65-543 du 8 juillet 1965 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la société anonyme Groupe Bigard et à Me Carbonnier, avocat de la commune de Forges-les-Eaux.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Forges-les-Eaux a exploité un abattoir en régie directe puis, à partir de 1973, dans le cadre d'une régie dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière ; que ces installations comprennent un abattoir, implanté sur les parcelles cadastrées n° AL 249, AL 250 et AL 293, et un atelier de découpe, construit en 1988, implanté sur les parcelles n° AL 228, AL 294 et AL 295 ; qu'un contrat de crédit-bail portant sur l'atelier de découpe a été conclu avec une société privée à compter de 1988 ; qu'un contrat de bail à construction portant sur l'abattoir a été conclu avec la société d'abattage du pays de Bray le 7 février 1990 ; que le contrat de crédit-bail portant sur l'atelier de découpe et le contrat de bail à construction portant sur l'abattoir étaient assortis de promesses de vente ; que, par une délibération du 7 novembre 2005, confirmée par une délibération du 30 mars 2006, le conseil municipal de Forges-les-Eaux a décidé de céder l'atelier de découpe à la société Arcadie Centre Est ; que le fonds de commerce de la société Arcadie Centre Est à Forges-les-Eaux a été cédé à la société Groupe Bigard le 21 novembre 2006 ; que l'acte de cession prévoyait la jouissance du bail à construction conclu le 7 février 1990 ; que, par une délibération du 2 juin 2008, le conseil municipal de Forge-les-Eaux a décidé de céder l'abattoir à la société Groupe Bigard pour un euro symbolique ; que, par une délibération du 15 novembre 2011, le conseil municipal de Forges-les-Eaux a décidé de retirer les précédentes délibérations ; que la société Groupe Bigard a saisi le tribunal de grande instance de Dieppe afin que ce tribunal dise que les contrats de crédit-bail et de bail à construction avaient été exécutés et que les ventes des parcelles étaient parfaites ; que, par une ordonnance du 11 juillet 2013, le président du tribunal a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à ce que le tribunal administratif de Rouen se soit prononcé sur " la question préjudicielle relative à la domanialité publique ou privée des terres AL 249, 250, 293, 228, 294 et 295 de la commune de Forges-les-Eaux " ; que la société Groupe Bigard fait appel du jugement du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a déclaré que " les terrains et constructions implantés sur les parcelles précitées appartiennent au domaine public de la commune de Forges-les-Eaux sous réserve qu'elle en soit propriétaire " ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'il n'était pas compétent pour statuer sur un moyen soulevé devant lui par la société Groupe Bigard et tiré de ce qu'elle serait devenue propriétaire des installations en cause en vertu des différents contrats signés avec la commune de Forges-les-Eaux, le tribunal administratif n'a pas relevé d'office un moyen mais s'est borné à exercer son office ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle par l'autorité judiciaire, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée ; qu'en jugeant que la décision par laquelle le tribunal de grande instance de Dieppe a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la domanialité publique ou privée des parcelles cadastrées AL 249, 250, 293, 228, 294 et 295 de la commune de Forges-les-Eaux impliquait de se prononcer sur l'appartenance au domaine public des constructions édifiées sur ces parcelles, le tribunal administratif de Rouen n'a pas méconnu la portée de la question renvoyée devant lui ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des dispositions de la loi du 8 juillet 1965 relatives à la gestion et à l'exploitation des abattoirs publics départementaux et municipaux que le législateur a entendu faire de la gestion et de l'exploitation des abattoirs municipaux un service public industriel et commercial ; qu'ainsi, les abattoirs, affectés à un service public et spécialement aménagés à cette fin, ont été incorporés au domaine public de la commune ; que les ateliers de découpe, qui sont indissociables des abattoirs, en constituent un accessoire indispensable et ont également été incorporés au domaine public de la commune ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Un bien d'une personne publique (...) qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement. " ; qu'ainsi, lorsqu'un bien appartenant à une personne publique a été incorporé dans son domaine public, il ne cesse d'appartenir à ce domaine que du fait d'une décision expresse de déclassement prise par l'autorité compétente ;

6. Considérant que l'arrêté interministériel du 23 septembre 1992 modifiant l'arrêté du 22 novembre 1968 fixant, pour chaque département, les conditions d'implantation rationnelle, de construction et de fonctionnement et de gestion des abattoirs publics ainsi que les listes des établissements publics et privés figurant au plan révisé n'a pu avoir pour effet, en transférant l'abattoir de Forges-les-Eaux de la liste des abattoirs publics à la liste des abattoirs privés annexée à l'arrêté du 22 novembre 1968, d'entraîner le déclassement d'un bien appartenant au domaine public communal ; qu'ainsi, en l'absence de toute décision expresse prononçant le déclassement de ces biens, et en dépit du fait que l'abattoir de Forges-les-Eaux n'aurait plus été géré directement par la commune depuis 1990 et n'aurait pas fait l'objet d'un contrat de concession de service public, ces biens n'ont pas cessé de constituer une dépendance du domaine public communal ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Groupe Bigard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a déclaré " que les terrains et constructions implantés sur les parcelles cadastrées section AL n° 228, 249, 250, 293, 294 et 295 situées sur le territoire de la commune de Forges-les-Eaux appartiennent au domaine public de la commune de Forges-les-Eaux, sous réserve qu'elle en soit propriétaire " ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Forges-les-Eaux qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Groupe Bigard la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Forges-les-Eaux, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Groupe Bigard est rejetée.

Article 2 : La société Groupe Bigard versera à la commune de Forges-les-Eaux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Bigard et à la commune de Forges-les-Eaux.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 376864
Date de la décision : 13/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2015, n° 376864
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : FOUSSARD ; CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:376864.20150213
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